Le Président de la République a promulgué la nuit dernière la très impopulaire réforme des retraites, après la validation de l'essentiel du texte par le Conseil constitutionnel. Que reste-t-il comme levier de pression juridique pour les opposants à la réforme ? Eclairage avec le constitutionnaliste Jean Philippe Derosier
Promulguer une loi dans la nuit, "une provocation" pour les oppositions, est-ce inhabituel ?
Que la publication ait eu lieu cette nuit n'est pas une surprise puisque le Journal Officiel paraît la nuit. Ce qui est plus extraordinaire c'est que la promulgation ait eu lieu si rapidement après le rendu de la décision du Conseil constitutionnel.
Les opposants veulent continuer le combat politique. Qu'en est-il du combat juridique ? C'est terminé ?
Oui sur ce plan c'est terminé. Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision hier, cette décision s'impose à tous les pouvoirs publics, elle n'est pas susceptible du moindre recours. Maintenant que la loi a été promulguée, il n'est plus possible de revenir dessus.
Il reste le Référendum d'Initiative Partagée (RIP), le premier a été rejeté par le Conseil constitutionnel mais un deuxième avait été déposé, quelles sont ses chances d'aboutir ?
Le premier RIP a été rejeté car le Conseil constitutionnel a considéré qu'il ne s'agissait pas d'une réforme. Actuellement, la loi dit que la retraite est à 62 ans et cette proposition disait la même chose donc ce n'était pas une réforme. Anticipant cela, les parlementaires avaient déposé une deuxième initiative qui ajoutait un deuxième article prévoyant une modification du financement de la retraite. Dans ce cas, il se pourrait qu'il y ait bien une modification du droit, une réforme. On peut espérer que le Conseil constitutionnel change de jugement sur cette deuxième initiative. Réponse le 3 mai prochain.
Les images du Conseil constitutionnel barricadé, encerclé de forces de l'ordre en disent long sur le climat social actuel
C'est inédit. Pour s'en sortir, c'est maintenant l'affaire des politiques. Il faudrait davantage d'écoute, et notamment du législatif, qui n'a pas été forcément suffisamment entendu. Le parlement a été particulièrement contraint avec tous les leviers procéduraux et constitutionnels, c'était peut être là non pas une erreur juridique, le Conseil constitutionnel l'a dit, mais plutôt politique, davantage d'écoute ne ferait pas de mal pour apaiser la situation sociale du pays.
Pensez-vous que la constitution laisse assez de place pour traduire cette contestation populaire ?
On verra ce qu'il en est de cette deuxième initiative du deuxième RIP, qui, s'il est validé permettra de recueillir les soutiens citoyens à cette proposition, de manifester de façon officiel un comptage des personnes qui souhaitent qu'il y ait ce référendum et que cette réforme n'entre pas en vigueur. Si on devait atteindre ce seuil de 10%, [quand elle a été validée par le Conseil constitutionnel, la proposition de loi doit recueillir le soutien d'au moins un dixième des électeurs, soit environ 4,8 millions de personnes] c'est un chiffre très élevé mais pas impossible, on verra qu'il y aura un souffle démocratique qui appelle à une opposition à cette réforme.