Après six mois d'imbroglio judiciaire entre la France, la Belgique et le Maroc, l'imam Hassan Iquioussen a été expulsé vers le Maroc ce 13 janvier. L'entourage du ministre de l'Intérieur se félicite de sa "victoire", mais le dossier n'est pas encore clos.
L'imam marocain Hassan Iquioussen a été reconduit ce 13 janvier vers le Maroc par la Belgique, où il s'était réfugié à la fin de l'été après son expulsion de France. Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin lui reprochait "des propos de nature antisémites et contraires à l’égalité entre les femmes et les hommes" mais également "un discours haineux à l’encontre des valeurs de la France, contraire à nos principes de laïcité".
La Belgique a résisté longuement à l'extradition du suspect, poursuivi pour s'être soustrait à la mesure d'éloignement prononcée contre lui, estimant que l'incrimination retenue par la justice française n'était "pas constitutive d'une infraction en droit belge". Mais les plus hautes instances de l'Etat Belge ont, semble-t-il, fait volte-face. Nicole de Moor, secrétaire d'Etat belge à l'Asile et la Migration a en effet annoncé ce 13 janvier l'expulsion du suspect.
"Nous ne pouvons pas permettre à un extrémiste de se promener sur notre territoire. Toute personne qui n'a pas le droit d'être ici doit être renvoyée", a souligné Mme de Moor, saluant "la bonne coopération" avec la France sur ce dossier. Une expulsion qui vaut également interdiction de retour sur l'ensemble du sol européen.
Pour Darmanin, une victoire en demi-teinte
Dans l'entourage de Gérald Darmanin, cité par l'AFP, on vante une "grande victoire contre le séparatisme". Ces déclarations sont prises avec des pincettes par Marine Tondelier, nouvelle patronne d'Europe-Ecologie Les Verts : "Je constate que Mr Darmanin est en grand échec dans la lutte contre le séparatisme. Juste avant les fêtes trois personnes ont été abattues en pleine rue par quelqu'un qui avait attaqué des migrants avec un sabre et qui avait pu tranquillement garder son port d'arme. Je pense que Mr Darmanin cherche un trophée" a-t-elle taclé.
Lors de sa visite officielle dans le Nord, Gérald Darmanin s'est également vanté de la bonne coopération autour de ce dossier. "Quand il s’agit des questions les plus importantes, je suis heureux de voir que et l’Europe et notre relation avec le Maroc fonctionnent et fonctionnent très bien", cite la Voix du Nord.
Mais la presse s'interroge malgré tout sur les réelles capacités de Gérald Darmanin à négocier avec le Maroc, qui a refusé à la France toutes les demandes de laissez-passer, pour finalement les accorder à la Belgique.
Un jugement toujours en attente à Paris
L'affaire pourrait cependant ne pas être finie. L'expulsion d'Hassan Iquioussen a été rendu possible par la délivrance d'un laissez-passer par le consulat du Maroc, le 12 janvier, un document que le pays se refusait jusque-là à produire. "Je suis surprise de la volte-face des autorités marocaines et j'estime que la vie de M. Iquioussen est en France", a réagi son avocate, Me Lucie Simon, soulignant ne pas avoir été informée de la délivrance du document consulaire.
"Nous attendons le jugement sur le fond du Tribunal administratif de Paris, si l'arrêté d'expulsion (français) était annulé, la France devra assurer son retour", a-t-elle averti. L'expulsion de cet homme en l'absence d'un jugement sur le fond fait peser une inquiétude sur les militants de la cause des droits de l'Homme, qui craignent un acharnement par calcul politique.
Gérald Darmanin doit en effet prouver les vertus de sa loi de sécurité globale, qui a augmenté de 15 milliards d'euros le budget du ministère de l'Intérieur et qui a été adoptée mi-septembre grâce aux votes des LR et du RN, malgré les oppositions à gauche.
Dans le Nord, au moins deux profils similaires sont sous activement surveillés par les autorités.