Depuis le mois de février, l'avenir du groupe scolaire musulman Averroès de Lille était remis en cause, le tribunal administratif ayant décidé de suspendre son contrat d'association. Malgré les recours déposés par l'établissement scolaire, la justice a de nouveau tranché contre la prolongation du contrat qui liait le lycée à l'État.
C'est une affaire qui durait depuis le mois de novembre, et dont le dénouement était attendu ce lundi 22 juillet. Le lycée Averroès de Lille, plus gros établissement musulman de France, perd son contrat d'association avec l'État.
"Il n'y a pas lieu de maintenir le contrat d'association liant le lycée Averroès à l'État jusqu'à ce que la décision de résiliation de ce contrat, prise par le préfet du nord soit examinée par les juges de fond" communique le tribunal administratif de Lille
Propre aux établissements privés, le contrat d'association "oblige l'établissement à accueillir les enfants sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyance. En contrepartie l'État rémunère les enseignants, et les collectivités publiques doivent financer le fonctionnement de l'établissement dans les mêmes proportions qu'elles financent les établissements d'enseignement public" détaille le ministère de l'éducation nationale.
"Un doute sérieux sur la régularité de la procédure suivie"
Dans sa décision, le tribunal administratif de Lille met en cause un "doute sérieux sur la régularité de la procédure suivie avant l'intervention de la décision de résilitation ainsi que sur le bien-fondé de certains des reproches adressés par le préfet au lycée Averroès."
Les manquements relevés par la justice depuis le début de la procédure, "quand bien même ils auraient donné lieu à des mesures de correction, faisaient toujours obstacle à la reprise provisoire du contrat d'association, eu égard à la nature de ces manquements" poursuit le tribunal.
L'établissement se serait notamment soustrait à deux reprises à un contrôle du CDI (Centre de documentation et d'information), et aurait aussi orienté les cours d'éthique musulmane avec des textes "contraires aux valeurs de la République"
Mais un autre manquement a fait pencher la balance pour de bon, que le tribunal administratif souligne par sa "gravité". Il s'agit de la "constitution irrégulière, par le directeur de l'établissement de l'époque, d'un fichier recensant certaines données personnelles des agents des services de l'éducation nationale intervenues lors d'une précédente inspection, notamment leur nom et leur photographie."
Le tribunal administratif de Lille a ainsi décidé de suspendre ce contrat d'association pour la rentrée 2024 dans la mesure où cela représente "une atteinte excessive à l'intérêt général".
Un contrat au coeur du débat depuis le mois de février
C'est à l'initiative de Georges-François Leclerc, ancien préfet du Nord, qu'une commission de concertation pour l'enseignement privé s'est tenue en novembre 2023. Au coeur des discussions, l'avenir du contrat qui lie Averroès à l'État.
Suite au travail mené à l'initiative de la préfecture du Nord, le tribunal administratif de Lille avait tranché en février : le lycée ne recevra plus de subventions publiques à la rentrée 2024. Une décision que l'établissement musulman a contesté auprès du Conseil d'État.
Au mois de mai, le groupe scolaire a finalement fait le choix de ne pas poursuivre son pourvoi devant le Conseil d'Etat mais de déposer un référé suspension devant le tribunal administratif de Lille. C'est une démarche qui vise à contester la décision d'une administration.
— Lycée Averroes (@LyceeAverroes) May 24, 2024
Mobilisation des parents d'élèves
La suspension de ce contrat d'association est synonyme de perte de subventions, et donc d'une très probable fermeture pour cet établissement qui compte près de 400 élèves. La communauté des parents d'élèves s'était mobilisée pour tenter de sauver le lycée.
Une manifestation du personnel devant l'établissement, mais aussi devant l'Assemblée nationale, ainsi qu'une cagnotte ont été organisées. A ce jour, ce sont près de 483 000 euros qui ont été récoltés. Une somme impressionnante, mais toujours pas suffisante. L'établissement espérait récolter 1 million d'euros pour se maintenir hors de l'eau.
La communauté des parents d'élèves a également prolongé ce soutien durant les audiences qui ont suivi le dépôt du référé suspension. Le 11 juillet, ils étaient près de 200 à avoir fait le déplacement.
Cette audience était l'occasion pour l'avocat de l'établissement Me Guez Guez de rappeler que l'établissement a corrigé le tir. "Il était important de rappeler que contrairement à ce qu'explique la préfecture du Nord il n'y a rien à reprocher à l'établissement Averroès. On nous avait parlé de refus d'inspection du CDI, aujourd'hui le CDI est accessible sur internet. (...) Sur le cours d'éthique religieuse, aujourd'hui il a été complètement refondé."
📷📷📷 URGENT 📷📷📷
— Lycée Averroes (@LyceeAverroes) March 20, 2024
Sans vous, le lycée Averroès risque de fermer. Son destin est entre vos mains, mobilisons nous !
Grâce à vous, avec vous, nous allons sauver Averroès !
La cagnotte est en ligne : https://t.co/MDS3lTyRlf
Faites un don et mobilisez autour de vous !
Merci !
► Lire aussi : Lycée Averroès : une audience au tribunal administratif pour tenter de rétablir le contrat entre l'État et l'établissement
Premier lycée musulman français sous contrat
La suspension du contrat d'association fait perdre au lycée son demi-million de subventions annuelles et la mise à disposition de professeurs titulaires. Les élèves devront également débourser près de 3000 € de frais d'inscription chaque année. Une somme que tous ne pourront pas se permettre.
Ouvert en 2003 avec le soutien de l'ex-Union des organisations islamiques de France (UOIF) devenu Musulmans de France, le lycée était devenu en 2008 le premier lycée musulman à passer sous contrat. Il se classe depuis, régulièrement parmi les meilleurs de la région Hauts-de-France.