À 71 ans, Baudouin Poivre vient de faire un 693e don de sang. Sa carrière de donneur s'arrête là. Un modèle d'altruisme et de générosité à suivre. Le cadre l'égal l'oblige à arrêter : ne donne pas son sang qui et quand il veut, malgré le contexte de pénurie de donneurs.
Le centre de don du sang de Lille a déployé le tapis rouge pour accueillir Baudouin Poivre. Ce mercredi 15 mars, il est venu faire son dernier et 693e don qui fait de lui le plus grand donneur de la Région. Un ultime rendez-vous vécu non sans une certaine émotion. "Je suis un petit peu déçu, un petit peu nostalgique. J'aurais voulu pouvoir continuer mais il faut bien une limite". Cette limite, c'est son âge. L'homme est à la veille de ses 71 ans, il a atteint l'âge limite du don de sang en France.
Je suis un petit peu déçu, un petit peu nostalgique. J'aurais voulu pouvoir continuer mais il faut bien une limite.
Baudouin Poivre, donneur EFS
"Ma seule motivation, c'est de soulager les gens"
"Nous avons des âges limites, rapporte Isabelle Renard, responsable de la maison du Don à Lille. Il faut être majeur pour donner son sang et jusqu'à la veille de son soixante et onzième anniversaire, donc jusqu'à ses soixante dix ans révolus. Ce sont les règles de bonne pratique de prélèvement et on ne peut pas aller au-delà. Ça attriste beaucoup monsieur Poivre parce qu'il est en pleine forme, mais c'est comme ça".
"Ma seule motivation, c'est de soulager les gens qui en ont besoin, de les guérir et de les sauver, commente Baudouin Poivre. Au début, je ne venais que quatre fois par an sur Tourcoing et j'ai vu qu'on pouvait donner son plasma plus souvent. Je suis venu".
Je n'ai jamais eu de problème de santé, je fais beaucoup de sport, je ne fume pas, je ne bois pas. J'avais tous les critères pour pouvoir donner longtemps. Ce que j'ai fait.
Baudouin Poivre
Grâce à ses 693 dons, Baudouin Poivre a donné "environ 450 litres de plasma et une vingtaine de litres de sang, plus les globules blancs, les plaquettes, des granulocytes, détaille Isabelle Renard. Il a à chaque fois contribué à sauver plusieurs vies. Un don peut sauver jusqu'à trois vies".
À partir de cet âge-là, les études ont montré que le donneur pouvait avoir certaines pathologies méconnues qui pouvaient se développer. Ce sont essentiellement des pathologies cardiaques. Le cœur est une pompe chargée de faire circuler le sang.
Thomas Diard, Maison du donFrance 3 Hauts-de-France
L'Etablissement Français du Sang ne fait que respecter la loi. Dans un arrêté ministériel du 12 janvier 2009, le législateur avait déjà repoussé l'âge limite passant de soixante six à soixante et onze ans révolus. "C'est une sécurité pour le donneur, explique Thomas Diart, responsable de la Maison du don à Amiens. À partir de cet âge-là, les études ont montré que le donneur pouvait avoir certaines pathologies méconnues qui pouvaient se développer. Ce sont essentiellement des pathologies cardiaques. Le cœur est une pompe chargée de faire circuler le sang. Le fait d'enlever une certaine quantité de sang, à savoir quasiment 500 ml quand on fait un don, on pourrait peut-être majorer une pathologie sous-jacente chez ce donneur et provoquer des complications par la suite. On comprend que certains pourraient continuer mais on applique la loi. Le tout était de trouver un équilibre le plus juste possible".
Le don du sang, un acte encadré : âge et poids
Chacun a le pouvoir de sauver une vie. Il faut avoir entre 18 et 70 ans révolus et peser plus de 50 kg pour donner son sang. Un homme peut donner jusqu'à 6 fois par an, une femme jusqu'à 4 fois. Quant au plasma, il est possible d'en donner tous les quinze jours.
Pour autant, c'est le personnel de santé de l'EFS qui confirme si une personne peut donner. "Tous les dons sont conditionnés sous réserve que le donneur passe une visite médicale" souligne Thomas Diart.
La fièvre, un tatouage fait récemment, ou un soin dentaire peuvent être des contre-indications. "Pour la plupart, ce sont des contre-indications temporaires. Elles sont revues régulièrement par un comité à l'EFS en fonction des évolutions de la société. Par exemple, les tatouages, c'est limité à quatre mois après le jour du tatouage, après la personne peut donner".
Baudouin Poivre, un cas exceptionnel ?
Des donneurs qui atteignent plus de 600 dons sont des cas assez exceptionnels. Pour autant, la région Hauts-de-France est la première préleveuse de France. Elle redonne 10% des poches au National. "On a une générosité qui existe chez nos donneurs extraordinaire, constate Thomas Diart. C'est dans la culture des gens du Nord. On le remarque quotidiennement. Quand on téléphone aux donneurs pour les faire venir, la plupart sont présents et répondent à l'appel. Dans d'autres régions, ce n'est pas forcément le cas. C'est dans l'ADN des gens du Nord".
Des besoins permanents
Si les stocks sont stables, les besoins sont permanents. À l'approche des ponts du mois de mai l'EFS anticipe et lance un appel aux nouveaux donneurs. "On a tout le temps besoin de donneurs de sang et surtout de plasma, assure Thomas Diart. Avec tout ce qui s'est passé au niveau économique dernièrement, on s'est rendu compte qu'on n'avait pas forcément une souveraineté au niveau du médicament fabriqué essentiellement à partir du plasma. L'idée de la France c'est d'essayer d'augmenter nos prélèvements de plasma pour ne pas trop dépendre des autres pays et retrouver une souveraineté française dans la fabrication des médicaments. Ça, c'est un enjeu majeur de 2023 et les années qui vont suivre."