Depuis décembre 2023, les salariés de Keolis, qui gère le réseau de transports Ilévia à Lille, cherchent à obtenir une "prime JO" notamment pour compenser les congés qu'ils ne pourront pas prendre cet été, le temps des Jeux olympiques. Les syndicats pointent du doigt le manque de réactivité de leur direction et menacent d'entrer en grève le 21 juin.
J-54 avant le lancement des Jeux de Paris 2024. La ville de Lille commence doucement à vibrer aux couleurs des JO, qu'elle accueillera du 27 juillet au 11 août pour les épreuves de basket et de handball. Mais alors que la date butoir se rapproche dangereusement, le méli-mélo d'organisation et les polémiques que ces Jeux olympiques suscitent n'ont pas l'air de désescalader.
Si à Paris les festivités sont plus que jamais critiquées, au nord, celles-ci semblent avoir échappé à la controverse... Du moins jusqu'à présent. Avec comme objectif d'atteindre les 1,5 million de spectateurs, certaines questions logistiques, comme les transports en commun, provoquent évidemment leur lot de contrariétés.
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— Ville de Lille (@lillefrance) May 2, 2024
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Un manque de personnel pendant les JO
Les agents Keolis, société exploitante du réseau de transports en commun de Lille (Ilévia), en particulier, voient arriver les Jeux avec beaucoup d'inquiétude. Les 2500 salariés répartis sur la MEL seront chargés, entre autres, de guider les voyageurs, gérer les flux, acheminer les groupes en bus et en métro, tout en assurant les trajets des travailleurs Lillois et des centres de loisir...
Bref, gérer une multitude de nouvelles tâches en plus des activités habituelles, sans qu'aucun nouveau poste n'ait été ouvert pour les délester lors de cet évènement gargantuesque et inédit. "On a l'habitude des épreuves au Grand stade, du week-end de la braderie de Lille ou des journées de grandes compétitions. Ce sont des courtes périodes, qui restent ponctuelles", relève Mohamed Farhi, secrétaire général CGt Ilévia-Keolis Lille Métropole. "Mais un rendez-vous aussi conséquent que les JO c'est une première. Là ce sera pendant presque deux semaines, avec plusieurs phases d'emplissages et désemplissages à chaque match."
On a l'habitude des épreuves au Grand stade, du week-end de la braderie de Lille ou des journées de grandes compétitions. (...) Mais un rendez-vous aussi conséquent que les JO c'est une première.
Mohamed Farhi, secrétaire général CGt Ilévia-Keolis Lille Métropole
Pour le syndicaliste, les salariés sont trop peu nombreux et trop peu préparés pour affronter la marée humaine suscitée par les Jeux olympiques. "Il n'y a pas eu d'embauche en plus, Keolis a essayé de solliciter des sous-traitants sur la partie sécurité, mais ils sont eux-mêmes en grande difficulté car déjà sollicités sur Paris."
Une pénurie de main-d’œuvre pour les JO qui se ressent aussi à Paris, au sein de la RATP, qui cherche à recruter des CDI à tour de bras avant cet été. L'entreprise annonçait 600 postes à pourvoir en avril.
Des coûts supplémentaires à compenser
Face à la charge de travail que représenteront les mois de juillet et août 2024, les salariés de Keolis demandent donc à leur direction de leur accorder une "prime JO", une compensation financière pour le temps de travail imposé pendant cette période de tension.
Là-dessus, Mohamed Farhi se racle la gorge et tient à ajouter une précision. Selon lui, les agents Keolis n'essaient pas de profiter de l'évènement pour prendre en otage leur direction, mais bel et bien de dédommager les travailleurs pour les coûts supplémentaires qu'ils devront assurer : "L'ensemble des salariés travaille en horaires décalés tous les jours de la semaine, le seul moment où l'on peut profiter de notre famille c'est pendant les vacances scolaires, en particulier l'été. Or la direction nous a imposé de prendre nos congés à un autre moment, pour gérer le flux des JO."
Le seul moment où l'on peut profiter de notre famille c'est pendant les vacances scolaires, en particulier l'été. Or la direction nous a imposé de prendre nos congés à un autre moment, pour gérer le flux des JO.
Mohamed Farhi
Une forme de dédommagement moral, mais aussi financier, notamment pour les parents qui auront plus de mal à garder leur enfant pendant cette période de vacances. "On doit fournir des dépenses supplémentaires pour payer des nounous, des inscriptions en centre aéré... C'est une contrainte financière non négligeable que la direction devrait prendre à sa charge." Sans compter la charge de travail supplémentaire pour préparer les Jeux.
Des négociations "au point mort"
Concernant le montant de la prime, chaque organisation syndicale formule sa propre demande. Le syndicat SUD demande par exemple une compensation de 80 euros par jour travaillé et par salarié, ainsi que 100 euros par semaine pour ceux ayant déplacé leurs congés ou n'ayant pas pu en poser.
Selon les syndicats, les négociations avec la direction "sont actuellement au point mort". Mohamed Farhi hoche la tête, pour lui, Keolis Lille Métropole traîne des pieds et ralentit le processus "sous couvert de discussions en cours avec la MEL, pour qu'elle participe aux surcoûts". Jusqu'à présent, la direction leur a proposé 100 euros par semaine, uniquement pour ceux qui n'ont pas pu prendre de congés pendant les JO et 20 euros par jour travaillé.
Une proposition sur laquelle campe Keolis depuis décembre 2023, lorsque les négociations ont débuté, faute de feuille de route. En novembre, les salariés sont censés connaître leurs horaires de travail et leur grille de services pour l'année à venir, or, rien n'est encore acté à ce jour, après 6 réunions de négociations.
Si un accord n'a toujours pas été trouvé, nous aurons l'occasion de déposer un préavis de grève avec la date retenue du 21 juin, qui pourra s'étaler sur la période des JO.
Mohamed Farhi
Face au manque de réactivité de leur direction, une intersyndicale rassemblant la CGT, le syndicat SUD, la CFDT et le CFE-CGC, compte déposer une alarme sociale dans les prochaines 48 heures, pour reprendre les discussions avec la direction au plus tard vendredi. "Si un accord n'a toujours pas été trouvé, nous aurons l'occasion de déposer un préavis de grève avec la date retenue du 21 juin, qui pourra s'étaler sur la période des JO", fait savoir Mohamed Farhi, qui espère rencontrer une direction "responsable" cette semaine et ne pas en arriver à l'état de grève.
Contactée, la direction explique ne pas vouloir faire plus de commentaires pour le moment mais confirme que "des discussions sont en cours à ce sujet entre la direction et les organisations syndicales".