INSOLITE. L’heure d’été, un vrai casse-tête pour les travailleurs transfrontaliers lors de son grand retour en France en 1976

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En 1976, le passage à l’heure d’été en France entraine un décalage horaire avec la Belgique, source de complications pour les travailleurs transfrontaliers ©INA

Il y a 47 ans, dans la nuit du 27 au 28 mars 1976, la France renoue avec le changement d’heure. On est après le choc pétrolier de 1973 et il est alors urgent de faire des économies d’énergie : c’est le retour à l’heure d’été. A la frontière entre la France et la Belgique, les travailleurs transfrontaliers vont devoir jongler avec leur montre. Car en Belgique, l’heure n’a pas changé…On revoit ça avec les archives.

Le choc pétrolier de 1973 a laissé des traces, la France s’est retrouvée en état de manque. Pour y remédier, un slogan : « la France n’a pas de pétrole mais elle a des idées » !  Parmi ces idées, le changement d’heure décidé par Valéry Giscard d’Estaing en 1976 : en retardant les montres d’une heure au printemps, cela permet de faire coïncider les périodes d’activités avec une luminosité maximale, et donc de faire des économies d’énergie. Cette idée n’est d’ailleurs pas nouvelle, puisque l’heure d’été a déjà eu cours en France de 1916 à 1945.

Retarder sa montre d’une heure, cela parait somme toute assez simple. Encore faut-il que les pays voisins adoptent la même heure, ce qui n’est pas le cas en 1976 pour la Belgique.

Les travailleurs transfrontaliers devront attendre le 3 avril 1977, date de l’introduction de l’heure d’été chez nos voisins belges, pour remettre définitivement les pendules à l’heure. En attendant, chez les frontaliers on ne parle plus du temps qu’il fait, mais du temps dans lequel on vit.

Il va nous falloir deux montres, une montre belge et une montre française, pour travailler !

un travailleur transfrontalier

extrait d'un reportage de FR3 Nord Pas-de-Calais du 25 mars 1976

Une heure de différence, pour qui a son emploi du temps réglé comme une horloge, cela risque d’être compliqué, même un coq y perdrait son latin.

Une heure de retard dans les trains...

Pour le citoyen belge qui travaille en France, c’est le début d’une course contre la montre : son réveil sonnera une heure plus tôt pour ne pas être en retard. Le citoyen français travaillant en Belgique, en revanche, sera en avance sur le temps. A contrario, après une journée de travail, de retour chez lui il va perdre une heure de temps de loisirs, tandis que le belge en gagnera une.

Pour chacun, le passage à l’heure d’été en France est synonyme d’une vie « en décalé » : des rythmes différents de ceux de leurs concitoyens, qui entraînent son lot de chamboulements dans les organisations quotidiennes.

Dans le domaine des transports, les compagnies aériennes tenteront d’harmoniser leurs horaires. Mais pour ceux qui prennent le train, les temps sont durs. En France, les trains à destination de la Belgique partent avec une heure de retard et sont donc en adéquation avec l’heure belge ; mais côté belge les horaires ne changent pas, les trains arrivent donc en France avec une heure de retard. 

Gros risques de loupés de marchepieds, en 1976 il ne fait pas bon être un voyageur distrait… On comprend que pour certains il n’y ait qu’une seule solution : cesser de chercher midi à quatorze heures et adopter la double montre.

A noter tout de même que dans ce micmac pendulaire, le citoyen belge trouve une raison de se réjouir : craignant une baisse de ses audiences, la télévision belge décide de retarder ses programmes pour que ses téléspectateurs ne ratent aucune de leurs émissions préférées, belges et françaises. Les trains belges ne s’adaptent pas, mais la télé si !

Ce joyeux bazar entre la France et la Belgique est résolu en 1977, mais ce n’est qu’en 1998 que l’heure d’été est totalement harmonisée dans l’Union Européenne. Cette fois ça y est, il n’est plus l’heure de voir midi à sa porte.

L’heure  d’été, une idée ancienne

Déjà, au 18ème siècle, un certain Benjamin Franklin avait évoqué cette idée afin d’économiser de la bougie. Mais c’est au député André Honnorat que l’on doit la première proposition officielle d’un changement d’heure au printemps.

En 1916, alors en pleine guerre, la France a besoin de gaz, de pétrole et de charbon.

André Honnorat propose donc à l’Assemblée Nationale d’instaurer une heure d’été pour économiser l’énergie, il s’agit de soutenir l’effort de guerre. Malgré des débats houleux, l’heure d’été est instituée par décret dans la nuit du 14 au 15 juin 1916. L’heure en France étant alignée sur le méridien de Greenwich (GMT), l’heure d’été est donc à GMT+1.

L’expérience est concluante et sera reconduite jusqu’en 1945, mais à un détail près : pendant la guerre, l’heure d’été française passera de GMT+1 à GMT+2.

Car l’Allemagne, qui elle est à GMT+1, a aussi adopté le changement d’heure. Lorsqu’elle occupe la France en juin 1940, elle impose donc son heure d’été aux territoires occupés, c’est-à-dire GMT+2. L’heure allemande sera ensuite généralisée à tout le territoire.

Au lendemain de la guerre la France abandonne l’heure d’été, mais aussi son heure d’avant-guerre : nous sommes restés à GMT+1, et depuis 1976 notre heure d’été est donc de nouveau à GMT+2.

On s’est depuis habitués à la valse des horloges deux fois par an, mais le sujet fait toujours polémique.

Le changement d’heure a même failli être abandonné en mars 2021, une majorité d’européens s’étant prononcés en 2018 pour sa suppression, lors d’une consultation publique du Parlement Européen.

Mais alors : faut-il maintenir l’heure d’été, ou l’heure d’hiver ? Difficile de mettre d’accord des pays qui ne vivent pas sous les mêmes fuseaux horaires…

La pandémie de Covid 19 est venue mettre le coup de grâce aux échanges : la nuit du 25 au 26 mars 2023 sera de nouveau plus courte, et cent sept ans après la proposition du député Honnorat, les discussions continueront d’aller bon train.

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