"Pays de racistes dégénérés" : la journaliste Nassira El Moaddem cyberharcelée après sa prise de position sur internet

Depuis plusieurs jours, la journaliste d'Arrêt sur images et formatrice à l'école supérieure de journalisme (ESJ) de Lille, Nassira El Moaddem, est la cible d'une déferlante raciste. Explications.

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Depuis le 30 avril, la journaliste d'Arrêt sur images et militante Nassira El Moaddem, ancienne étudiante de l'école supérieure de journalisme (ESJ) de Lille, où elle a donné cours, et ancienne rédactrice-en-chef du Bondy Blog, subit une vague de cyberharcèlement sans précédent.

La journaliste est victime de propos haineux, racistes, insultants, appelant pour beaucoup au viol ou proférant des menaces de mort à son encontre.

En réaction à cet acharnement - la journaliste affiche des captures d'écran montrant que des messages haineux arrivent à intervalle régulier de 5 minutes - de nombreux collègues, confrères, consœurs et syndicats de journalistes (Mediapart, Basta, Libération, Le Canard enchaîné, Reflets, Vert, Numerama, StreetPress, Urbania, Ajar, AJL, SNJ-CGT...) ont pris la parole pour rééquilibrer les réactions et lui apporter leur soutien.

Un post publié sur X (anciennement Twitter)

Tout part d'une publication que Nassira El Moaddem a partagé sur X (ex-Twitter) le 30 avril. Réagissant à un article de RMC Sport, la journaliste écrit : "Pays de racistes dégénérés. Il n'y a pas d'autres mots. La honte". L'article en question concerne la décision de Vincent Nolorgues, président de la Ligue de football amateur, de durcir le port de collants et de casques dans les clubs de foot amateurs.

Des vêtements qui "ne sauraient être portés avec des signes ostensibles, visibles d’appartenance, tels qu’interdits par nos statuts" écrit le président dans un courrier daté du 27 février, que nos confrères et consœurs de RMC se sont procuré·es.

24 heures plus tard, la polémique gonflait déjà. Sous la publication de Nassira El Moaddem, des dizaines de commentaires lui incombent de rentrer "chez elle, la connotation raciste à peine sous-entendue. "Dehors, ingrate", "Bon vent l’islamiste…", "Mais retourne dans le pays que tu as fui et fais ce que tu veux là-bas", ordonnent certains commentaire à la native de Romorantin, petite ville du Loir-et-Cher à laquelle elle a consacré un livre.

D'un député RN à l'antenne de Cyril Hanouna

Mais ce qui a vraisemblablement mis le feu aux poudres demeure l'entretien de Julien Odoul, député RN de l'Yonne invité sur le plateau de Jean-Marc Morandini (CNews) le 1er mai. Une prise de parole qui, selon la journaliste, a initié cette "campagne de harcèlement".

Un passage de l'émission a en particulier été relayé et montre le député de l'Yonne qui déclare : "Elle est payée chaque année par l'argent des Français, c'est intolérable qu'elle traite notre pays, notre peuple, de raciste. Donc si elle n'est pas contente qu'elle se casse."

Le lendemain, l'élu se fend également d'un post sur X dans lequel il s'offusque "qu’une journaliste vomisse à ce point sur notre pays en se victimisant", faisant le parallèle entre Nassira El Moaddem et "le mode opératoire des islamistes du CCIF."

Julien Odoul appelle également la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, à suspendre la journaliste. En effet, Nassira a indiqué dans sa biographie X avoir dans le passé travaillé pour le service public, lors d'une émission sur France Inter.

La demande est relayée jusque dans les lignes du JDD, appartenant comme CNews au milliardaire Vincent Bolloré, et sur le plateau de TPMP animé par Cyril Hanouna, également au main de l'industriel. "Nassira El Moaddem doit-être elle suspendue de Radio France ?", demande l'animateur vedette, qui semble ignorer que la journaliste ne travaille pas pour le service public.

"Je n'ai jamais vécu aux crochets de la politique"

Dans un long fil de publications, Nassira El Moaddem réagit à son tour aux attaques qu'elle subit et répond aux invectives du député RN : "Je travaille depuis que j'ai 16 ans, mes parents m'ont enseigné l'importance du travail et de l'effort et je n'ai, moi, jamais vécu aux crochets de la politique."

La militante antiraciste fait ici référence à la comparution de Julien Odoul, qui sera jugé aux côtés de Marine Le Pen en septembre 2024 pour l'affaire des assistants parlementaires du FN.

Un dossier datant de 2012, dans lequel les deux membres du RN sont suspectés d'avoir détourné l'argent du Parlement européen pour rémunérer les salariés du parti, encore nommé FN à l'époque.

Les réactions de Radio France

Au milieu de ces réactions, la direction de Radio France a publié un communiqué, dans lequel la médiatrice de France Inter écrit : "Chers auditeurs, nous avons bien reçu vos messages et nous comprenons votre réaction", soulignant que Nassira El Moaddem a collaboré "ponctuellement" avec l'antenne pour deux séries d'été, en 2021 et 2022.

Réaction de la médiation de Radio France suite à la polémique et le cyberharcèlement raciste qui touche Nassira El Moaddem. © Capture d'écran de Nassira El Moaddem

Une réaction trop passive, aux yeux de la journaliste, qui estime que "donner raison à l'extrême droite c'est creuser la tombe de tous". Dans un nouveau post ce 2 mai, elle identifie la directrice de France Inter, Adèle Van Reeth, pour lui demander de réagir.

Ce que la directrice a finalement fait ce vendredi 3 mai, en lui apportant son soutien, qualifiant ces attaques racistes d'"inacceptables".

Sollicitée pour évoquer de possibles recours judiciaires, Nassira El Mohaddem n'a pas, pour l'heure, donné suite à notre message.

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