Réacteurs nucléaires : l’avenir de la centrale de Gravelines doit-il passer par l'EPR2 ?

Faut-il relancer un programme de réacteurs nucléaires en France ? Le débat est lancé et il fait étape à Lille. Un enjeu régional alors que la centrale de Gravelines vieillit.

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Gravelines pourrait accueillir d’ici 2035 l’un des 6 premiers réacteurs français EPR2 (European Pressurized Reactor). Des réacteurs nouvelle génération dont l’avenir est lui-même suspendu après les nombreuses difficultés rencontrées sur le chantier de Flamanville.

Lancée en octobre dernier, la Commission nationale du débat public (CNDP) doit permettre à tous les citoyens qui le désirent de réfléchir au futur système énergétique français. La commission fait étape ce jeudi soir à Lille. Son président, Michel Badré, nous a accordé un entretien.

Qu’est-ce que l’EPR2 ?

Depuis 50 ans en France, il y a eu plusieurs générations de réacteurs nucléaires. Les 56 qui tournent actuellement sont des réacteurs à eau pressurisée. Le système de refroidissement se fait avec de l’eau sous pression. On reste dans le même système avec les EPR mais c’est une troisième génération censée être plus performante.

Le problème, c’est que l’installation du premier EPR à Flamanville a rencontré beaucoup de difficultés. La décision a été prise en 2006 et le réacteur ne sera pas mis en service avant 2024. C’est un gros retard et, entre temps, les cours se sont envolés.

L’EPR2 est censé avoir pris en compte toutes ces difficultés. EDF garantit que ça se passera mieux.

La centrale de Gravelines est-elle candidate pour l’EPR2 ?

Dans son projet, EDF a affirmé que les deux premiers EPR2 seront à Penly près de Dieppe. C’est pour cela que plusieurs réunions de la commission se sont déroulées en Normandie.

Cette fois, nous sommes à Lille et ça a évidemment un rapport avec Gravelines. Selon EDF, les 4 réacteurs de nouvelle génération suivants pourraient être déployés à Gravelines et dans la Vallée du Rhône.

En 2023, il y aura les débats parlementaires de la future loi de programmation sur l’énergie et le climat. Le Président de la République s’est d’ores et déjà prononcé pour une relance du programme nucléaire. On s’y perd. Quel est l’enjeu de fond ?

La fin de vie des réacteurs actuels est proche, entre 2030 et 2050. Est-ce qu’on les remplace ou est-ce qu’on sort du nucléaire ? C’est ça l’enjeu du moment. Ce sera au Parlement de décider. Il y a un sujet d’irréversibilité. Si on lance un nouveau programme, on part pour 100 ans… sans compter la gestion des déchets nucléaires !

Avant de se battre pour savoir s’il faut faire 6 ou 12 réacteurs, il faudrait déjà avoir une idée plus précise de nos besoins. C’est le débat sur la sobriété, un débat récent. Alors qu’on cherche à réduire nos énergies fossiles, quel doit être le partage entre le nucléaire et les énergies renouvelables ?

Plusieurs associations dont Greenpeace, Sortir du Nucléaire et Adelfa ont décidé de quitter les débats de la Commission cette semaine. Pourquoi ?

En février 2022, le président de la République a dit qu’il avait l’intention de lancer un programme de nouveaux réacteurs nucléaires. En France, la Constitution permet à tout le monde de participer à l’élaboration des décisions. D’où le débat public.

Pour la première fois, Sortir du nucléaire acceptait de participer au débat. On a démarré en octobre, sauf qu’il y a eu un élément nouveau en janvier.

Le gouvernement a déposé un projet de loi parallèle sur les énergies renouvelables et sur les procédures d’installation des centrales nucléaires. Quand le projet est arrivé en débat au Sénat, des amendements ont été déposés et votés pour changer les lois.

Des lois antérieures qui empêchent le développement des EPR ?

Et oui. Pour développer les EPR, il faudrait changer deux lois : celle qui prévoit une baisse de la part du nucléaire dans la production électrique (50% maximum d’ici 2035). Celle qui fixe un plafond de puissance des réacteurs.

La CNDP a publié un communiqué le 18 janvier pour dire que l’accélération du calendrier nous paraissait problématique. Le vote du Sénat s’est poursuivi malgré tout. Greenpeace et Sortir du nucléaire ont quitté le débat, mais il y a d’autres organisations environnementales qui ont décidé de rester comme Négawatt.

Tout ça n’est pas très bon pour la politique nucléaire future. Si la loi est votée alors que les débats ne sont pas terminés, on en parlera pendant 50 ans. Le manque de concertation irrite toujours en matière de nucléaire. On le voit avec le centre de stockage de déchets nucléaires de Bure.

Que des gens appuient qu’il faut relancer le nucléaire, d’autres ont dit que non, nous on n’est pas là pour compter… C’est le boulot du Parlement de dire s’il faut y aller. Mais la Constitution n'est pas faite pour les chiens. Lui donner un coup de canif comme celui-ci n’est pas très bon.

Lille accueille la première réunion depuis le vote du Sénat. Votre travail a-t-il encore la même valeur ? Vous croyez vraiment que ça va servir ?

Malgré mon âge, je garde une dose de naïveté et de croyance en la démocratie. Je ne pense pas qu’on déplacera le curseur des pros et des anti-nucléaires. Comment fait-on pour avoir un projet qui tienne 150 ans ? C’est une question éthique extrêmement importante.

Il faut faire quelque chose. Eclairer ça, je pense que ça peut servir pour quelque chose. Il faut mettre tout ça sur la table proprement et, après, décider même si ça n’est pas facile.

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