Alors que le parti de Marine Le Pen envoie 11 fois plus de députés qu'il y a cinq ans à l'Assemblée, une seule circonscription acquise par le RN en 2017 a basculé : la 3ème du Pas-de-Calais. Le responsable s'appelle Jean-Marc Tellier. Maire communiste d'Avion depuis 2009, il a fait de l'union de la gauche sous la bannière de la NUPES un argument de campagne. Pari réussi, à quelques dizaines de voix près.
Il s’est imposé de 71 petites voix sur Bruno Clavet, dans une circonscription qui compte 83 202 électeurs inscrits. Avec 50,11% des suffrages exprimés, Jean-Marc Tellier a réussi le pari fou de récupérer une circonscription qui avait basculé dans l’escarcelle du Rassemblement National. Un exploit, lorsqu’on sait que le parti de Marine Le Pen a, dans le même temps, multiplié par plus de 11 le nombre de circonscriptions gagnées en France.
Dimanche 19 juin, au terme d’une folle journée, les militants du candidat s’étaient rassemblés au local de campagne, à Lens. Jean-Marc Tellier est apparu une première fois pour donner des résultats provisoires et annoncer son avance d’une courte tête. Quelques minutes plus tard, il est de nouveau apparu avec, cette fois-ci, les résultats officiels. "On a gagné les amis", a lancé le maire d’Avion devant les militants chauffés à bloc, qui ont scandé son prénom pendant de longues secondes.
"Bien entendu, vous vous doutez qu’avec un score final serré à 71 voix, depuis tout à l’heure les résultats de bureau en bureau changent", a-t-il ensuite commenté. À quelques mètres de là, un militant lui a alors lancé : "Jean-Marc, ta tête aussi elle change". Sourire jusqu’aux oreilles, grand ouf de soulagement. "Certains diront que c’est une victoire limite, mais c’est une sacrée victoire : celle de reprendre le territoire au Rassemblement national", rappelle-t-il. Ça y est, c’est fait : Jean-Marc Tellier est élu député.
Engagé au parti communiste depuis l’âge de 17 ans
Une victoire à la saveur particulière, "symbolique" de l’aveu même du principal concerné dans un département où la moitié des 12 députés élus portent les couleurs du parti de Marine Le Pen. "Malheureusement, le RN fait une percée dans le Pas-de-Calais. On y est allés en se disant qu’on ne pouvait pas laisser le FN s’implanter encore et encore, rappelle-t-il. Alors notre victoire est un symbole qui renforce notre démarche d’union".
Fils de mineur, il s'engage au parti communiste français à l’âge de 17 ans et ne l'a depuis jamais quitté. Un an plus tard, il quitte l’école et commence à travailler comme permanent aux Pionniers de France. "C’est un type qui vient de l’éducation populaire", décrit Jean Letoquart, son premier adjoint à la mairie d’Avion pressenti pour reprendre les rênes de la municipalité une fois Jean-Marc Tellier intronisé à l’Assemblée. Après son expérience dans ce mouvement lié au parti, il en deviendra le directeur pendant 5 ans.
"Son objectif, résume Jean Letoquart, c’était de trouver comment faire pour aller chercher les gens tour par tour, cité par cité". Une expérience qu’il a mise à profit dans sa carrière politique. En 2009, Jean-Marc Tellier succède à Jacques Robitail, maire démissionnaire d’Avion. Deux ans plus tard, il est élu au conseil général du Pas-de-Calais. Une institution qu’il arpente depuis 11 ans désormais, sans discontinuer. À la suite des dernières élections départementales de 2021, il est nommé vice-président chargé de l’insertion, du RSA et du fond de solidarité logements. Trois thématiques qui lui sont chères et qui ponctuent son combat politique.
Unir ses forces face au RN, un pari gagnant
Élu avec 16 294 voix au soir du second tour des législatives, Jean-Marc Tellier est arrivé en tête dans 4 des 13 villes de la circonscription. Parmi elles, sa ville d’Avion – où il a réalisé 65,27% - et Lens avec 51,23%. Deux communes qui lui ont permis de décrocher la victoire car elles concentrent à elles seules la moitié de l’électorat de la 3ème circonscription du Pas-de-Calais. Un fort ancrage local semble-t-il salué par les électeurs, auquel il faut ajouter une dynamique de rassemblement chère au nouveau député.
À l’échelle de la circonscription tout d’abord, où 12 des 13 maires lui ont apporté leur soutien. "Depuis des années, on a des différences mais on s’entend sur des points essentiels. Tout le monde s’est mobilisé pour lui : élus et militants. Et c’est là que réside la victoire", avance Jean Letoquart. Il s’explique. "Quand on a su qu’on l’avait emporté à 71 voix près, la première chose qui nous est venue en-tête, c’est de se dire : quand vous gagnez avec 6 000 voix d’avance, c’est grâce au parti ; à 1 000 voix, c’est grâce au candidat ; à 70 voix, c’est grâce à toutes les personnes que nous avons convaincu les unes après les autres et à tous les militants qui sont allés chercher les voix une à une".
À l’échelle nationale ensuite, avec l’accord trouvé entre les quatre principaux partis de gauche sous la bannière de la NUPES. Le député fraîchement élu a d’ailleurs terminé son discours de remerciement en citant les forces politiques. "C’est la victoire du parti communiste, c’est la victoire du parti socialiste, c’est la victoire d’Europe-Ecologie-les-Verts et c’est la victoire des Insoumis !" Pour rappel, lors des élections législatives de 2017, Jean-Marc Tellier s’était présenté avec la seule étiquette du PCF et avait été éliminé dès le premier tour.
Le travail a déjà débuté
Au lendemain de la soirée festive passée en compagnie des militants dans son local de campagne pour célébrer la victoire, Jean-Marc Tellier n’a pas la gueule de bois, bien au contraire. "On l’a fêté comme on le devait, mais j’ai évité que ça se termine trop tard. Ce matin, je suis au conseil départemental, à la plénière, au boulot".
Lorsqu’on évoque avec lui le calendrier des prochains jours et des prochaines semaines, le député préfère temporiser. "Je verrai bien, je n’ai pas encore de date. Je sais que je dois y être le 28 juin, mais je vais surement y passer avant pour les formalités". En filigrane, il sait qu’entrer à l’Assemblée va l’obliger à laisser son siège de maire d'Avion qu'il occupe depuis 13 ans. "C’est le jeu, c’est comme ça et c’est normal. Mais je ne vais pas délaisser ma circo pour autant, comptez sur moi !"
Jean-Marc Tellier peu bavard sur le sujet, nous avons donc posé ces questions à son bras droit à Avion. "On s’apprête à préparer sa première action, mais je ne peux pas vous en dire plus, on garde la surprise". Surement en septembre, dit-il, une fois l’été passé. Le premier coup d’éclat d’une longue série signé Tellier, avant d’autres actions tout au long du mandat ? "Vous verrez", répond le principal concerné.