Lille : rassemblements et réactions en cascade après le suicide de Fouad, lycéenne transgenre de 17 ans

Mercredi 16 décembre, Fouad, adolescente transgenre - née garçon - de 17 ans scolarisée au lycée Fénelon, s’est donnée la mort dans son foyer à Lambersart. Deux semaines plus tôt, une altercation avec la direction du lycée avait eu lieu. Les réactions se multiplient.

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"Un drame terrible", "une profonde tristesse", "nous demandons justice"… Les réactions se multiplient chaque heure un peu plus, deux jours après la mort de Fouad (son prénom de naissance), lycéenne transgenre de 17 ans qui s’est suicidée dans son foyer de Lambersart.

Sur les réseaux sociaux, le hashtag #justicepourfouad est né. Élèves, anonymes, syndicats, associations et politiques … tous expriment leur colère et leur tristesse, comme la maire de Lille Martine Aubry sur Twitter.

Colère, car début décembre au lycée Fénelon de Lille où était scolarisée Fouad, ses camarades  se révoltaient : la jeune fille s’était vue interdire le fait de venir en jupe en classe par la direction. Des affiches étaient alors placardées au sein de l’établissement pour dire non à la transphobie et plusieurs élèves - garçons compris - avaient décidé de venir en jupe en signe de protestation.

La direction autorisait finalement Fouad à s’habiller comme bon lui semble pour se rendre en cours. "Elle se sentait mieux au lycée", explique une élève de terminale. "Elle ne m’avait jamais fait part d’intention suicidaire" poursuit l’une de ses amies. Mercredi 16 décembre, Fouad se suicidait. Une enquête a été ouverte.

"L’administration de cet établissement comprendra qu’elle est grandement responsable"

Dans un post sur Facebook, l’auteur comédien et réalisateur trans Océan affiche sa "colère" et sa "tristesse", revenant sur l’altercation entre l’élève et la direction à propos du port de la jupe, début décembre. Océan rappelle que "ce ne sont pas des actes isolés et accidentels mais bien les réponses désespérées à une violence systémique."

Il poursuit. "J’espère que l’administration de cet établissement comprendra qu’elle est grandement responsable." Le rectorat de Lille a apporté son soutien à la direction de l’établissement, affirmant que "l’élève qui se trouvait dans un contexte personnel complexe, était accompagné dans sa démarche par l’équipe éducative de son foyer et de son établissement scolaire."

"Il faut que la misogynie et plus particulièrement la transmisogynie soient combattues par toustes, que les établissements scolaires, le CROUS, l’administration française et tout simplement l’état français prennent leurs responsabilités face à ces suicides (…). J’espère bien que l’administration de cet établissement comprendra qu’elle est grandement responsable."

Océan, dans un post Facebook jeudi 17 décembre

Sur Twitter, le député du Nord Adrien Quatennens (France Insoumise) affirme que Fouad, scolarisée au lycée Fénelon, "y a subi la discrimination" et demande une enquête rapide pour "établir les responsabilités" de chacun.

"On ne cherche pas de coupable (…) on veut juste lui rendre hommage"

Ce vendredi matin, une cinquantaine de jeunes se sont retrouvés devant le lycée Fénelon pour rendre hommage à Fouad. L’émotion est très forte. Annabelle, camarade de classe et amie de Fouad, se rappelle d’une personne "joyeuse, intelligente, drôle, bienveillante." Face aux polémiques et aux nombreuses rumeurs diffusées sur les réseaux sociaux, elle tient à rappeler : "on ne cherche pas de responsable ou de coupable. On veut rendre hommage à Fouad."

Comme ses camarades présents, elle se refuse à toute spéculation sur les raisons qui ont poussé Fouad au suicide. "On n’en sait rien, on ne saura jamais" avance-t-elle. Zya, une autre amie, complète. "La direction a manqué de tact et de pédagogie, ce n’était pas adapté mais on ne peut pas accuser le lycée."

Une minute de silence a été organisée ce vendredi 18 décembre dans la cour du lycée. Paul Marcheville, proviseur du lycée Fénelon, a pris la parole pour "honorer la mémoire de Fouad, partie brutalement, trop tôt, trop vite." Il a évoqué la tristesse qui touche les élèves mais aussi le corps enseignant. "Fouad était pleinement reconnue au sein du lycée. Elle y avait sa place." Sur place également, la rectrice de l'académie de Lille Valérie Cabuil a exprimé sa "grande émotion." En parallèle, une cellule psychologique a été ouverte au lycée Fénelon pour permettre à chaque élève qui en ressent le besoin de parler librement.

"La transphobie tue et Monsieur Blanquer regarde ailleurs"

En marge de ces rassemblements, plusieurs syndicats ont également réagi et évoquent un malaise plus profond dans l’éducation nationale. Dans un tract co-signé par de nombreux syndicats dont la FCPE, Sud ou encore la CGT, le message s’adresse directement au ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer : "la transphobie tue et monsieur Blanquer regarde ailleurs."

Les syndicats enseignants demandent de toute urgence au ministère de "prendre en compte la transidentité et de lutter contre la transphobie au sein des établissements."

"L’école publique est encore mal préparée à l’accueil des personnes trans. L’ensemble du personnel de l’Éducation nationale doit être formé à cette lutte contre les discriminations."

Communiqué CGT Educ 59-62

Différentes solutions sont proposées, comme la facilitation du changement de prénom sur simple demande d’un élève ou des formations destinées aux personnels concernant les sujets LGBTI. Par ailleurs, une campagne de lutte contre l’homophobie et la transphobie, lancée en janvier 2019 par le ministre de l’Education, affiche comme objectif de prévenir et de sensibiliser sur ces thématiques. En déplacement dans le Val d'Oise, Jean-Michel Blanquer a défendu son bilan. "Nous avons fait énormément sur la lutte contre le harcèlement, qui inclut l'enjeu du harcèlement contre les élèves LGBT" a-t-il déclaré, concédant qu'il fallait "que nous réussissions beaucoup mieux à lutter contre cela."

Des réactions partout en France

Au-delà des nombreux messages sur les réseaux sociaux, des rassemblements sont organisés partout en France par les associations qui luttent notamment contre la transphobie. Sur les murs de Nancy ou Montpellier (où Doona, étudiante transgenre de 19 ans, s’est suicidée en septembre dernier, ndlr), des messages demandant justice pour Fouad fleurissent depuis hier soir.

À Lille, l’association J’en suis, j’y reste organise une manifestation en l’honneur de Fouad ce vendredi soir à 18 heures, place de l’Opéra.

 

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