Après l'évacuation de trois immeubles rue de la Monnaie, un ancien locataire assure avoir alerté les autorités sur l'insalubrité de l'immeuble situé au numéro 48, il y a deux ans.
Deux jours après l’évacuation de l’ancien immeuble dans lequel il a habité en plein centre de Lille, il a décidé de prendre la parole pour "ne pas laisser passer".
Cette semaine, les habitations et commerces situés au 44, 46 et 48 de la rue de la Monnaie ont été évacués, moins de deux semaines après l’effondrement meurtrier survenu rue Pierre Mauroy.
Une décision prise suite à une alerte du syndic qui s’est procuré un rapport d’expertise datant d’il y a un an et pointant du doigt des désordres importants. Le passage de deux experts a permis de constater des fissures dans les trois immeubles. La mairie a alors mis en demeure les propriétaires d’effectuer les travaux dans un délai suffisant.
"Quand j’ai signalé les problèmes il y a deux ans, tout le monde m’a pris pour un fou"
Quand Jules Decaudain a appris que son ancien immeuble situé au 48 avait été évacué, sa première réaction a été la colère. "Quand j’ai signalé les problèmes il y a deux ans, tout le monde m’a pris pour un fou", assure-t-il.
Car cet aide-soignant y a loué un appartement au deuxième étage pendant plus d’un an, avant de quitter les lieux précipitamment en novembre 2020. "Je suis parti à cause de divers problèmes que je rencontrais dans l’immeuble, raconte l'ancien locataire, aujourd’hui installé dans le sud de la France. Les fenêtres ne fermaient pas parce que l’immeuble bougeait, il y avait des problèmes d’humidité et d’infiltration. J’étais en guerre permanente avec le syndic de l’époque".
En septembre 2020, alors qu’il vit depuis "plus d’un an avec les fenêtres ouvertes", le jeune homme est à bout et décide de déposer une « plainte habitat indigne » auprès de la mairie pour dénoncer l’insalubrité de son logement. Dans celle-ci sont mentionnés les problèmes d’humidité et d’infiltration dans son appartement ainsi que ses fenêtres impossibles à fermer. Mais rien sur les fissures dans les parties communes.
"Elles n’étaient peut-être pas mentionnées, mais quand le service d’hygiène est venu en octobre 2020, il y avait déjà des fissures béantes dans l’entrée de l’immeuble », assure-t-il. "C’est grâce à cette visite que les travaux ont été faits et que mes fenêtres ont pu fermer".
"Tout le monde était au courant des risques"
Malgré cela, Jules Decaudain raconte ne plus s’être senti en sécurité. "Quand vous rentrez d’une garde de 12 heures à l’hôpital et que le plafond de l’entrée vous tombe sur la tête, c’est trop". Il décide de se rendre au commissariat mais il n’est pas entendu. "Les policiers m’ont ri au nez en me disant que ce n’était pas eux qui s’occupaient de ce genre d’affaire". Le jeune homme prend la décision de partir.
Lui pensait en rester là, mais l’évacuation ordonnée mercredi 23 novembre a ravivé ses mauvais souvenirs. "Tout le monde était au courant des risques il y a deux ans. À l’époque, cet immeuble craignait déjà".
"Qu’il ne dise pas que personne n’a réagi", répond Martine Aubry
Face à la médiatisation du témoignage de Jules Decaudain et face à l’inquiétude des Lillois, la mairie a tenu à réagir. Interrogée ce samedi 26 novembre, Martine Aubry a assuré avoir "tout le dossier". Elle s’est expliquée. "Ce monsieur a déménagé 10 jours après avoir déposé des photos et une demande à la mairie du centre. Il a effectivement été voir en 2020 la mairie du centre qui a transféré au service d’insalubrité. Ce monsieur n’avait laissé ni téléphone, ni mail. On est allé sur place mais il avait déménagé. Donc qu’il ne dise pas que personne n’a réagi".
De plus, la maire de Lille a tenu à préciser que "c’était un problème d’humidité, pas du tout un problème de structure" qui était soulevé dans sa plainte, avant de conclure. "Je trouve que ce n’est pas très correct à un moment où beaucoup de gens sont obligés d’évacuer. Restons calme, regardons la réalité des faits".
Une réponse insatisfaisante pour l’ancien locataire. "Si mes fenêtres ne fermaient pas dans l’immeuble, c’est bien parce que la structure de l’immeuble avait bougé non ?", se questionne Jules Decaudain qui attend aujourd’hui des réponses à ses nombreuses questions.