Au travers de son objectif, Jean-Michel André est un artiste qui confronte la mémoire à l'oubli. Un témoignage poignant sur l'assassinat de son père et les séquelles d'une amnésie traumatique. Âgé de sept ans, Jean-Michel était dans la chambre juste à côté, la 207.
Au milieu de la salle de l'Hospice Comtesse de Lille, face au cadre, dans le viseur de son appareil, l'instant est capturé par le photographe Jean-Michel André. Pour lui c'est évident : cette éclaircie dans la tempête, c'est la métaphore de son histoire personnelle.
Face à cette photographie d'un ciel presque en colère, l'artiste se livre :"On dirait des larmes qui coulent de ce ciel, ici on voit une lumière éclatante, dorée, très belle, très douce. Le choc est présent, et en même temps, il y a une forme de libération, on a envie de plonger dans cette lumière."
Un drame personnel
Un travail sur le symbole pour raconter pudiquement, le drame qui a bouleversé sa vie. Lorsqu'il a sept ans, son père est assassiné avec six autres personnes dans un hôtel d'Avignon, dans une chambre voisine de la sienne : la 207. "Trente ans après les faits, j'ai commencé à faire mes premières recherches. J'ai voulu savoir ce qui s'était réellement passé cette nuit-là. Suite à ce drame j'ai perdu la mémoire, l'amnésie totale."
Détourner le réel, transcender l'horreur et en proposer une nouvelle lecture.
Jean-Michel André -PhotographeAuteur de l'exposition "Chambre 207"
L'artiste retravaille alors les photographies d'archives, comme il retravaillerait sa mémoire. Comme sur cette photographie monochrome.
"J’ai effacé le visage de l’un des deux principaux inculpés et c'est aussi, une façon pour moi de détourner le réel, transcender l'horreur et d'en proposer une nouvelle lecture, observe Jean-Michel André." Le spectateur est projeté dans une succession de lieux, d'objets, d’images toutes reliées à cette histoire intime.
Sur les traces de souvenirs heureux
Comme lorsque l’artiste retourne au Sénégal, le pays de ses cinq premières années : "Il y a beaucoup de douceur dans ces photographies". Face à l'une d'elles, l'artiste se remémore :"Ici c'est un plongeoir qui existait quand nous habitions au Sénégal, les paysages que j'ai parcouru avec mes parents." Le contraste est signifiant, l'image est plus douce, plus claire, elle évoque l'apaisement retrouvé, quarante ans après une enfance bousculée.
L'exposition "Chambre 207" est visible au musée de l'Hospice Comtesse dans le cadre d'une exposition "Hors les murs", organisée par l'Institut pour la photographie, jusqu'au 02 février 2025.