L'Insee Hauts-de-France a publié une étude sur l'impact de l'inflation sur les particuliers. Avec un taux élevé de ménages modestes, une forte dépendance à la voiture et une vulnérabilité énergétique importante, les habitants de la région sont durement touchés par la hausse des prix.
Depuis plusieurs mois maintenant, les chiffres de l'inflation donnent le vertige. D'après l'Insee, entre juillet et 2021 et juillet 2022, la quasi-totalité des produits alimentaires de base a augmenté : +7,6% pour le pain et le céréales, +8% pour le lait, le fromage et les œufs, et même +21,2% pour les huiles et les graisses. Dans le même temps, le prix du gaz, du fioul et du carburant se sont envolés.
Plus d'un quart de ménages modestes
Dans ce contexte, faire des courses pour une famille peut se révéler un véritable casse-tête pour les plus pauvres. En 2019, les ménages modestes représentaient 27,4% de la population des Hauts-de-France, soit 1,6 million d'individus. Dans certains territoires comme le Calaisis, l'Avesnois, le bassin minier ou encore la région creilloise, cette proportion dépasse même les 30%, et peut monter jusqu'à 40%.
Si on ne connait pas les chiffres de la pauvreté pour l'année 2022, Sabine Chèvre,
responsable de l'un des centres des Restos du cœur d'Arras, constate déjà une augmentation du nombre de bénéficiaires. En cette rentrée, elle voit arriver de plus en plus de travailleurs qui n'arrivent plus à joindre les deux bouts.
Une grande dépendance à la voiture
"Il y en a qui, à la fin du mois, doivent choisir entre mettre de l'essence dans la voiture et manger. S'ils ont besoin de la voiture pour aller travailler, le choix et vite fait, et c'est là que les Restos du cœur interviennent", explique-t-elle. Car l'augmentation du prix du carburant pèse lourd dans le portefeuille des habitants de la région : ici, près de 9 trajets domicile-travail de plus de 5 kilomètres sur 10 d'effectuent en voiture.
Dans certains territoires ruraux, faute d'alternatives satisfaisante, la mobilité est entièrement dépendante de la voiture. Et si le prix du carburant repart légèrement à la baisse, il a connu des hausses spectaculaires au cours de l'année, dépassant les deux euros le litre au mois de juin.
"Je suis passée de 100 euros de gasoil par mois à plus de 200 euros, déplore une mère célibataire bénéficiaire des Restos du cœur. Là je vais reprendre une activité, mais je vais devoir limiter les déplacements, prendre le bus."
La vulnérabilité énergétique
À cela s'ajoute la hausse du prix du gaz et de l'électricité, qui laissent présager le pire pour l'hiver qui arrive à grands pas. "Je viens ici aux Restos, à l'épicerie solidaire, pour pouvoir garder de l'argent pour payer les factures", précise la jeune femme.
Entre juin 2021 et juin 2022, le prix du gaz a augmenté de près de 50%. Hors dans les Hauts-de-France, la moitié des logements utilisent le gaz de ville comme source principale de chauffage. Côté fioul, c'est encore pire. Sur la même période, son prix a presque doublé. Un coup dur pour les Axonais et les Samariens : plus de 17% d'entre eux se chauffent au fioul.
Sans compter que notre région est la troisième la plus touchée par la vulnérabilité énergétique. "Dans les Hauts-de-France, avant les hausses du prix de l'énergie du début de l'année 2022, près d'un ménage sur cinq était déjà en situation de vulnérabilité énergétique, une proportion supérieure de 4 points à la moyenne de province", précise l'INSEE dans son étude.
La situation est si critique que les Restos du cœur ont décidé de revoir leur méthode de calcul pour déterminer qui peut bénéficier de leurs services. "Quand on fait des inscriptions, on prend en compte d'une part les ressources des personnes accueillies, et d'autre part leurs charges, notamment le loyers et leurs dettes s'il y en a. Là, on va être obligés d'intégrer le montant de leurs charges énergétiques dans le calcul, parce que les gens n'y arrivent plus", explique Sabine Chèvre. Elle s'attend donc à démarrer la campagne d'hiver avec beaucoup plus d'inscrits.
La double peine des territoires ruraux
L'institut d'études statistiques estime que certains territoires sont même en état de "double vulnérabilité", cumulant des logements énergivores, aussi appelés "passoires thermiques", et des revenus modestes.
Il s'agit principalement des territoires ruraux, voire péri-urbains, comme la Thiérache, l'Avesnois, l'est de la Somme et le sud du Pas-de-Calais.