"Les salopards, ils ont vandalisé notre P'tit Quinquin !" : on vous raconte l'histoire de la statue de la dentellière décapitée à Lille

La sculpture d'Eugène Déplechin, représentant une dentellière et son enfant, a été vandalisée ce week-end, au square Foch de Lille. Plus qu’un monument, datant de 1902, cette allégorie de la célèbre chanson du P'tit Quinquin est le symbole d’un passé industriel et populaire de la ville.

Geste délibéré d'un vandale ou bêtise d'un fêtard ignorant ? Impossible de le savoir pour l'heure, mais quoi qu'il en soit, la décapitation de la statue du P'tit Quinquin, dans la nuit de vendredi 24 à samedi 25 novembre 2023, square Foch, a fait bondir la maire de Lille.

"C'est un acte déplorable qui s’attaque à la culture populaire lilloise", s'est indignée Martine Aubry, dans un message publié sur X (ex-Twitter), avant d'annoncer que la municipalité porte plainte. Un émoi partagé par ses administrés, dont Yves, révolté du haut de ses 93 ans : "les salopards, ils ont vandalisé l'emblème de notre région !"

L'histoire d'une chanson...

Mais au fait, quelle est l'histoire de cette statue, si chère au coeur des habitants de la capitale des Flandres ? "C'est une histoire sociale, une histoire populaire, commence Jean-Yves Méreau, président de l'association de protection du patrimoine Renaissance du Lille ancien. L'histoire d'une célèbre chanson qui a fait le tour du monde : celle du P'tit Quinquin"

Cette sculpture à taille humaine réalisée en 1902 par l'artiste roubaisien Eugène Déplechin représente une dentellière tenant dans ses bras son enfant, avec le berceau à côté. La femme, qui élève seule son fils, le cajole et le couvre de sa chaleur. "In amiclotant sin p'tit garchon", comme le disent les paroles de la fameuse chanson...

... et d'un passé industriel

Cette statue est donc l'illustration monumentale de la berceuse d'Alexandre Desrousseaux, composée et chantée pour la première fois dans un estaminet de la rue de Gand, un 13 novembre 1853. "En quelques jours tout Lille chantait le P'tit Quinquin, raconte Patrice Desdoit, historien local autodidacte. Puis, c'est devenu un tube mondial, allez savoir pourquoi."

Si cette statue parle autant aux Lillois, surtout les anciens, c'est aussi qu'elle évoque un passé pas si lointain, celui de l'industrie de la dentelle dans le Nord, florissante au 19e siècle. "Dentellière, c'est un métier identitaire de la ville", tient à rappeler Jean-Yves Méreau. "Dentellière, c'est le peuple, abonde Patrice Desdoit. À l'époque, il y en avait partout dans les rues de Lille."

Anecdote morbide

Une histoire méconnue, et un brin morbide, circule sur le modèle qui a inspiré Eugène Déplechin dans la conception du visage de cette mère de famille. En effet, le sculpteur se serait appuyé sur les traits et la forme d'un masque moulé à partir de la tête d'une jeune femme morte noyée à Paris : de l'inconnue de la Seine. "Son visage, que l'on disait magnifique, était en vogue dans le milieu artistique du début du XXe siècle", constate l'historien lillois.

Le monument actuel, situé à l'entrée du square Foch, côté rue nationale, est en fait une réplique de l'œuvre originale, en marbre, déplacée dans l'hôtel de ville de Lille il y a plusieurs années. "C'était un choix de la municipalité car elle avait déjà été recouverte de peinture et vandalisée à plusieurs reprises", explique Patrice Desdoit.

Mais cette réplique tend aussi à s'abîmer avec le temps, comme le démontre l'état de la pierre, sali avec l'âge. C'est pourquoi, la mairie de Lille, par la voix de son adjointe à la Culture, Marie-Pierre Bresson, l'assure : "nous procéderons à la restauration de cet élément du patrimoine". La tête de la dentellière a été retrouvée sur place. Une enquête devrait être ouverte pour retrouver le ou les auteurs de cet acte.

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