Pour M.Allaerd et M.Verdière, membres de la Convention Citoyenne pour le Climat, l'objectif ne sera pas atteint

L'examen du projet de loi "climat et résilience" débute ce lundi 29 mars 2021 à l'Assemblée nationale, s'appuyant notamment sur les travaux de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC). Rencontre avec le Lillois Lambert Allaerd et le Samarien Jean-Luc Verdière, tous les deux membre de la CCC.

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Souvenez-vous. En octobre 2019, à la demande du Premier ministre de l’époque Édouard Philippe, 150 citoyens français tirés au sort se réunissaient pour élaborer une batterie de propositions avec un objectif : réduire d’au moins 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. 

Parmi les membres de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), le Lillois Lambert Allaerd, et le Samarien Jean-Luc Verdière. À 30 ans, Lambert Allaerd avait directement accepté de participer à cette aventure démocratique, "soucieux de la question climatique" sans pour autant "être particulièrement investi ni engagé".

En juin 2020, il a même présenté les 149 mesures issues des 7 mois de travaux menés par la Convention au président de la République. 

Ce lundi 29 mars 2021 marque le début d’une troisième étape : le top départ des débats à l’Assemblée nationale autour du projet de loi « climat et résilience », un texte comprenant 65 articles qui reprend certaines des 149 propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC). Nous avons voulu interroger Lambert Allaerd pour recueillir son avis.

France 3 Hauts-de-France : Vous étiez présent lors de la manifestation pour une "vraie loi climat" dimanche 28 mars à Lille, et vous avez déclaré que "le projet n’est pas à la hauteur", pourquoi ?

Lambert Allaerd : "On a travaillé sur un ensemble de mesures qui pouvaient permettre d’atteindre nos objectifs de réduction de 30% des émissions de gaz à effet de serre, 149 au total. Dans ce projet de loi, ils en ont repris une petite poignée à l’identique, à peine 5 ou 6. Le reste des mesures a été vidé de sa substance. Ce n’est pas avec un projet de loi climat comme ça qu’on arrivera à atteindre nos objectifs.

Lors de notre dernière réunion, nous avons évalué le projet de loi climat et résilience, qui a reçu la note de 2,5 sur 10 par les citoyens de la convention pour le climat. On avait tellement d’attentes que c’était forcément décevant, mais là c’est vraiment insuffisant. C’est un manque de courage".

Quels exemples pouvez-vous nous donner ?

"Dans la majorité des cas, les mesures qui devraient s’appliquer aujourd’hui sont transformées en expérimentations. Je pense notamment aux mesures sur les plats végétariens à la cantine. (La Convention préconisait de « passer à un choix végétarien quotidien dans les self-services à partir de 2022 et inciter la restauration collective à menu unique à développer des menus végétariens ». Dans le projet de loi, le gouvernement propose « une expérimentation sur la base du volontariat à partir de septembre 2021 », ndlr)

Il y a aussi l’exemple de la suppression de certaines lignes aériennes intérieures, finalement revu à la baisse. (La Convention proposait d’interdire les vols internes lorsqu’une alternative ferroviaire existait en moins de 4 heures. Dans le projet de loi, le gouvernement reprend cette mesure en la limitant aux trajets réalisables en moins de deux heures et en excluant les correspondances avec des vols internationaux, ndlr)."

Une "vraie loi climat", c’est quoi selon vous ?

"Une vraie loi climat, c’est une loi ambitieuse et forte. Bien sûr qu’on ne s’attendait pas à une loi reprenant les 149 mesures telles quelles. Mais il faut prendre ses responsabilités. Il faut que les politiques soient courageux et mettent ces mesures en place. Ce qu’on a montré, c’est de dire que nous, Français tirés au sort, étions prêts à prendre des mesures fortes. Il nous reste moins de 10 ans avant 2030. Si on ne commence pas maintenant, c’est foutu. 

"Cette loi, c’est la seule opportunité du quinquennat d’avoir des vraies mesures fortes, alors il ne faut pas la louper".

Lambert Allaerd, lillois membre de la Convention Citoyenne pour le Climat

Cette loi, c’est la seule opportunité du quinquennat d’avoir des vraies mesures fortes, alors il ne faut pas la louper. J’attends que les députés soient à l’écoute des enjeux et fassent confiance dans notre travail. Qu’ils puissent montrer qu’un travail entre les citoyens et les élus est possible".

En juin, vous disiez que vous attendiez beaucoup des politiques et que vous aviez de l’espoir ? Rediriez vous la même chose aujourd’hui ?

"J’ai toujours de l’espoir, je suis de nature optimiste. Nos 149 mesures, même si elles n’apparaissent pas dans ce projet de loi, elles existent désormais et vont continuer à vivre. Quand on donne un possibilité de changement au peuple, on se rend compte qu’on est capable de comprendre et de s’investir, ce que démontre les manifestations d’hier.

À Lille, j’étais content hier de voir autant de personnes dans la rue. Il y avait une vraie diversité dans le cortège à Lille. Cela prouve que le travail de la Convention a permis de fédérer le peuple sur ces questions".

Jean-Luc Verdière quant à lui est un ancien officier Sapeur-Pompier, à la retraite. À 59 ans il s’est particulièrement investi dans cette mission, qu’il voit comme « un devoir de citoyen ». 

Pour Jean-Luc Verdière "l'objectif ne sera pas atteint"

France 3 Hauts-de-France : Qu’attendez-vous de ce débat à l’Assemblée ? 

Jean-Luc Verdière : "Je n’attends pas grand chose… C’est une loi qui a été établie par le gouvernement. Comme l’Assemblée Nationale soutient ce gouvernement je ne m’attend pas à grand chose. J’espère que nos députés d’opposition feront leur travail de législateur. Mais quand j’entends les commentaires des uns et des autres je ne suis pas trop confiant…"

Certains membres de l’opposition critiquent ce projet de loi. Il manquerait d’ambition. Qu’en pensez-vous ? 

"Notre rôle c’était d’établir des propositions. Fin février nous avons eu un webinaire avec plusieurs ministre dont la ministre de l’écologie, Barbara Pompili. Elle a reproché à nos propositions qu’elles ne permettraient pas d’atteindre l’objectif fixé de réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Alors ils en ont supprimé ! Allez comprendre… À partir du moment où ils sont allés bien en deçà de nos propositions, on va peut-être ralentir la chute… Mais il est évident que l’objectif ne sera pas atteint !" 

Comment vous expliquez que toutes vos mesures n’aient pas été conservées dans le projet de loi ? 

"Cette loi a été super filtrée… En janvier 2020, Emmanuel Macron nous avait annoncé que plus nos propositions seraient concrètes, plus elles auront de chance d’arriver en l’état aux législateurs. Il me semblait qu’on avait produit quelque chose de bien. Je pense que nous avons donné notre maximum ! Après il y a des choses que l’on ne maîtrise pas. Je pense que certaines des mesures que nous avons proposées pourraient faire du mal à l’économie, à certains lobbies, à certaines entreprises. Par exemple, on avait proposé de créer un crime d’écocide. C’est quelque chose qui aurait pu faire mal à des entreprises comme Total… Ça a été transformé en délit. Aussi il y a des enjeux dont nous n’avons pas connaissance. Ça reste le travail de 150 citoyens." 

Avez-vous le sentiment d’avoir travaillé pour rien ? 

"Quand on m’a proposé de faire partie de cette convention citoyenne pour le climat, j’étais fier. Quand le Premier ministre nous a lu la lettre de mission du président, je me suis dit que si ne serait-ce qu’une seule de nos propositionsétait retenue, on aurait déjà gagné. Que le gouvernement puisse écouter le peuple, je trouvais ça fantastique ! De toute façon on n’aura pas travaillé pour rien. Aujourd'hui la préservation de l’environnement c’est quelque chose dont on parle de plus en plus. Je ne sais pas si c’est dû à la Convention Citoyenne. Mais ça aura au moins permis de faire rentrer ces questions chez les gens. On aura mis le sujet sur la table. Je suis persuadé qu’on pourra parvenir à quelque chose qu’à partir du moment où on aura l’adhésion de tous. Il faudra que toute la population y adhère, à son niveau, avec ses propres moyens. Il faudra sûrement modifier notre façon de vivre et de consommer." 

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