Un groupuscule d’extrême droite menace des musulmans en marge du ramadan à Lille

Des messages haineux et des appels au meurtre. Des centaines de captures d'écran de conversations du groupe FR DETER sur Telegram ont été publiées sur les réseaux sociaux, dont certaines de la branche nordiste. Sont notamment visés la communauté musulmane et des personnalités politiques. Les services du préfet du Nord sont mobilisés.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Ce sont des messages qui font froid dans le dos. Dimanche 2 avril 2023, le compte Twitter Tajmaât Service, se présentant comme une "plateforme collaborative pour les Maghrébins", a publié plusieurs dizaines de messages interceptés dans des boucles de conversation Telegram.

Toutes émanent du groupuscule dénommé FR DETER (pour Français déterminés), un groupe nationaliste souhaitant réunir les identitaires de toute la France à l’échelle locale. Dans ces conversations, les insultes "contre les noirs et les arabes" sont monnaie courante.

Au milieu du flot d'insultes, certains proposent d’organiser des actions coups de poing comme des ratonnades.

Dans la boucle nordiste qui compte plus de 200 membres circule entre autre une photo d’Hitler ou une affiche faisant référence à une soirée organisée au bar identitaire lillois La Citadelle. Un membre propose d’organiser une action le 13 avril 2023 dans le quartier de Wazemmes à Lille.

"Qui est disponible à Lille contre la rupture du jeûne du ramadan ?"

C’est un message qui laisse peu de place au doute. L’un des membres nordiste de la boucle Telegram a partagé un article intitulé Un apéro et un concert de rap pour la rupture du jeûne du Ramadan organisés dans une église à Lille. La capture d’écran est accompagnée d’un message sans équivoque : "bon, je parle sérieux, qui serait chaud à monter sur Lille ?"

Dans la foulée, un sondage est envoyé aux 222 membres de la boucle Telegram. "Qui est disponible le 13 avril (19 heures) à Lille contre la rupture du jeûne du ramadan ?", demande ABR. Au moins vingt personnes répondent positivement à la proposition. Bien que la raison de ce rassemblement n’est pas explicitée, l’objectif affiché est d’utiliser la violence envers les personnes présentes à l’occasion de cet événement. En l’occurrence, des Maghrébins.

La suite des messages laisse pantois.  

  • "50 (personnes à mobiliser), ça risque (d’être) compliqué mais j’espère on réussira", écrit Napalm.
  • "Oui, répond l’initiateur du sondage. Car on peut pas se permettre d’aller à 20 là-bas, c’est Wazemmes. C’est du suicide".
  • "Ouais clairement, répond dans la minute Napalm. Même 50 faut qu’on soit solide, ils sont dans leurs cités les mecs".

"Thomas, 23 ans, Valenciennes"

Qui se cache derrière ces pseudos ? Difficile de connaître l’identité des membres du groupe, car les directives des administrateurs envoyées aux nouvelles personnes intégrant les boucles sont claires : il ne faut pas donner de prénom ni de nom pour cause de confidentialité, il faut "rester vague dans vos réponses vous décrivant" et il faut expliquer ses motivations à rejoindre FR DETER.

Un exemple de profil : Thomas, 23 ans, originaire de Valenciennes. À la question sur ses motivations, le jeune homme explique vouloir "défendre les valeurs de (son) pays et exploser la gueule de ceux qui ne respectent pas cela", ciblant tout particulièrement les "bougnoules et bamboula". Autre exemple sur la boucle réservée aux habitants du Pas-de-Calais.

Un jeune homme de 25 ans, qui dit s’appeler Fox et habiter Lens, est là pour "(s’)informer sur les actions importantes de la région et y contribuer si le potentiel de victime maghrébine est élevé". Un peu plus loin dans la conversation, l’internaute derrière le pseudo Jarvis cible "un mec de chez LFI (…) un fils de pute". Lui dit être "chaud de le choper".

Une liste de personnalités ciblées

Dans le flot de messages haineux, une liste baptisée "les chambres à gaz" contenant l’identité d’une centaine de personnalités, initialement diffusée il y a plusieurs années, a été amendée et partagée. L’objectif affiché : "s’occuper des collaborateurs" identifiés et "donner des idées à certains".  

Dans celle-ci, des journalistes, des hommes et des femmes politiques dont des élus LFI, des avocats, des médecins, des militants. Parmi eux, la Villeneuvoise Hélène Hardy, membre du bureau exécutif d’EELV. Jointe par téléphone, elle nous confirme que cette liste "a été publiée par FdeSouche fin 2019 ou début 2020". Elle dénonce des faits "condamnables et répréhensibles" et explique avoir échangé avec d’autres personnalités présentes sur la liste.

"C’est des groupuscules d’extrême droite qui s’ennuient et font des listes en pensant qu’ils vont rétablir le 3ème Reich", avance l’intéressée, qui se réserve le droit de porter plainte. Avant de conclure : "c’est quand même préoccupant que ça refasse surface maintenant".

Les services de la préfecture mobilisés

Suite à la publication des nombreux messages sur Twitter par le compte Tajmaât Service, le site internet FR DETER a été désactivé et l’ensemble des sous-groupes départementaux ont été supprimés "au vu de la situation critique à laquelle on est", a écrit l’un des administrateurs.

Nous avons sollicité les services de la mairie de Lille concernant l’action prévue par certains membres de la boucle Telegram le 13 avril 2023 dans le quartier de Wazemmes. "Vu la nature et croisant des événements culturels qui se passent sur le quartier de Wazemmes ce jour-là, nous avons immédiatement transmis les captures d’écran auprès de la préfecture pour qu’ils puissent prendre en compte ces éléments", nous précise-t-on.

Le préfet du Nord est informé des menaces d'actions véhiculées sur la messagerie Telegram. Cette situation a été prise en compte et les services concernés sont mobilisés.

Service presse de la préfecture du Nord

"Le préfet du Nord est informé des menaces d’actions véhiculées sur la messagerie Telegram", nous indiquent les services de la préfecture, ajoutant que "cette situation a été prise en compte et (que) les services concernés sont mobilisés". Contacté, le parquet de Lille n’a pour l’heure pas répondu à nos questions.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information