Samedi 21 mars, quatre détenus ont refusé de rejoindre leur cellule à la prison de Sequedin. La surpopulation carcérale empêche le respect des gestes barrières pour éviter la propagation du coronavirus, provoquant inquiétude et indignation de la part des détenus et de leurs proches qui témoignent.
Comment respecter un mètre de distance alors que plusieurs détenus cohabitent dans la même cellule ? C'est la question qui empêche de dormir Céline Flahaut, dont le frère de 30 ans est incarcéré à la maison d'arrêt de Dunkerque depuis une semaine.
"Les parloirs sont fermés et nous ne pouvons pas téléphoner... Je n'ai aucune nouvelle de mon petit frère depuis une semaine", se désole la femme de 33 ans. Alors que la France est confinée depuis mardi dernier, les parloirs sont fermés depuis mercredi 18 mars pour 15 jours afin d'éviter la transmission du virus entre visiteurs et détenus. Demain lundi, des crédits de téléphone supplémentaires annoncés par Nicole Belloubet devraient prendre effet pour compenser la suppression des parloirs.
À Roubaix, Jennifer s'inquiète pour son mari. L'homme purge une peine de 9 mois au centre pénitentiaire d'Annoeulin. "Les détenus n'ont aucune protection et on en parle pas." Elle est seule à la maison avec ses cinq enfants, dont le dernier est né il y a 15 jours. Alors, si elle ne pouvait de toute manière pas se rendre au parloir, ce sont plutôt les aller-retour du personnel pénitentiaire qui l'inquiètent : "le soir ils rentrent chez eux et j'ai peur qu'ils amènent le virus dans la prison."
De son côté, le frère de Céline Flahaut est en détention provisoire à cause, selon elle, d'une bagarre, et devait être jugé le 8 avril prochain. Une audience qui sera probablement reportée parce qu'elle ne rentre pas dans les "tâches vitales" énoncées par la ministre de la justice Nicole Belloubet.
"Une bagarre mérite-t-elle qu'on finisse sa vie en prison ?"
Alors, la femme aimerait mieux que son frère soit relaché. "Les détenus sous mandat de dépôt, malade ou en fin de peine devraient être libérés... Pas les tueurs et les violeurs, mais une bagarre mérite-t-elle qu'on risque sa vie en prison ?" Elle craint que les détenus finissent par attraper le coronavirus et se contaminent entre eux. Une issue inévitable selon elle, en prenant en compte la promiscuité dans les cellules.
En réponse à cette situation, Nicole Belloubet a ouvert la voie à la libération des détenus en fin de peine et a demandé la non-application des courtes peines pour éviter d'acceuillir de nouvelles personnes dans les prisons. La direction de l'administration pénitentiaire a recensé depuis trois jours 100 entrants quotidiens contre 250 à 300 habituellement.
Ces mesures ne rassurent pas Jennifer, dont le mari doit encore passer 6 mois à la prison d'Annoeulin près de Lille. Condamné pour défaut de permis, elle estime que son cas ne nécessite pas un maintien en détention.
Les inquiétudes de ces femmes surviennent alors que le décès d'un détenu à la prison de Fresnes (Val-de-Marne) plus tôt dans la semaine a soulevé des questions sur la capacité des prisons à résister au coronavirus. L'homme en question, diabétique, était incarcéré depuis de 8 mars pour violences conjugales et devait être libéré en mai.
Quatre détenus en garde-à-vue à Sequedin pour avoir refusé de regagner leurs cellules après la promenade
Depuis, la tension ne cesse d'augmenter. Samedi 21 mars, quatre détenus de la prison de Sequedin près de Lille ont été placés en garde-à-vue. Ils seront jugés en comparution immédiate demain lundi pour avoir refusé de regagner leurs cellules après la promenade. Au total, onze détenus ont connu le même sort en France hier.
La direction de l'administration pénitentiaire (DAP) a affirmé avoir mis les détenus en garde-à-vue pour "faire passer un message de fermeté face aux actes de violences et de dégradation". Elle a toutefois dit "entendre et comprendre les inquiétudes des détenus, qui rejoignent d'ailleurs celles des personnels pénitienciaires en ce qui concerne les exigences sanitaires".
Les promenades ont été maintenues entre les murs des 188 prisons françaises. "Des rumeurs de suppression de ces promenades circulent, ce qui génère des mouvements d'inquiétude", a souligné la DAP, ajoutant que "la suppression des promenades n'est pas d'actualité".
La situation dégénère en ce moment à Longuenesse
Dimanche 22 mars dans l'après midi, des détenus ont pris possession de la cour de promenade à la prison de Longuenesse dans le Pas-de-Calais pour protester contre leurs conditions de traitement en pleine épidémie. Un grillage aurait également été arraché. La brigade de recherche et d'intervention (BRI) a été appelée en renfort selon Yannick Lefebvre, secrétaire local pour l'UFAP UNSA Justice.