A 39 ans, l'haltérophile de l'ASPTT Lille Métropole a remporté aux Jeux paralympiques de Tokyo la cinquième médaille olympique de sa carrière, la deuxième en bronze. A 12 ans, elle soulevait déjà 75 kilos.
Lorsque l'on interroge Souhad Ghazouani sur l'ensemble de sa carrière, l'athlète se perd dans les méandres des compétitions internationales et des médailles. "Argent, bronze, argent,...", affirme-t-elle d'abord quand il s'agit de reprendre l'ordre des métaux gagnés aux Jeux paralympiques depuis 2004 en haltérophilie (catégorie des moins de 73 kilos). Avant de se reprendre : "argent, bronze, or, argent et bronze", soit cinq médailles, une à chaque olympiade depuis Athènes.
Et la dernière en date a été gagnée dimanche 29 août en soulevant une barre de 132 kilos. N'est-elle pas déçue d'avoir "seulement" la médaille de bronze alors qu'elle possède un record à 150 kg et que les deux premières places se sont jouées à moins de 140 kg ? Cette formulation mathématique du sentiment aurait pu fonctionner si une autre inconnue n'était pas entrée dans l'équation : la blessure de la championne, "une hernie cervicale qui engendre une perte de force" et qui se réveille régulièrement depuis les Jeux de Londres, en 2012. "Avec ma blessure, je pensais ne pas décrocher du tout de médaille. Je ne suis donc pas déçue car je vois que même en étant blessée j'arrive à être sur le podium", explique la licenciée de l'ASPTT Lille Métropole. A 39 ans, elle se projette : "si tout va bien et que rien ne m'empêche d'y aller, j'irai à Paris 2024 pour la médaille d'or, si Dieu le veut."
Ce parcours aujourd'hui auréolé de cinq médailles olympiques, trois médailles aux championnats du monde et six aux championnats d'Europe a commencé à 6 ans lorsqu'un éducateur d'un centre spécialisé pour les personnes handicapées voit Souhad se bagarrer avec ses camarades. "Il m'a dit : « si tu veux te défouler je vais te montrer quelque chose » et il m'a emmenée dans une salle de musculation". A cet âge, la jeune fille est déjà capable de soulever plus de 30 kilos. A 12 ans, elle en lève 75.
Invitée à l'Elysée le 16 septembre
Souhad Ghazouani est née avec une malformation de la colonne vertébrale appelée spina bifida. Elle a grandi dans la banlieue de Valenciennes, à Beuvrages et sa famille vit maintenant à Anzin. L'athlète, elle, habite désormais à Lille. A la ville, elle n'exerce pas de métier, à son grand regret : "j'aurais bien aimé travailler avec les enfants en centre maternel par exemple". Mais elle circule en fauteuil roulant et n'a pas de diplômes ("je n'ai que le brevet des collèges") : "en France, beaucoup d'employeurs préfèrent payer des amendes plutôt que d'accepter les personnes en fauteuil".
Et les primes liées aux médailles, qui sont les mêmes que celles des valides, soit 15.000 euros pour une médaille de bronze, ne remplacent pas un salaire mensuel : "sur quatre ans, les primes représentent 200 à 300 euros par mois", calcule Medhi, son compagnon, qui l'entoure dans toutes les compétitions. Sans compter les frais associés à son matériel : "mon fauteuil coûte hyper cher à entretenir et certains accessoires ne sont pas remboursés par la sécurité sociale", explique-t-elle.
La sportive rentrera en France le 31 août avant d'être fêtée dans la foulée avec les autres athlètes médaillés sur la place du Trocadéro à Paris. Puis, invitée à l'Elysée le 16 septembre prochain, Souhad va rencontrer son quatrième chef de l'Etat, Emmanuel Macron. A l'époque de sa première médaille, et de sa première invitation, en 2004, Jacques Chirac était président de la République.