Al Jazeera a réalisé un documentaire sur "Génération identitaire" et le bar "La Citadelle" à Lille. Il y est question de propos racistes, de menace d'attentat, de violence assumée contre des personnes issues de l'immigration, de liens troubles avec le Rassemblement national...
"Génération haine" : c'est le nom du reportage diffusé depuis ce dimanche et dans les semaines qui viennent sur Al Jazeera, chaîne qatarie. Un reportage en grande partie tourné à Lille et en caméra cachée par "Louis", un journaliste qui a réussi à se faire accepter dans ce lieu très fermé. Notamment au bar "La Citadelle", lieu identitaire fréquenté par de nombreux membres du groupe politique "Génération identitaire". Racisme et violence sont omniprésents tout au long des 52 minutes de ce reportage, dont une 2ème partie sera diffusée prochainement...
Éloge de la violence
Dans le documentaire d'Al Jazeera, on peut clairement voir des militants de "Génération identitaire" commettre et se vanter d’actes violents contre des "weshs" appelés également "sales bougnoules" ou carrément, frapper une jeune femme un soir d’hiver, dans une rue de Lille.
" Heil Hitler Gros ! Troisième Reich ! ", s’exclame un individu appelé "Le Roux" accoudé à un comptoir d’un bar de la rue Massena. En sortant de l’établissement, ces hommes vêtus de noir ont une altercation avec une jeune Maghrébine : " Dégage bougnoule va ! ". Puis l’aspergent de gaz lacrymogène.
L’un d’entre eux, paré de gants renforcés, frappe à coups de poing la jeune femme sur le crâne, devant tout le monde, et notamment un agent de sécurité qui n’intervient pas. L’auteur de l’agression, présenté dans le documentaire comme un proche d’Aurélien Verhassel, le patron du bar privé La Citadelle, se vante de ses actes : "Je lui ai mis une de ces droites ! Rien à foutre… meuf ou pas meuf, c’est des reubeus…. Une grosse choumette dans sa gueule. Elle a dû bien le sentir ".
Cet homme, Rémi Falize, expliquera une semaine plus tard, dans l'arrière-boutique de "La Citadelle" qu’avec ses comparses, ils avaient eux-même provoqué les violences : " J’ai mis des droites à des meufs… C’est des reubeus, je m’en bats les c… ! "
Projet d'attentat
Ce même individu est également filmé en caméra cachée en train d'affirmer qu'il se verrait bien commettre un attentat. Il se dit capable de "faire un carnage" en utilisant une voiture bélier contre une mosquée ou le marché de Wazemmes, en laissant sa carte d'identité sur les lieux, "comme le font les djihadistes", dit-il.
"Le jour où je sais que j’ai une maladie incurable, mec… je m’achète une arme et je fais un carnage. Je me dis quitte à mourir de ma maladie, autant me faire fusiller par les flics (…) Une mosquée n’importe quoi… Même voiture bélier, je prends n’importe quoi »
Il ciblerait notamment le marché de Wazemmes : "Maman tu ne vas pas au marché de Wazemmes, c’est moi qui y vais. Je vais là-bas, je te fais un carnage. Charlie Hebdo à côté, c’est de la pisse de chien ! Marché de Wazemmes, c’est là où il y a tous les « gnoules » de Lille qui y vont. Tu y vas un dimanche en voiture, mais tu fais un bordel ! Je laisserai ma carte d’identité sur la banquette, comme ils font les djihadistes (…) À fond de cinquième ! (Rires aux éclats). Pour le peu que je ne meure pas pendant le carnage… hop, j’en fais un autre, j’te jure ! "
Des liens mal cachés avec le Front National / Rassemblement national
Officiellement, Marine Le Pen a toujours dit vouloir prendre ses distances avec "Génération identitaire". Mais le reportage affirme vouloir montrer que "l’extrême droite française a des liens secrets avec des extrémistes violents ".
On entend effectivement que le président d'"Organisation Citadelle", chef du mouvement Génération identitaire dans le Nord, Aurélien Verhassel, affirmer qu’il écrit des discours pour le Front National. En tant que "communicant politique".
Le documentaire met en lumière notamment les liens resserrés entre Pierre Larti, leader parisien de Génération identitaire, et le parti de Marine Le Pen. "Mon employeur maintenant, c’est le Front. Ils savent ce que je suis. Le deal c’est : je ne me mets pas en en avant avec les identitaires, et je travaille pour le Front, voilà. Je suis chef de cabinet ", affirme Pierre Larti, filmé à son insu. En l’occurrence, chef de cabinet de Philippe Eymery, président du groupe Rassemblement National au conseil régional des Hauts-de-France.
Les deux hommes sont filmés ensemble dans l’hémicycle du conseil régional. Avec un autre collaborateur, sympathisant de la mouvance. Ce dernier, filmé dans le bar La Citadelle, explique qu’Aurélien Verhassel recrute des identitaires pour le compte du Rassemblement National.
Que répondent La Citadelle et Genération identitaire à ce reportage ?
Selon Al-Jazeera, l’avocat de Aurélien Verhassel, a répondu à la chaîne que la Citadelle ne représentait "pas Génération identitaire et (ne pouvait) à ce titre accueillir des personnes « de diverses sensibilités aux parcours variés ».
Contacté par téléphone et par mail, Aurélien Verhassel a répondu d'abord sur la forme du reportage : "Au regard du procédé utilisé par l’infiltré, je m’interroge quant au sérieux de sa démarche et sa bonne foi. J’ai écrit à Al Jazeera pour prendre connaissance de l’intégralité des « rushes et apporter des réponses circonstanciées ; ces derniers n’ayant pas donné suite, cette fin de non-recevoir démontre le peu d’objectivité du reportage. Le reportage multiplie les amalgames et les raccourcis en évoquant des propos imputés à divers pseudonymes qui n’ont jamais mis les pieds à La Citadelle, mais que de plus, je n’ai jamais rencontrés. De plus, aucune demande de reportage n’a été réalisée, aucune possibilité de réponse dans des conditions acceptables n’était possible, le reportage étant réalisé uniquement à charge, d’ailleurs, les multiples montages me portent à m’interroger sur la présence d’autres comparses de l’infiltré, utiles à la réalisation et au contenu des captations."
Sur les violences ou les propos racistes de certaines personnes, Aurélien Verhassel se désolidarise : "Aucun membre de Génération Identitaire n’est impliqué dans ce reportage, hormis ma personne et Cyril Wayenburg, quant aux autres ce sont des personnes de passage à La Citadelle – qui n’ont donc ni légitimité, ni un quelconque rôle - comme chaque lieu public en accueille des centaines chaque semaine. La Citadelle accueille des personnes de diverses sensibilités, aux parcours variés. À ce jour, La Citadelle compte plus de 1.000 adhérents, de milieux socio-professionnels divers allant de l’étudiant à la personne sans emploi, de l’ouvrier au chef d’entreprise, etc.
La Citadelle étant un lieu convivial privé, les discussions strictement privées qui peuvent s’y dérouler relèvent de la stricte responsabilité de leurs auteurs, au même titre que celles qui peuvent se dérouler dans d’autres lieux privés, sans que les maîtres de maison soient responsables des propos tenus par leurs invités. Bien évidemment, en ma qualité de président de La Citadelle, je suis connu par les adhérents mais ne suis pas responsable de ceux qui, par souci de valorisation, prétendent être des proches ou allèguent d’échauffourées qui, au mieux, sont imaginaires, au pire, que je condamne avec la plus grande vigueur."
Plus particulièrement, à propos de la bagarre filmée rue Massena, précédée de saluts nazis, il précise : "Ce monsieur, appelé « le roux » n’est contrairement à ce qu’indique l’intitulé de votre question, pas « membre » (ni de GI, de La Citadelle) et pour cause, je ne connais pas et n’ai jamais rencontré cette personne dont je condamne bien entendu les propos avec la plus grande vigueur. Il n’a, à plus forte raison, jamais mis les pieds à La Citadelle. Je m’étonne par ailleurs que la question me soit posée, les faits ne se passent pas à La Citadelle et je ne comprends pas bien le rapport car cette scène a visiblement été tournée dans le quartier Massena à L’imprévu !
Il affirme également qu'"une procédure d’exclusion a d’ores et déjà été lancé concernant un membre, Rémi Falize et un refus d’adhésion concernant un autre en la personne de Charles Tessier."
Génération identitaire se désolidarise d'Aurélien Verhassel
"Génération identitaire" (GI) nous a contactés afin de se désolidariser d'Aurélien Verhassel et de son organisation "La Citadelle", qui est "une structure indépendante, sans lien juridique, organique ni politique avec Génération Identitaire", selon un communiqué publié le 9 décembre par le mouvement d'extrême droite, suite à la diffusion de l'enquête d'Al-Jazeera.
"Des liens ont été faits dans les médias, et des confusions de la part de sympathisants locaux, mais nous n’avons pas d’antenne dans le nord de la France", explique Anaïs Lignier, porte-parole et secrétaire de GI. Cette dernière précise que le président de "La Citadelle" "a fait partie de nos rangs et ce n’est plus le cas. il n’appartient pas au mouvement national qu’est Génération Identitaire et nous n'avons aujourd'hui plus de lien avec lui".
Au sujet des individus tenant des "propos et actes violents répréhensibles" filmés dans le documentaire, "ils sont peut-être sympathisants mais ni militants, ni adhérents à Génération Identitaire, et on condamne d’ailleurs complètement" ces faits, ajoute A. Lignier.
NB : le 27 novembre dernier, une dizaine de jours avant la diffusion de "Generation Hate", l'Organisation Citadelle publiait sur sa page facebook un statut expliquant qu'elle n'était pas "l'émanation de Génération Identitaire et (qu') elle n'a aucun lien organique avec cette structure".
Organisation Citadelle
Située en plein centre de Lille, LA CITADELLE est ouverte depuis janvier 2015. Véritable lieu de vie, cet espace enraciné, entièrement autofinancé et autogéré par ses adhérents, se veut le lieu de...
Génération identitaire, la Citadelle : c'est quoi ?
Génération identitaire est un mouvement politique classé à l'extrême-droite de l'échiquier politique français. Il se fait connaître régulièrement par des actions coup de poing : ses membres ont occupé le chantier d'une mosquée à Poitiers, en 2012, mené des opérations "anti-racailles" dans les transports en commun, ou encore "anti-immigration" à la frontière franco-italienne dans les Alpes.Le bar "La Citadelle", situé 8 rue des arts, près de la Grand place de Lille, est un lieu controversé depuis son ouverture en 2016. C'est un bar associatif qui se définit comme une "Maison de l'identité". Les membres de Génération identitaire" affirment s'y retrouver régulièrement. C'est un cercle privé "La citadelle" qui se dit ouvert uniquement aux patriotes et plus spécialement aux Français. "C’est dans le sens où l’entendait le général de Gaulle, c’est à dire de race blanche et de culture gréco-latine. Etre blanc c’est la base", disait au moment de son ouverture Aurélien Verhassel. Le lieu revendique aussi son goût pour la violence : "Soyons clairs, nous habitons à Lille. Aujourd'hui, mieux vaut faire de la boxe que du tennis, c'est clair. "
Aurélien Verhassel, leader de Génération Identitaire Nord a été condamné en septembre dernier par le tribunal de Lille pour violences (cinq mois de prison ferme). Il a fait appel de cette condamnation.