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DOCUMENTAIRE. Comment Hitler a inventé sa propre légende après avoir passé la Première Guerre mondiale comme simple soldat

Le soldat Adolphe Hitler au début de la Première Guerre mondiale

Dans un documentaire inédit, des historiens réexaminent les moments clés du parcours d'Adolf Hitler, simple soldat de l'armée allemande affecté dans le Nord de la France entre 1914 et 1918, et déconstruisent le mythe du héros de guerre. Le futur dictateur s'est inventé un passé glorieux alors qu'il a passé la quasi totalité de la Grande Guerre comme messager, en retrait du front.

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En seulement une petite quinzaine d'années, Adolf Hitler est passé du statut de simple soldat, pendant la Première Guerre mondiale, à celui de chancelier de l'Allemagne, en janvier 1933. De l'épreuve de 14-18, Hitler a tiré un récit largement falsifié et exagéré, valorisé dans son livre Mein Kampf, écrit en 1924-25, qui lui a servi à bâtir sa propre légende et poser les fondations de son idéologie pour aboutir au régime nazi du Troisième Reich, à la Seconde Guerre mondiale et à la Shoah

Mais en regardant de plus près le récit des événements par Hitler lui-même, les faits de guerre et les anecdotes recensés par les acteurs et témoins de l’époque, des historiens démythifient le passé soi-disant glorieux d'Hitler. C'est ce que raconte le documentaire de François Hérard, "Petits arrangements avec la légende".

L'histoire d'un soldat à la bravoure exceptionnelle est un mensonge, imaginé et rabâché par Hitler lui-même, dès la fin de la guerre et son engagement en politique en 1919. "Elle est trop belle pour être vraie. Et elle sert trop la propagande personnelle d'Hitler pour ne pas être suspecte", pointe l'historien spécialiste du nazisme Johann Chapoutot.

Les zones d'ombre sur les quatre années de guerre qu’Hitler a passées en Flandre et en Artois sont nombreuses. Il ne reste que très peu de documents sur le soldat Adolf Hitler, il les a lui-même en partie détruits. Et il en a profité pour idéaliser son parcours. Mais des questions restent ouvertes : pourquoi n'a-t-il participé qu'à une seule bataille ? Pourquoi n’a-t-il jamais été promu au sein de l'armée alors qu'il a passé quatre années à la guerre ? A-t-il été hospitalisé dans un service psychiatrique après une blessure ? 

Demi-clochard, Hitler se trouve une famille : l'armée

En 1914, Hitler a 25 ans. Il a déjà abandonné ses ambitions artistiques. Il n'a aucun projet personnel et vit misérablement, sans famille et sans amis. Il a quitté Vienne et l'Autriche en 1913 et s'est installé à Munich, en Allemagne. Selon l'historien Johann Chapoutot, Hitler a fui l'Autriche pour ne pas être mobilisé pour le service militaire. Selon Jean-Yves Le Naour, historien spécialiste de la Première Guerre mondiale, Hitler détestait le cosmopolitisme de l'empire austro-hongrois et a fui son pays honni. Pour lui, la déclaration de guerre devient une opportunité, comme un signe du destin, pense-t-il. Demi-clochard, il voit l'armée comme une nouvelle famille. 

Dès le début du conflit, Lille est assaillie par l'armée allemande et restera occupée pendant toute la guerre. Début octobre 1914, 50 000 soldats allemands encerclent et envahissent la ville, bombardée massivement. 

Après quelques jours à peine d'entraînement, le soldat Hitler est envoyé près de la capitale des Flandres, avec le 16e régiment d'infanterie de réserve bavarois. Il arrive à Lille le 24 octobre et est hébergé dans la chambre de commerce, alors en travaux. 

Hitler n'a été au front que pour une seule bataille 

Les combats font rage dans les Weppes et à Ypres ; Hitler y est envoyé en tant que simple soldat. La bataille, cauchemardesque, décime les trois quarts du régiment allemand. Après avoir survécu, il demande à intégrer une équipe d'estafettes de régiment, c'est-à-dire des soldats chargés de transmettre des messages et de faire la liaison entre les bases arrière. Il restera cantonné à ce rôle pendant quatre années. 

Dans le secteur de Fromelles, on ne se bat pas tous les jours, loin de là. Il y a eu quelques coups de torchon, mais généralement c'est un endroit très calme, très paisible. Donc, la vie d'une estafette à l'État-major du régiment, c'est quelque chose de plutôt calme. On prend le café, on prend le jus, on discute, on joue aux cartes, on rigole beaucoup entre copains...

Jean-Yves Le Naour, historien

Un simple messager durant tout le conflit 

Hitler n'a jamais été promu et est resté messager pendant tout le conflit. Un test d'aptitude spécifie même qu'il est considéré comme inapte au commandement. Taciturne, solitaire, peu aimable, asocial, compliqué, rigide... Les qualificatifs négatifs de ses camarades et de sa hiérarchie sont nombreux. Après 1933, la propagande du IIIe Reich glorifiera son rôle de messager, en réalité bien moins risqué que celui de soldat en première ligne, dans les tranchées. Sa fonction d'estafette a donc joué pour beaucoup dans la survie d'Hitler pendant la Grande Guerre, comme pour la plupart des soldats qui avaient cette fonction.  

Soigné en hôpital psychiatrique après une blessure

Le messager Hitler, éloigné du front et donc protégé, a pourtant subi deux blessures durant le conflit. Le 5 octobre 1916, il est blessé à la cuisse par des éclats d'obus, loin des premières lignes. Hitler mentira à la fois sur la date de cette blessure, la déclarant du 7 octobre pour faire croire qu’elle est survenue au front lors de la bataille de la Somme, et sur sa gravité. Il sera soigné, en Allemagne, près de Berlin.

Sa deuxième blessure est survenue dans la nuit du 13 au 14 octobre 1918, à Wervicq, à la frontière entre la France et la Belgique. Une attaque au gaz le rend aveugle. Mais la cécité d’Hitler était plutôt due, en réalité, au traumatisme psychique de cette attaque. Les médecins de l'époque parlent de "cécité nerveuse" et "d'hystérie". Il fut soigné en Allemagne, à Pasewalk, à 100 km au nord de Berlin, dans le service psychiatrique d'un hôpital militaire.  

Les taux de mortalité et de destruction humaine pendant la Première Guerre mondiale sont tels que le simple fait de survivre aussi longtemps, pendant plus de quatre ans, à cette horreur est un miracle statistique.

Johann Chapoutot, historien

Extrait du documentaire "Petits arrangements avec la légende" : 

durée de la vidéo : 00h02mn39s
Extrait du documentaire "Petits arrangements avec la légende". Le soldat Hitler a reçu une médaille de guerre, mais son fait de bravoure est-il avéré ? ©Cercle Bleu / France Télévisions

Pendant des décennies, l'histoire d'Adolf Hitler, racontée par lui-même, notamment dans son livre Mein Kampf, n'a pas été remise en cause. Son récit personnel, mensonger, où il racontait un passé de soldat héroïque, s'est imposé par la force de la répétition. Hitler a construit lui-même sa propre légende, prise à tort, au fil du temps, comme une histoire véridique. 

Les fondations de l'idéologie d'Hitler reposent essentiellement sur une multitude de mensonges et d’arrangements avec la vérité, qui fut largement embellie. Le soldat Hitler ne fut ni un homme providentiel, ni un combattant valeureux. "Le mensonge, qui fait également partie de l'histoire", conclut le documentaire de François Hérard, "Petits arrangements avec la légende" (Les Productions Cercle Bleu / France Télévisions), à voir jeudi 7 novembre à 22h50 sur France 3 Hauts-de-France et en replay pendant 30 jours sur france.tv.

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