Lille : pourquoi la citadelle n'entrera pas au patrimoine mondial de l'Unesco ?

La mairie de Lille a retiré sa demande d'inscription de la citadelle au patrimoine mondial de l'Unesco. La Ville considère que cette inscription pourrait compromettre ses projets de développement durable. 

Pour Vauban, c'était "la reine". Mais la citadelle de Lille ne fera pas partie du patrimoine mondial de l'Unesco. La mairie de Lille a retiré sa demande d'inscription, dans un courrier du 28 octobre, adressé par Martine Aubry à la présidente du Réseau Vauban pour les villes fortifiées, qui portait la requête devant l'Unesco. Motif invoqué par la Ville : les règles de l'Unesco menacent les projets de développement durable. 

Une "zone tampon" qui fait débat

Ce qu'il faut comprendre, c'est que si l'édifice bâti par Vauban au XVIIème siècle entrait au patrimoine de l'Unesco, la zone concernée s'étendrait bien au delà de la seule enceinte de la citadelle. Autour, une "zone tampon" de plusieurs centaines d'hectares couvrirait une bonne partie de Lille intra-muros. Un périmètre qui irait au delà de la porte de Paris, selon le plan présenté par la mairie.
Cette zone est définie par des experts du Réseau Vauban, qui sont en charge du classement des fortifications de Lille, de Le Quesnoy et de Breisach am Rhein en Allemagne. 

 "C'est une zone d'incertitudes", s'inquiète Didier Joseph-François, conseiller municipal délégué au patrimoine. "Dans cette zone tampon, on peut conduire des politiques urbaines mais elles seraient soumises à une expertise de l'Unesco, qui viendrait tous les quatre ans s'assurer que l'on a agit conformément à l'esprit du bien labellisé". En clair, les politiques d'aménagement devraient recevoir l'aval de l'Unesco. Impossible pour la majorité municipale. 

Le classement de la citadelle menacerait la construction de la ligne de tramway

L'équipe de Martine Aubry (PS) voit dans cette zone tampon une menace pour le développement durable de la ville. Parmi les projets incompatibles avec le classement à l'Unesco, "l'aménagement de la ligne nord/sud du tramway de la MEL (Métropole Européenne de Lille), qui doit desservir les quartiers populaires", indique Marie-Pierre Bresson, l'adjointe à la culture. 

Autre difficulté, les règles imposées par l'Unesco exigent que le bâtiment classé puisse être visible. "Cela veut dire potentiellement l'abatage d'arbres dans la citadelle", poursuit Marie-Pierre Bresson. Sur ce point, la Ville de Lille affirme avoir tenté de négocier avec les experts, sans parvenir à faire entendre sa voix. En conséquence, elle a décidé de retirer sa demande.
 

Deuxième renoncement après celui de 2008

C'est un deuxième rendez-vous manqué de la citadelle avec l'Unesco. Déjà en 2008, alors que douze fortifications de Vauban, comme celle d'Arras, entraient au patrimoine mondial de l'humanité, la présence de militaires au sein de l'enceinte empêchait l'inscription. Ce devait être un pas chassé pour mieux sauter.

Ainsi, en 2017, la Ville de Lille et la MEL déposaient conjointement une demande d'inscription pour valoriser cet édifice, bâti dans la seconde moitié du XVIIème siècle, sur les plans de Vauban, pour défendre le nord de la France contre les Pays-Bas, alors sous domination espagnole. 

L'inscription au patrimoine mondial de l'Unesco n'est pas une protection juridique, mais un label. La citadelle de Lille est par ailleurs classée comme monument historique et le restera. 

Une volte-face qui suscite l'incompréhension

La décision de la municipalité a vivement fait réagir. "Nous sommes atterrés de la volte-face de la municipalité, quand ce classement était enfin acquis", a réagi l'association Renaissance du Lille ancien. "Le classement Unesco est, devant les instances internationales, un engagement à respecter le site. C’est un contrat moral et politique auquel la ville de Lille ne semble pas prête", poursuit l'association qui s'étonne de ce soudain revirement de position.

Didier Joseph-François, l'actuel conseiller municipal au patrimoine, est en effet l'ancien président de cette association de défense du patrimoine. Depuis 2005 et l’abandon du projet d’agrandissement du stade Grimonprez-Jooris, Didier Joseph-François défendait fermement l'inscription de la citadelle au patrimoine de l'Unesco. 

"C'est une erreur historique"

Dominique Plancke (EELV), ancien conseiller municipal au patrimoine

La décision de la mairie de Lille a aussi fait réagir Marie-Sophie Lesne, la maire de Le Quesnoy, qui se présente aussi à l'inscription au patrimoine mondial de l'Unesco. Leurs candidatures étaient liées au sein du réseau Vauban.

"On perd des chances de réussite. Mais je suis encore dans le souhait que la maire de Lille m'entende et soit solidaire d'une petite ville de l'Avesnois, de 5000 habitants, qui a cette chance historique d'être à côté de Lille et de pouvoir faire classer son patrimoine. Ce ne serait que justice", considère la maire de Le Quesnoy. 

Les politiques vent debout contre une "erreur historique"

Ce retrait est vivement critiqué par la classe politique lilloise. Dominique Plancke (EELV), ancien conseiller municipal délégué au patrimoine (2001-2014) dénonce une "erreur historique".

Stéphane Baly, élu EELV à la mairie de Lille, fait part de son "incompréhension alors que ce projet est porté depuis des années. Ce renoncement est invoqué pour des raisons incompréhensibles. On attend des réponses pour comprendre", tempête l'élu, arrivé en deuxième position aux dernières élections municipales.  La conseillère d'opposition (LREM) Violette Spillebout regrette que cette décision ait été prise "de manière unilatérale, sans avoir soumis la décision à son Conseil Municipal. Nous demandons un débat. La position prise par Martine Aubry pose de graves problèmes de forme et de fond.". Selon elle, ce changement de braquet est dû à "une histoire de susceptibilité. La mairie voulait faire sortir l'esplanade du champ de Mars de la zone tampon mais cela a été refusé. Ils ont donc choisi de retirer le projet dans sa totalité. C'est un caprice." 

Appelé à intervenir auprès de Martine Aubry, Damien Castelain, le président de la MEL, a déclaré vendredi 13 novembre qu'il ne souhaitait pas "rentrer dans les polémiques lilloises. Je regrette mais je respecte", a-t-il indiqué à la Voix du Nord Malgré les critiques, la mairie persiste. "La polémique n'a pas lieu d'être. Nous assumons cette décision", insiste Marie-Pierre Bresson. 
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