La mairie de Lille et la préfecture du Nord ont conjointement annoncé l'annulation de l'édition 2021 de la Braderie de Lille pour la deuxième année consécutive. Certains brocanteurs, déjà éprouvés par l'annulation des plus petits événements à cause du Covid, craignent pour leur survie.
"C’est un coup dur pour tout le monde. Mon camion était prêt, il était plein depuis l’année passée". Et le camion de Jacky Marquet restera encore plein cette année. Représentant des brocanteurs, "Jacky la Brocante" affirme qu’il s’attendait à une annulation. À tel point qu’il l’assure, "les marchands avaient déjà préparé leur foire ailleurs".
Annulée conjointement par la maire de Lille et le préfet du Nord pour des raisons sanitaires, l’édition 2021 de la braderie initialement prévue les 4 et 5 septembre prochains n’aura pas lieu. La vaccination ne décolle pas tandis que le variant Delta du Covid-19, jugé plus contagieux, se propage plus rapidement. "Nous ne voulons pas déclencher un énorme cluster à l’occasion de la braderie", résume Jacques Richir, adjoint au maire de Lille en charge de l’espace public.
"Quand on réfléchit bien, je me dis qu’Aubry n’a pas tort d’annuler, se résigne Jacky Marquet. De toute façon, le roi c’est le préfet. Donc si le préfet ne veut pas, Aubry ne peut pas". Selon l’antiquaire, lui et ses collègues brocanteurs professionnels d’ordinaire installés au parc Jean-Baptiste Lebas s’en sortiront. Mais il pense aux "petites gens" qui vendent chaque année "leurs bricoles" aux quatre coins de la ville. "Eux vont perdre beaucoup".
Une perte colossale pour les brocanteurs de la région
Thierry Canivez est dépité. Brocanteur ambulant domicilié à Somain (Nord), il expose depuis 25 ans à la braderie de Lille. Deux stands de dix mètres de long installés sur l’Esplanade pour une surface de vente de 80 mètres carrés. Et un chiffre d’affaire colossal. "En un week-end, on réalise le même chiffre d’affaire qu’en un mois, explique-t-il. C’est tout simplement le plus gros chiffre d’affaire de l’année".
Mais cette année encore, il devra se passer de cette rentrée d’argent. "La braderie de Lille, c’était vraiment un espoir", soupire-t-il. Un espoir douché avec l’officialisation de l’annulation de ce grand rendez-vous par Martine Aubry lors du conseil municipal du 29 juin. "C’est franchement catastrophique. On meurt à petit feu et tout le monde s’en fout".
Au-delà de la braderie de Lille, d’autres grands événements sources de revenu ont été annulés depuis le début de l’année : la grande brocante de Maroilles drainant quelques 25 000 curieux en juin, la grande Réderie d’Amiens qui rassemble 80 000 visiteurs au printemps… mais également les plus petites braderies et brocantes. "Toutes les régions de France ont repris petit à petit les brocantes bien plus vite que dans les Hauts-de-France, dénonce-t-il. Quelle est la différence entre un marché classique et une brocante ?"
"Je n’ai rien exposé en France depuis le 1er janvier. C’est une année plus que noire pour nous, pire que 2020".
Lui a pu trouver refuge de l’autre côté de la frontière, en exposant deux fois par semaine à Courtrai et Mouscron à la sortie du troisième confinement. Mais le manque à gagner est important. "Je n’ai rien exposé en France depuis le 1er janvier. C’est une année plus que noire pour nous, pire que 2020".
Avis partagés sur l’organisation d’une braderie au rabais
Moins de 24 heures après l’annonce de l’annulation 2021, des voix s’élèvent déjà pour proposer une alternative à la grande braderie. Anciennement diagnostiqueur immobilier, Emmanuel Pauwels a créé sa brocante en juin 2021 et comptait sur la braderie de Lille pour exposer. Alors l’annulation de la reine des braderies "modifie fortement (ses) plans". Mais il a déjà une idée : proposer à la ville d’organiser une brocante, pourquoi pas chaque dimanche à partir de septembre comme c’est déjà le cas à Chartres ou au mans par exemple. "La reine est un peu mal en point cette année mais pourquoi ne pas surfer sur notre image de pays brocante et proposer aux Lillois un carré brocanteur en l’ouvrant aux particuliers. Ça serait un mélange de brocantes et de vide grenier pour permettre aux gens qui aiment chiner de le faire sur Lille et de ne pas aller à Paris ou Bruxelles".
De son côté, le brocanteur Jacky Marquet pensait à organiser "une petite braderie dans un coin de la ville malgré l’annulation". Il a finalement changé d’avis. "On ne peut pas faire un morceau pour les uns et pas pour les autres. Il faut qu’il y en ait pour tout le monde, ou pour personne". Même discours du côté de la mairie. "Une espèce de demi-braderie n’aurait pas de sens, ça risquerait d’abimer son image", avance Jacques Richir. "On va regarder pour les brocanteurs ce qui peut être fait, mais ça ne peut pas être une vraie braderie (…) pour des raisons évidentes de risque épidémique".
Une espèce de demi-braderie n’aurait pas de sens, ça risquerait d’abimer son image".
Il donne rendez-vous à tous les amateurs de chine l’année prochaine pour retrouver la grande Braderie "telle qu’on l’aime". Ce qu'a du mal à entendre Thierry Canivez, brocanteur à Somain. "Tous nous donnent rendez-vous pour se retrouver en 2022. Mais on sera où nous à ce moment-là ? Je peux vous assurer que d’ici là, beaucoup d’entre nous allons mettre la clé sous la porte". Rendez-vous pris les samedi 3 et dimanche 4 septembre 2022.