“Il faudrait tout améliorer” : avec un handicap, l’accessibilité reste un enjeu majeur à Lille

Trottoirs et routes accidentés, portiques de métros pas adaptés, rampes de bus qui ne descendent pas… Pour les personnes en situation de handicap, la mobilité dans la ville de Lille demeure compliquée, malgré les efforts de la mairie.

30 millions d’euros : c’est le montant investi entre 2015 et 2024 dans des travaux d’accessibilité par la ville de Lille, d’après son site internet. Pourtant, pour les personnes en situation de handicap, la mobilité reste un problème. Se déplacer sur les trottoirs comme dans les transports en commun présente encore des difficultés.

Il faudrait tout améliorer”, déplore Erik Cattez, représentant départemental d'APF France Handicap. Les trottoirs ? “Ils sont trop étroits, trop déformés, encombrés par les poubelles…” Les rues piétonnes ? “Avec un fauteuil roulant, c’est très très difficile de circuler sur les pavés. Alors il y a certains secteurs de Lille où ce n’est pas possible d’aller… Ou alors, on risque de chuter.”

Des trottoirs encombrés, contraignants et dangereux

Cliff, 30 ans, porteur d’un handicap moteur, a par exemple arrêté de fréquenter le Vieux-Lille, notamment pour des raisons d’accessibilité : “C’est chiant, quand il y a des pavés, le fauteuil ne fait que trembler…” Même dans son quartier, à Gambetta, il se retrouve en difficulté : parfois, quand il sort de chez lui, les poubelles sur le trottoir l’empêchent de passer. “Il n’y a pas de place de poubelles dédiées et résultat, je n’arrive pas à sortir de chez moi”, explique-t-il. “Ce n’est pas anecdotique : ça arrive une fois par semaine.”

Je me suis fracassée par terre et retrouvée à plat ventre. Dans ces situations, on se relève tant bien que mal, on fait demi tour, on ne va pas où on voulait aller.

Annie, 66 ans

retraitée et déficiente visuelle

Dangereux, aussi, pour les personnes déficientes visuelles, comme Annie. À 66 ans, cette retraitée a déjà fait de grosses chutes, en pleine ville, à cause de problèmes de voiries. “Un jour, mon pied s’est pris dans le creux d’une plaque d'égout mal fixée au sol”, raconte-t-elle. “Je me suis fracassée par terre et retrouvée à plat ventre. Dans ces situations, on se relève tant bien que mal, on fait demi-tour, on ne va pas où on voulait aller. C’est un échec, on ressent une grande tristesse. Sur le moment, on en veut à tout le monde : à la ville, à la MEL…” 

80% des équipements lillois accessibles

Engagée au sein de l’association Unadev (Union Nationale des Aveugles et Déficients Visuels), Annie souligne que ces chutes peuvent être encore plus graves : il arrive par exemple qu’une personne malvoyante chute dans un gros trou de travaux, mal signalé, et se retrouve avec une cheville cassée.

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Quid du métro ? “Il était accessible avant. Mais depuis l’installation des portiques en 2017-2018, c’est très compliqué”, explique Erik Cattez, de l’APF France. Cliff, dont le fauteuil n’est pas très grand, réussit quant à lui à passer les portiques… Sauf lorsqu’ils ne fonctionnent pas. “Quand t’es handic’, faut pas être pressé car rien n’est fait pour toi”, relativise-t-il. Il a tout de même à cœur de souligner le positif : “Je sens que des efforts sont faits ; on ne va pas cracher dans la soupe en permanence !” 

Je sens que des efforts sont faits ; on ne va pas cracher dans la soupe en permanence !

Cliff, 30 ans

porteur d'un handicap moteur

Annie, elle, se réjouit de pouvoir prendre le métro qui est “accessible” pour les personnes malvoyantes. Elle voudrait cependant que des bornes tactiles soient développées dans davantage de stations de métro. 

Pas d'annonces sonores dans le bus

Quant aux bus, sur le papier, 100% du réseau est supposé être accessible aux personnes à mobilité réduite (toujours d’après le site de la mairie de Lille). Dans les faits, Erik explique que “tout dépend si le chauffeur a la possibilité de sortir la rampe, car certaines ne fonctionnent pas”. Résultat : “on vous dit d’attendre le prochain bus et ça peut être le même problème sur plusieurs bus”.

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Pour Annie, il y a un autre problème : contrairement au métro et au tram, il n’y a pas d’accompagnement sonore dans les bus. “Ça fait qu’on ne sait pas à quel arrêt on doit s’arrêter”, explique-t-elle. “Donc ça nous rend moins autonomes, on doit demander au chauffeur de bus et parfois il oublie de nous prévenir… Donc on descend deux ou trois arrêts après.

Le métro était accessible avant. Mais depuis l’installation des portiques en 2017-2018, c’est très compliqué.

Erik Cattez

représentant départemental d'APF France Handicap

Dans une allocution donnée ce lundi 13 mai au Théâtre du Nord, à l’occasion de l’ouverture du Printemps de l’accessibilité, la maire de Lille Martine Aubry assure que “l’inclusion et l’insertion font partie des priorités absolues” de la ville. L’édile souligne que 80% des équipements lillois sont aujourd’hui accessibles à tous : “les écoles, les restaurants scolaires, les musées, l’Aéronef, la Halle de glisse…” Avec un objectif d’ici la fin de son mandat : “on espère arriver à quasi 100% d’accessibilité”.

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De son côté, Sylviane Delacroix, adjointe au maire chargée de l’inclusion des personnes en situation de handicap et de l’accessibilité, reconnaît que les déplacements présentent encore “de réelles difficultés”. Parmi celles-ci, elle cite “les transports en commun bondés” – “ça tient au fait qu’il y a eu un retard dans le doublement des rames de métros”.

“Ça n’avance pas très vite”

Elle regrette également “des désagréments liés à la qualité des ascenseurs”, parfois dégradés ou sales, “les terrasses qui débordent”, “les grosses flaques d’eau”, dangereuses pour les personnes ayant un trouble de la vision, une “compréhension du réseau compliquée pour certains”, ou encore “le stationnement de vélos” sur des places à destination des personnes handicapées. 

Autant d’obstacles qui contraignent les personnes à changer de trajectoire. “C’est intolérable”, pour Sylviane Delacroix, qui souligne la situation paradoxale : “Les personnes qui ont une CMI (carte mobilité inclusion) sont considérées comme ne pouvant pas faire 300 mètres… Et finalement, souvent, le handicap : c’est un détour.

On travaille avec les associations et on signale à la MEL ce que l’on voit au quotidien. On travaille tous ensemble.

Sylviane Delacroix

adjointe au maire chargée de l’accessibilité

Bien consciente de tous ces problèmes du quotidien, donc, Sylviane Delacroix rappelle cependant que les questions de mobilité et de chaussées dépendent plutôt de la Métropole Européenne de Lille (MEL). “On travaille avec les associations et on signale à la MEL ce que l’on voit au quotidien. On travaille tous ensemble”, affirme l’élue. 

Malheureusement, pour les concernés, “ça n’avance pas très vite”, explique Erik Cattez. “Les problèmes ont été évoqués avec la mairie et on est toujours au même point…

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