Alors que la lutte contre les violences au sein de la famille sont une compétence d'Etat, le département du Nord a pourtant choisi de créer une division spéciale, dotée de 700 000 euros en 2022. Un travail en réseau, pour accompagner les victimes tout au long de ce difficile parcours.
"La violence intrafamiliale, c'est une compétence d'Etat. On ne la prend pas, on vient en collaboration : c'est une ligne d'action politique volontaire. On intervenait déjà financièrement sur certains aspects, mais on n'avait pas de maîtrise sur les objectifs et le travail en réseau, c'est ce qu'on veut faire avec cette délégation" entame Anne-Sophie Boisseau.
La conseillère départementale du Nord pilote, depuis juillet 2021, la création de cette délégation de lutte contre les violences au sein de la famille qui a tenu ce 30 mai sa première délibération-cadre, dévoilant le budget et le programme d'action du département. Dans le département, l'urgence sociale est réelle : le Nord est le deuxième département le plus touché par les violences conjugales, et le département qui enregistre le plus d'enfants placés.
Les associations, fer-de-lance d'une action locale
700 000 euros seront consacrés en 2022 à la lutte contre les violences intrafamiliales, un budget qui fait ainsi un bond de 40%. Les financements ont été recentrés depuis les délégations qui, via certains programmes, finançaient déjà le volet violences intrafamiliales comme l'insertion, ou l'aide à l'enfance. Le reste provient des fonds de l'Etat ou des communautés de communes.
Première mesure forte, "nous avons décidé du renforcement des intervenants sociaux en gendarmerie et en police. On est actuellement à sept, financés par le département et l'Etat. Le président souhaite qu'on arrive à trois par arrondissement, soit 18 en tout sur le département du Nord, détaille Anne-Sophie Boisseau. Quatre conventions sont déjà en préparation, elles ont été revues pour en faire des contrats pluriannuels, sur 3 ans." Une disposition qui, en plus d'être plus sécurisante en termes d'emploi, permet aux intervenants de se nourrir d'une connaissance plus approfondie du territoire. Une convention a également été signée avec le SDIS, pour mieux former les pompiers à l'intervention dans les situations de violence au sein de la famille. "Souvent, les pompiers sont les premiers sur place, et nous avions besoin d'un lien avec nos services sociaux. Il y aura donc un référent pour les services pompiers par arrondissement."
Le Nord augmente aussi sa participation au budget des associations qui mènent des projets d'utilité publique en ce sens. L'association Solfa, qui accompagne femmes et enfants victimes sur le plan psychologique, sur l'aspect administratif et l'aide au logement, voit par exemple sa dotation augmentée de 30 000 euros en 2022. Le conseil départemental veut aussi s'appuyer sur l'association professionnelle Car'ado, dans le cadre de laquelle les cadets de la gendarmerie font de la prévention à d'autres adolescents sur les violences faites aux femmes. Le département du Nord financera son action à hauteur de 6000 euros, pour leur permettre de sillonner les collèges du département.
RSA d'urgence et maisons d'auteurs pour une prise en charge complète
Mais Anne-Sophie Boisseau et le président du conseil départemental, Christian Poiret, se sont aussi intéressés à un volet de la lutte contre les violences encore peu développé en France : la prise en charge des auteurs, avec des lieux spécialisés et sécurisés pour les accueillir. Un dispositif qui permet de ne pas faire porter la charge d'un déménagement sur les victimes. "On est bien dans un parcours judiciaire, avec des auteurs reconnus auteurs, qui font l'objet d'une plainte et qui sont en attente de passer au tribunal. On offre un financement à l'association Sijadis pour deux maisons à Valenciennes et Douai, à hauteur de 12 000 euros. Le président souhaiterait avoir deux maisons par arrondissement. Des rencontres se mettent en place avec les Parquets pour voir les possibilités", précise la conseillère départementale.
Enfin, dernier volet, qui prendra pour l'instant la forme d'une expérimentation à l'échelle du Valenciennois, celui de l'aide d'urgence au RSA, qui permettra un traitement accéléré - 10 jours maximum - des dossiers de victimes de violences intrafamiliales. "Ce n'est pas une question de : "les victimes ont plus de droits que les autres". Ce sont les mêmes droits, par contre avec un traitement plus rapide pour des personnes qui seraient dépendantes financièrement d'une personne violente. Elles seront également reçues par la Maison de l'emploi et de l'insertion, pour l'accompagner dans l'après."
La délégation assume "un focus" sur les victimes de violences conjugales, mais garantit un accueil de toutes les victimes. "C'est une délégation qui concerne toutes les violences : celles sur les personnes âgées, sur les personnes en perte d'autonomie, hommes comme femmes... La violence n'est ni une fatalité, ni une normalité, et on peut tout changer en en parlant. Du côté des victimes, mais aussi du côté des auteurs car il est important qu'il y ait cette prise de conscience."