Le musée départemental Henri Matisse, au Cateau-Cambrésis, dans le Nord, ouvre à nouveau ses portes au public après une longue fermeture pour travaux. L'occasion de redécouvrir l'œuvre du peintre et sculpteur né au Cateau, mais qui a passé toute sa jeunesse à Bohain-en-Vermandois dans l'Aisne.
"On passe les ultimes coups de peinture et de vernis, on court encore partout, mais les salariés, une trentaine, sont dans les starting-blocks, prêts à accueillir le public ". La ville du Cateau-Cambrésis, 7 000 habitants, dans le Nord, à quelques kilomètres de la frontière avec la Somme, s'apprête à vivre au rythme du flux retrouvé des visiteurs du musée Henri Matisse.
"Tout le monde est épuisé", nous confie Sophie Le Flamanc, la directrice adjointe du musée. "Mais franchement, je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de directeurs de musées qui vivent cet événement dans leur carrière. J'ai la chance d'être à la tête d'une équipe très investie et d'avoir été accompagnée tout au long du processus par des professionnels. Et puis dans deux ans, je suis à la retraite, ce musée complètement rénové, c'est une merveilleuse façon de terminer ma carrière".
Un chantier d'une ampleur exceptionnelle pour un musée départemental
Il faut dire que le chantier d'agrandissement du musée Henri Matisse, qui aura coûté 13 millions d'euros, pour l'essentiel supportés par le département du Nord, est une opération hors normes.
Les premiers coups de pioche sont donnés en août 2022, puis le musée du Cateau est totalement fermé au public en mai 2023. 2 ans de chantier, 18 mois de fermeture, qui se concrétisent par un agrandissement de 1 000 m².
"En 2010, le département a fait l'acquisition du marché couvert mitoyen du musée. Il a fallu creuser des fondations de plus de 4 m de profondeur sur une surface de 330 m²", nous explique Sophie Le Flamanc. "Ce qui a permis de créer un rez-de-chaussée bas, qui est aujourd'hui un espace dédié aux scolaires, très nombreux à visiter le musée Henri Matisse". Des surfaces supplémentaires idéales pour y installer aussi des ateliers pédagogiques consacrés aux arts plastiques.
Mais la grande nouveauté, c'est la création d'une salle immersive. "On est devenu un musée du XXIe siècle, se réjouit la directrice adjointe du musée Henri Matisse. Le public sera plongé dans une frise chronologique du parcours artistique de Matisse avec un déploiement de visuels et de reproductions de photos et d'œuvres".
L'autre nouveauté, dont s'enorgueillit Sophie Le Flamanc, est la création d'un grand plateau de 330 m de surface, consacré au courant du fauvisme, un mouvement pictural né en France, entre le début du XXe siècle et les années 1940, et dont Matisse fut le chef de file. "C'est une pièce très vaste, et dès son entrée, le visiteur a le regard happé par les grands formats 'Fenêtre à Tahiti' dont l'un nous est prêté par le musée Matisse à Nice".
Un espace plus vaste pour sortir la collection Matisse des réserves
Après plus de deux longues années de mise en sommeil, le musée Henri Matisse sort grandi, dans tous les sens du terme, de cette longue absence de la scène culturelle régionale et nationale. De 4 500 m², l'édifice de la place du commandant Richez, affiche désormais une jolie surface de 5 500 m². Une aubaine pour dévoiler ce qui dormait dans les réserves sans pouvoir être exposé faute de place.
"Nous disposons désormais de tout l'espace nécessaire pour présenter les grands formats, mais aussi les lithographies et les dessins de Matisse. Et surtout, les descendants du peintre nous ont fait don d'un fonds très important de papiers découpés non utilisés, environ 400 pièces, que Matisse taillait avec ses grands ciseaux de couturière".
Au total, lors de sa déambulation, il faut compter deux heures au minimum, le visiteur pourra donc admirer un volume impressionnant d'œuvres signées Matisse : tableaux, dessins, gravures et une trentaine de sculptures. "Nous avons mis les petits plats dans les grands, presque tout notre fonds Matisse est sorti", se réjouit Sophie Le Flamanc.
Matisse et le nord, une histoire d'amour jusqu'à la fin de sa vie
"L'histoire de notre musée, unique en son genre, a débuté en 1952, deux ans avant la mort de Matisse. Cette année-là, il décide de léguer à sa ville de naissance un fonds de plus de 80 œuvres. Il les sélectionne soigneusement et en conçoit même l'agencement. On peut vraiment dire que c'est lui qui est à l'origine de ce musée qu'il a voulu offrir à la région qui l'a vu naître en 1869. Une façon pour lui de dire son attachement à ses terres du nord. Mais il ne verra jamais son musée : il est âgé, malade et trop fragile pour se déplacer".
Une région qui l'a vu naître et vivre. Car on ne le sait que trop peu, mais si Matisse voit le jour au Cateau, c'est à Bohain-en-Vermandois, dans l'Aisne, qu'il passe toute sa jeunesse, soit les vingt premières années de sa vie. Bohain est alors réputée pour l'excellence de ses entreprises textiles auxquelles les plus grandes maisons de couture font appel. Une industrie florissante qui marque le jeune Matisse durablement. Élevé au milieu des métiers à tisser, toute sa vie, il collectionne et utilise des coupons de tissu dont il pare ses modèles.
Mais ce n'est pas tout. Son enfance est durablement imprégnée par le métier de ses deux parents, grainetiers à Bohain. Et ses tableaux regorgent de ces germinations, motifs floraux et végétaux, qu'il affectionne tant.
"Même si la figure de Matisse est associée à Nice et son incomparable lumière, la ville où il vivra et finira sa vie, sans mauvais jeu de mots, on peut dire que son enfance a germé dans son œuvre", ajoute Sophie Le Flamanc.
Notre objectif : retrouver nos 55 000 visiteurs d'avant la crise du Covid.
Sophie Le Flamanc, directrice adjointe du musée Henri Matisse
"Pendant les travaux, notre collection a voyagé en Chine, à Pékin et Shanghai. 281 œuvres rassemblées dans 58 caisses à bord de deux camions. Imaginez le périple ! C'est dire l'attrait majeur de cet artiste sur nos contemporains, et ce, dans le monde entier. Mais nous sommes heureux d'avoir retrouvé notre fonds et de le faire redécouvrir au public. Et nous espérons qu'il viendra en nombre à compter du 23 novembre, date de notre réouverture".
Désormais, avec ses 5 500 m² de surface, le musée Henri Matisse du Cateau peut jouer dans la cour des grands. D'ailleurs, un accord de partenariat vient d'être signé avec le musée Matisse de Nice, construit bien plus tard, en 1963. Les deux entités jouent désormais à parts égales et se prêtent régulièrement des œuvres."Notre musée est plus grand que celui de Nice aujourd'hui et nos collections équivalentes par leur volume", se félicite Sophie Flamanc.
"Et puis, grâce à la donation Tériade, un éditeur d'art grec, nous possédons aussi des œuvres de grands maîtres du XXe siècle. Chagall, Picasso, Giacometti, Mirò. Et les visiteurs, étonnés, me demandent souvent s'il s'agit de copies. Alors je leur réponds : non, non, il s'agit bel et bien d'originaux !"