La Nupes, coalition de partis de gauche initiée par Jean-Luc Mélenchon, comptera (avec ses alliés) 137 députés dans la nouvelle Assemblée nationale, dont huit représenteront des circonscriptions des Hauts-de-France. Un retour de la gauche moins important que prévu et gâché par le succès du Rassemblement national.
La gauche est en reconquête dans les Hauts-de-France. Les députés Nupes ou soutenus par elle sont dix désormais, contre sept dans la précédente mandature.
"Je crois qu'aujourd'hui c'est une nouvelle étape de franchie dans le processus de révolution citoyenne qui est de toute façon engagée dans le pays", se félicitait dimanche soir sur France 3 Nord Pas-de-Calais Adrien Quatennens, réélu haut la main député de la 1ère circonscription du Nord. On sent que face à nous, de toute part, c'est en train de craquer. Nous sommes un pôle de stabilité et nous allons montrer ça dans les mois et les années à venir."
Comme Adrien Quatennens, les ténors de la France insoumise des Hauts-de-France ont été reconduits avec des scores autour de 60%, tels qu'Ugo Bernalicis dans la 2e circonscription du Nord ou François Ruffin dans la 1ère de la Somme.
Cas unique en France, la Nouvelle union populaire, écologiste et sociale a également permis à un candidat de gauche, le communiste Jean-Marc Tellier, de ravir une circonscription remportée en 2017 par le RN.
Des bons scores ternis par le succès du RN
"C'est une progression. Il y a plus d'élus de gauche, mais la montée en puissance du Rassemblement national est inquiétante, analyse Ugo Bernalicis. Notre ligne nous a permis de reprendre pied, mais ce n'est pas suffisant".
Fabien Roussel, secrétaire national du Parti communiste français, reconduit comme député de la 20e circonscription du Nord abonde : "je suis attristé par les conquêtes du RN qui ne parle pas d'augmenter les salaires des ouvriers et les retraites."
Le parti de Marine Le Pen, elle-même réélue députée de la 11e circonscription du Pas-de-Calais, obtient en effet un résultat inédit pour le mouvement d'extrême droite : 89 députés, dont vingt dans les Hauts-de-France.
La faute à Macron
Si Fabien Roussel regrette qu'il n'y ait "pas eu de campagne, tout a été fait pour qu'il n'y ait pas eu débat", Ugo Bernalicis condamne sans détour "une attitude de pyromane de Macron" qui "ne voulait pas d'un succès de la Nupes".
Un succès anticipé très tôt par Jean-Luc Mélenchon lui-même, affichant sur tous les murs de France son ambition de devenir Premier ministre. Les résultats de dimanche (137 députés Nupes et alliés) ont eu raison de ce rêve.
La Nupes ne s'est-elle pas vu trop belle ? "Non, si on n'y avait pas cru, nous ne serions que 70 ou 80 députés. Et nous avons atteint notre projet a minima, empêcher Emmanuel Macron d'avoir la majorité absolue", répond Ugo Bernacilis.
Le député de la France insoumise souhaite même créer "le groupe le plus large possible". David Guiraud, nouveau député La France insoumise de la 8e circonscription du Nord, est sur la même ligne : "Nous sommes la première force d'opposition. Le RN peut fanfaronner, mais mathématiquement, nous sommes la première force d'opposition."
Groupe ou intergroupe ?
"La Nouvelle union populaire écologique et sociale devrait se constituer comme un seul groupe" à l'Assemblée nationale, proposait justement Jean-Luc Mélenchon lundi 20 juin.
Alors que l'accord de la Nupes prévoyait que chaque partenaire constitue son groupe autonome (unis en un intergroupe), le leader de la France insoumise veut empêcher le Rassemblement national de devenir le principal groupe d'opposition. Ce qui lui permettrait, selon Jean-Luc Mélenchon d'obtenir la présidence de la Commission des finances.
Fin de non recevoir du Parti socialiste, EELV et du PCF : "il y aura un groupe communiste", nous assure Fabien Roussel, "un groupe Nupes n'est pas la solution". Le député du Nord rappelle en particulier que la présidence de la commission des finances est attribuée à un parti d'opposition et non au principal, suite à un vote de tous les députés d'opposition. Ce qui, selon lui, écarte de facto tout risque de présidence RN.
Chacun aura sa liberté de vote.
Ugo Bernalicis, député LFI de la 2e circonscription du Nord
Les partenaires de la Nupes entrent désormais dans une période délicate, où chacun va vouloir défendre ses positions. Les sujets de frictions sont nombreux, à commencer par le nucléaire, contesté par la France insoumise et écologistes, défendu par les communistes.
Un non sujet pour Ugo Bernalicis : "chacun aura sa liberté de vote, comme les LR ou les LREM lors des votes sur la PMA."
Une alliance déjà fracturée ?
Insuffisant pour Jean-Louis Bricout, le député de la 3e circonscription de l'Aisne, favorable au nucléaire, qui envisage la création d'un groupe Divers gauche : "je reste libre et indépendant. Je ne suis plus encarté dans aucun parti".
L'ancien maire de Bohain-en-Vermandois a pourtant été réélu avec le soutien de la Nupes qui n'a présenté aucun candidat face à lui : "j'étais d'accord pour un accord technique face au RN, mais je ne suis pas d'accord avec la partie programmatique sur l'Europe et avec les déclarations mal appropriées [de Jean-Luc Mélenchon, ndlr] sur les forces de l'ordre et les institutions".
Pour David Guiraud, "le pays est fracturé politiquement, socialement, écologiquement ça va être compliqué, donc on n'est pas ici pour fanfaronner, on a du boulot." Et ce qui vaut pour le pays, vaut déjà pour la Nupes.