De plus en plus de marques proposent des collections unisexes. Pourtant, dans les magasins pour enfants, on trouve encore souvent des articles très genrés, avec du bleu pour les garçons et du rose pour les filles. Alors faut-il dégenrer la mode pour plus de mixité et d'égalité ?
Ce n'est pas qu'une impression, il suffit de faire du shopping pour s’en rendre compte. Les vêtements estampillés pour filles sont remplis de clichés "girly", souvent plus courts et moins pratiques que ceux destinés aux petits garçons. Une scission entre rayons garçons et filles qui prédomine toujours en 2024 et que remettent en question les parents féministes.
Ils se battent pour déconstruire les clichés vestimentaires. Dans les Hauts-de-France, Laurence Deguine a créé sa propre marque "3 P’tits Chats Création". Elle a imaginé des sarouels avec des motifs dinosaure et licorne pour les filles comme pour les garçons. Un vrai combat qui lui a même valu du cyberharcèlement. Une maman américaine, Sharon Choksi a eu l’idée de créer sa propre marque "Girls will be", permettant aux filles de s’habiller comme bon leur semble.
Les enfants encore influencés par cette mode genrée
Faut-il voir les conséquences directes de cette mode genrée dans les choix des enfants ? Lorsqu’une institutrice d’une école maternelle amiénoise, rencontrée en reportage, demande aux élèves de se costumer pour le carnaval, elle constate que 90% des filles se sont déguisées en princesse et 90% des garçons en super-héros. La maman de la seule petite fille déguisée en super-héroïne s'étonne : "Je suis persuadée que s'il y avait plus de costumes de super-héroïnes dans les rayons, il y aurait plus de variété dans le choix des enfants. N'est-il pas plus enrichissant et porteur d'estime de soi de combattre les méchants comme le font les garçons ?"
Le rose n'est pas réservé qu'aux filles
Des costumes de princesses, du rose en abondance, des shorts plus courts et plus serrés pour les filles, des bikinis... Les petites-filles sont glamourisées malgré elles, voire hypersexualisées dès la maternelle comme s’il était plus important pour une fille de séduire que d'être à l'aise pour jouer.
Justine Henrion, sexologue, alerte sur l'importance de parler avec son enfant de ces stéréotypes de genre. "Il est important de contextualiser pour qu'ils fassent leur propre choix. Le rose montrait la puissance virile depuis l'Antiquité et puis un jour, le marketing s'en est mêlé. Un fabricant de vélos s'est rendu compte en créant des vélos roses et des vélos bleus, les familles achetaient plus de vélos. On en est encore là aujourd'hui."
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Les organisateurs des Jeux olympiques n’ont pas saisi l’occasion de la mixité dans les articles promotionnels, alors que c’est la première fois que la parité était de mise dans l’histoire des JO. Pour les garçons, on pouvait trouver des tee-shirts avec la mascotte sur un skate-board, pour les filles, une mascotte avec une posture glamourisée.
Peut-on effacer les différences de genre ?
Cette "glamourisation" de leurs tenues peut avoir un impact sur la construction de l'identité des petites filles, comme de s'enfermer dans un rôle prédéfini à l’âge adulte. C'est en tout cas ce que pense Marine Jaouen, ancienne cheffe de produits dans le prêt-à-porter et maman de deux filles : "Chez les filles, on va mettre en avant l'esthétisme, la beauté. On reproduit l'image de la princesse qui doit trouver son preux chevalier, dont le rôle est de la défendre. On est loin de l'image de la femme forte qui saura se défendre toute seule et indépendante."
Quant aux bikinis et shorts courts pour les filles l'été, Justine Hention, sexologue amiénoise, comprend que cela soit compliqué pour les parents : "C'est l'été, on hésite entre laisser sa fille mettre un maillot de bain deux pièces rose, style 'petite sirène', et ne pas trop l’exposer sur la plage aux regards qui peuvent être déviants. C'est toujours une question de mesure."
À ce sujet, Soline Bourdevere-Veyssiere, autrice du livre Filles, garçons, pour une éducation non genrée et sans clichés aux éditions Hatier Parents, nous incite à remettre en question nos habitudes et nos réflexes éducatifs pour permettre à nos enfants de s'éveiller et de découvrir le monde, libérés des freins et des clichés sociaux.
"Quand on s'engage dans cette voie de lutte contre les stéréotypes, gardons en tête que l'on peut agir à différentes échelles. En tant que consommateur, en se tournant vers les produits unisexes, et en encourageant l'entourage à les offrir également. Toujours du côté du point de vue de l'enfant, et dans le but de l'éveiller à tout cela, il peut être intéressant de lui demander son avis, de faire du shopping avec lui, d'échanger sur cette question. Les intérêts sont multiples ; ça aide l'enfant à prendre confiance en lui et s'assumer, ça permet de ne pas entretenir les stéréotypes liés au genre, et c'est l'occasion d'un doux moment de complicité."
La lutte contre le sexisme s'organise
Aux femmes, aux mères, mais aussi aux pères peut-être de montrer l’exemple aux petites filles. Par exemple, l’équipe française de beach-volley aux JO a voulu lutter contre le sexisme en portant des shorts au lieu des traditionnels bikinis pour jouer... C’est autorisé depuis les JO de 2012 à Londres et pourtant peu de joueuses choisissent le short !
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