Alors que le comité d’éthique juge possible une "aide active à mourir" strictement encadrée, Emmanuel Macron a annoncé la mise en place d’une convention citoyenne en octobre avant une future loi en 2023. Dans le Nord, nous avons rencontré Bernard Gammelin, tétraplégique de 69 ans. Il a décidé de traverser la frontière pour se faire euthanasier en Belgique.
Sur son fauteuil roulant électrique, Bernard Gammelin passe la grande majorité de son temps à attendre, seul, dans sa chambre d’Ehpad. Ce comptable de profession, né prématurément il y a 69 ans à Hazebrouck, est devenu tétraplégique en 2016 après une succession d’opérations ayant débouché sur un staphylocoque. " Ma vie ici, c’est pas une vie normale. La structure n’en peut rien mais elle n’est pas faite pour moi non plus. La moyenne d’âge est de 86 ans et moi j’en ai pas encore 70".
Admis en 2018 dans un établissement pour personnes âgées dépendantes faute de pouvoir continuer à vivre en autonomie, Bernard Gammelin n’a jamais vraiment réussi à s’acclimater.
Sur les murs de sa chambre, quelques photos : sa femme Thérèse, décédée en 2012 des suites d’un cancer, des membres de sa famille, un dessin. " Je suis là 24 heures sur 24, je sors seulement une journée par semaine grâce à mon ami Jerry. Heureusement que j’ai mon ordinateur pour m’occuper, c’est mon seul moyen d’évasion".
Il y a un an, pour la première fois, une pensée lui traverse l’esprit : l’euthanasie.
"Que chacun ait la liberté de choisir !"
"Ce mot euthanasie n’était jamais venu à ma tête avant, assure Bernard Gammelin. C’est en juin 2021 que j’ai commencé à y penser, à regarder des informations sur internet, des témoignages de familles". Il en parle à deux soignants avec qui il a tissé une relation de confiance et décide de faire appel à l’antenne nordiste de l’ADMD, l’association pour le droit de mourir dans la dignité. Chaque année dans le Nord, une centaine de personnes les contactent, sans pour autant aller jusqu’au bout de la démarche.
Le séxagénaire fait la connaissance de Monique Ladesou, déléguée départementale, et François Guillemot, médecin fraîchement retraité et bénévole à l’association. Il s’est engagé à l’ADMD pour deux raisons : " La première est personnelle. En tant que professionnel de santé, j’ai vu des fins de vies qui m’ont beaucoup peiné, des gens qui ont souffert en restant dans des situations extrêmement difficiles qui auraient pu être améliorées. La seconde est plus celle d’un citoyen (…) Que chacun ait la liberté de choisir ! Je ne suis pas pro-euthanasie, encore moins anti-euthanasie. Pour moi, c’est important d’avoir la liberté. Et l’euthanasie fait partie de cette palette qu’on a pour gérer sa fin de vie".
"Ne prenez pas ça pour quelque chose de négatif"
Son rôle ? Rencontrer les personnes qui souhaitent se lancer dans cette démarche et leur expliquer le fonctionnement de la loi en Belgique, où l’euthanasie encadrée est légale depuis 20 ans.
La première entrevue avec monsieur Gammelin a eu lieu en début d’année 2022 "Je l’ai ensuite accompagné à Courtrai où un neurologue l’a rencontré une première fois pour être cohérent avec la loi belge. Tout cela a créé beaucoup de confiance entre nous et dès le début, je lui ai indiqué que je serai toujours présent à ses côtés, jusqu’au bout s’il le souhaite"
Ne croyez pas que j’ai été influencé par telle ou telle personne.
Bernard Gammelin
Un soutien précieux pour Bernard Gammelin, qui tient toutefois à préciser que sa décision, mûrement réfléchie, lui appartient . "Attention, ne croyez pas que j’ai été influencé par telle ou telle personne, assure-t-il. J’en ai parlé à ma famille et aux gens qui sont proches de moi. Ils comprennent ma situation, ce n’est pas pour autant qu’ils sont d’accord avec moi mais ils ne me jugent pas, ne me condamnent pas".
Il n'attendra toutefois pas la possible nouvelle loi française. Bernard Gammelin souhaite mourir en juin 2023. Paisiblement. "Ne prenez pas ça pour quelque chose de négatif, de triste. Prenez ça pour une délivrance. Cet acte d’euthanasie, ce sera une délivrance, une libération pour moi".