Coronavirus : le cauchemar d'un passager nordiste confiné sur le paquebot Zaandam après la mort de 4 personnes à bord

Depuis le 16 mars, Yves, 68 ans, vit un calvaire à bord du Zaandam. Le bateau de croisière ne parvient pas accoster dans un port alors que les cas de coronavirus se multiplient à bord. Quatre personnes sont déjà décédées selon la compagnie. L'inquiétude devient insoutenable chez ses proches.

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Voilà six jours qu'Yves, un Loossois de 68 ans, est bloqué dans sa cabine de quelques mètres carrés à bord du Zaandam. Le paquebot au pavillon néérlandais exploité par Holland America (groupe Carnival), a quitté Buenos Aires (Argentine) le 7 mars. Il devait débarquer ses passagers à San Antonio, au Chili quelques jours plus tard. 

Sauf que des cas de coronavirus ont été détectés à bord du bateau. Sur les 1 243 personnes à bord, la compagnie explique que 53 passagers et 85 membres d'équipage présentent des symptômes grippaux. Deux d'entre eux auraient été testés positifs au coronavirus et quatre personnes sont mortes à bord, sans que la compagnie ne révèle leur identité ou la cause des décès. 
 
"Aucun ne fait partie de notre groupe", écrit Yves à sa fille Marion hier vendredi en début de soirée. Depuis le début du confinement, la famille échange par messages via Whatsapp. Les appels sont laborieux "Il y a peu de réseau comme il est dans une cabine en zone inférieure du bateau", explique Marion. 
 
 

 

Des informations contradictoires et une communication chaotique


Depuis la France, "on commence à s'inquiéter sérieusement", prévient Marion. À 68 ans, son père est sorti une fois sur le pont en six jours. Sinon, il est confiné dans sa cabine avec comme seul contact avec l'extérieur un hublot. "Il commence à flancher", psychologiquement assure-t-elle. 
 

L'information circule très mal à bord du Zaandam. Yves échange avec sa fille des messages inquiétants et cherche à se faire confirmer des informations. Le 26 mars, il lui écrit : "Il y a eu de nouveaux cas à bord on serait à 150. L’AFP aurait publié cette nuit un communiqué disant que le canal de Panama serait ouvert pour notre passage ?? Marion tu peux vérifier l’info bises"


 
Les plateaux repas sont déposés au pied des portes des cabines, il ne voit personne. "Je me fais du souci pour sa santé mentale et physique, explique-t-elle.
 
 
En plus de l'état de santé de son père, Marion doit gérer les informations contradictoires et ô combien essentielles sur le Zaandam. La compagnie l'informe régulièrement sur la situation du bateau par SMS - elle est identifiée comme "contact d'urgence" - mais la stratégie de communication l'empèche de déterminer le vrai du faux. "Les premiers messages étaient très rassurants alors que la situation ne fait qu'empirer. On n'arrive même pas à comprendre combien de personnes sont atteintes", se désole-t-elle. 

Message de l'agence de voyage Croisière d'exception reçu par Marion le mercredi 18 mars. Quatre jours plus tard, son père est confiné dans sa cabine : "Bonjour. Un de vos proches est actuellement à bord du Zaandam au large du Chili pour la croisière Patagonie. Après plusieurs péripéties, le navire n'a finalement pas été autorisé à débarquer à Punta Arenas. Il fait actuellement route vers San Antonio qu'il devrait atteindre vendredi ou samedi. Il est fort probable que le bateau continue ensuite vers un autre port qui acceptera de le voir débarquer. La situation est inconfortable pour tout le monde car on ne sait pas quand le bateau accostera ni où. Néanmoins, soyez assuré que vos proches disposent de très bonnes conditions de vie à bord. Il n'y a aucun confinement et aucun cas de coronavirus. De plus, la compagnie Holland America nous a assuré qu'elle veillerait au rapatriement de nos passagers en France suite au débarquement. Le ministère des affaires étrangères suit la situation. Merci pour votre patience et votre compréhension

Depuis, la Nordiste reçoit régulièrement des informations. 

 

Le Zaandam, bloqué dans la baie de Panama, espère pouvoir accoster en Floride dans 48 heures

 


Les prochains jours s'annoncent incertains. Depuis le 15 mars, le bateau se voit refuser l'accostage dans les ports du Chili puis du Pérou. Alors que le navire avait obtenu mercredi 25 mars l'autorisation de franchir le Canal de Panama, les autorités panaméennes se ravisent deux jours plus tard et interdisent la traversée au Zaandam pour des raisons sanitaires. "Le ministère de la Santé ne nous a pas donné son feu vert", déclare l'administrateur de la voie maritime interocéanique, Ricaurte Vasquez. "Le navire se trouve dans les eaux territoriales panaméennes, mais doit être à l'isolement".
 


Depuis, le croisiériste dit poursuivre les négociations avec le Panama pour rejoindre Fort Lauderdale en Floride aux Etats-Unis (au nord de Miami) et pouvoir enfin accoster, autour du 30 mars. Un délai qui semble ambitieux compte tenu de la lenteur de négociation et de la rapidité de l'évolution de la situation à bord. 

 

Le Rotterdam, l'espoir incertain 


Dans le même temps, un autre bateau de la compagnie vient prêter main forte au Zaandam pour écourter cette attente interminable. Le Rotterdam, le paquebot en question, a apporté jeudi dernier des vivres et des tests de coronavirus. Les deux paquebots bleus et blancs étaient alors visibles depuis la baie de Panama selon l'AFP. Ce samedi soir, ni le Rotterdam ni le Zaandam n'ont l'autorisation d'emprunter le canal de Panama, selon la compagnie maritime. 
 

Le navire devrait aussi accueillir à son bord les passagers non malades, avec quelques priorités : "Il s'agirait des passagers de plus de 70 ans occupant les cabines inférieures sans accès à l'extérieur, affirme prudemment Marion. Mon père n'a 'que' 68 ans mais vit dans les cabines concernées donc je ne sais pas s'il sera prioritaire dans les évacuations." Les passagers qui présentent des problèmes de santé, ou qui ont été placés à l'isolement après avoir été en contact avec des malades, ainsi que l'équipage resteront à bord du Zaandam quoi qu'il en soit, a précisé Holland America.

Ce samedi soir, Yves n'a aucune information sur son potentiel transfert sur le Rotterdam dans les deux prochains jours. "Il semblerait que certains soient déjà partis... Quelle angoisse", commente sa fille. 
 

Une famille aussi perdue qu'en colère

 
Marion se souvient de la promesse du gouvernement, le 26 mars, de rapatrier sous 3 à 4 jours les Français à l'étranger. "Pour nous, cela semble impossible", constate-t-elle. Les passagers ont reçu un message de Lionel Rabiet, le directeur de leur agence de voyage, les sommant de contacter leurs assureurs, sans vraiment savoir pourquoi. Yves a demandé a sa fille de s'en charger ; sans réseau téléphonique et avec une connexion wifi instable, impossible de contacter son assurance en France pour la prévenir qu'il voyage à bord du Zaandam. 
 


C'est justement à Lionel Rabiet qu'en veut la famille d'Yves. Interrogé sur Franceinfo le 9 mars dernier, le fondateur et directeur de Croisière d'Exception invitait à la propagation du "virus de la raison" pour combattre une épidémie "irrationelle". "Aujourd'hui c'est une folie de dire aux Français d'arrêter de vivre et de voyager", se plaignait alors le professionnel du tourisme, affirmant "C'est notre métier de gérer, si nécessaire, le rapatriement de nos clients." Des propos qui, même prononcés avant le cauchemar de son père, ne passent pas pour Marion. "C'est une honte", s'énerve-t-elle, alors qu'elle remue ciel et terre pour mettre fin au calvaire de son père. 
 
 
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