Des chameaux tranquillement installés dans un pré, non loin de Maubeuge. Ce n’est pas une hallucination, mais c’est exceptionnel. Depuis quelques années, Julien Job a installé sa "camélerie" à Feignies. Balades, visites, soirées à thèmes mais aussi production de lait, il ne manque pas d’idées pour développer sa belle entreprise. Mais depuis quelques mois, il s’inquiète : sa ferme est sur le tracé du futur contournement de Maubeuge. Les discussions avec le département semblent à l'arrêt. Pour l’heure, aucune solution de déménagement ne se profile pour son activité.
On le sent un peu ennuyé, Julien Job. Il n’a pas vraiment envie de faire de vagues. D’autant qu’il reconnaît comprendre la nécessité du projet de contournement de Maubeuge. Mais semaine après semaine, jour après jour, il ne voit rien venir de bon pour lui. Alors il s’inquiète : "Je ne demande pas un euro, je veux juste m’en sortir et ne pas mourir" lâche-t-il.
Des promesses non tenues ?
Alors que les élus, nous explique-t-il, lui ont toujours promis de trouver une solution, les relations semblent se détériorer. Lui, est pragmatique "ce n’est pas de bol, ça tombe sur moi... mais de toute façon, ce serait tombé sur quelqu’un !"
On lui a bien proposé une ferme : "Inhabitée depuis des dizaines d’années, trop délabrée. Je n’ai pas l’argent pour la rénover". En plus, le terrain est enclavé, au milieu des maisons. Il devrait dire adieu aux promenades et aux soirées pour ne pas gêner les riverains. Passe encore, il se dit prêt à faire des compromis.
Être expulsé, il l’accepte. Mais il veut qu’on lui propose un terrain qui lui permette de redémarrer. Et puis, il y a son troupeau. 80 chameaux qui ont besoin d’espace et de bâtiments, mais aussi des chèvres, des zébus, des lamas, des dromadaires... "Le département dit vouloir m’aider, mais dans la pratique, ça ne bouge pas. On ne me propose pas une solution viable." Ce que ne comprend pas celui qui passe souvent pour un rêveur. "J’ai réellement envie de proposer des choses au territoire, ça ne me dérange pas de bouger, mais il faut que je puisse survivre !", insiste Julien Job.
Il nous raconte qu’il discute avec le département depuis 2019. Cinq ans et toujours pas de solution acceptable à ses yeux.
Une activité rentable
Et c’est là aussi que le dossier est complexe. L'entrepreneur a une double activité. Il est aussi négociant dans le transfert d’animaux entre zoos et pour les animaleries. Une activité basée dans la ville de Feignies (Nord). Il ne peut donc pas partir trop loin, les animaux ayant besoin de soins quotidiens.
Et puis, Julien Job est attaché à ces terres finésiennes. La ferme qu’il occupe actuellement est une ferme familiale. "C’est la terre de mes grands-parents, j’ai créé quelque chose ici, je fais des choses exceptionnelles. Et ça sert aussi le territoire. Rendez-vous compte, l’an dernier j’ai reçu l’ambassadeur d’Arabie Saoudite !".
Et puis, sa petite affaire tourne bien. Il a aujourd’hui quatre salariés. Et des projets plein la tête. Il est même le premier en France à produire du lait, du kéfir, du fromage et des cosmétiques à base de lait de chameau...
Comme il ne sait toujours pas à quelle échéance il sera exproprié (ou devra déménager), il continue d’avancer. Il construit cet été de nouveaux abris pour ses chameaux. Il nous explique : « Je ne peux pas les laisser dehors, je ne peux pas tout arrêter, c’est le bien-être de mes bêtes qui est en jeu ! Je suis obligé de le faire même si tout sera probablement détruit dans quelques mois ou années ?»
Le contournement, l’enquête publique
Le 17 juillet 2024 se termine la phase de l’enquête publique du contournement de Maubeuge. Le dossier est sur de bons rails. Le projet de contournement a été initié en 2013. Il a fallu le temps des études et le choix du tracé. C’est donc la version nord qui a été retenue. Aujourd’hui en arrivant près de Maubeuge, la 2x2 voies s’interrompt. Les automobilistes traversent alors la ville et notamment la rue Jean Jaurès. Un trajet entre camions, feux rouges et ronds-points.
Le tracé nord sera long de 12,7 kilomètres et traversera les terres de Julien Job. Il ne conteste pas le bien-fondé de ce projet qui permettra en outre le développement de nouvelles zones industrielles et résidentielles. La Ville de Maubeuge aussi gagnerait en calme (1500 camions par jour empruntent la rue Jean Jaurès). Il est estimé que 10 000 véhicules par jour prendront le contournement.
Et maintenant ?
Contrarié, il nous raconte : "j'apprends, qu'on dit : "il refuse tout ce qu'on lui propose" ! Alors qu'on ne m'a rien proposé de concret et viable." Visiblement, les deux parties ont du mal à comprendre les intérêts de chacun. D'ailleurs, contacté, le département nous a répondu être "en lien avec Julien Job pour identifier une réponse qui conviendrait à tous."
Le fondateur de la Camélerie de Feignies a accepté l’idée de partir, de déménager mais ne supporte plus que rien n’avance. Il aimerait retrouver la confiance du département. En attendant, il a décidé de prendre un avocat et de se défendre.