Les juges avaient pourtant accepté en janvier de libérer sous conditions Dominique Cottrez, à deux ans de la fin de sa peine... avant de revenir en arrière.
Nous l'avions annoncé début janvier, comme de nombreux médias. Le 8 janvier, la demande de liberté conditionnelle de Dominique Cottrez, condamnée en 2015 à neuf ans de prison pour avoir tué huit de ses bébés, était acceptéeDeux mois ont passé et la Nordiste dont le crime à Villers-au-Tertre avait déchaîné les passions, est toujours en prison. Pourquoi ? Parce que cette libération a été annulée sur la base.... d'un déménagement, ou plutôt l'intention d'un déménagement, nous explique Ondine Millot.
Journaliste à Libération, son livre, Les monstres n'existent pas est paru chez Stock début mars et tente de comprendre comment une aide-soignante appréciée pour sa gentillesse et son attention a pu commettre huit infanticides.
Pourquoi cette annulation ?
Lorsque les juges d'application de peine annoncent le 8 janvier 2018 à Dominique Cottrez qu'elle pourra être libéré dès le 22 janvier sous certaines conditions (du travail à l'obligation de soins en passant par le reversement d'une partie de son salaire), ils lui annoncent également qu'elle devra vivre dans son ancien studio, où la condamnée a effectué une partie de sa détention, avant sa condamnation.
Le problème, c'est que Dominique Cottrez envisageait avec son mari de s'installer dans une maison voisine à celle de sa fille. Une maison qui se trouve à une quinzaine de kilomètres de Villers-au-Tertre. Pour les juges, alors que l'intention n'a été suivie d'aucun déménagement effectif, l'une des conditions a été rompue et la libération conditionnelle a été annulée.
Techniquement, elle avait coché toutes les bonnes cases
Pourtant, Dominique Cottrez est une détenue exemplaire. "Concrètement, elle était libérable depuis deux ans" grâce aux mesures de peine. Elle avait indemnisé les associations comme le réclamait sa peine, et le directeur de la prison de Bapaume où il ne lui reste que deux ans à purger y était favorable. "Techniquement, elle avait coché toutes les bonnes cases."
Il y a quelque chose dans son crime qui ne passe pas.
Mais à cause de la nature insupportable de son crime - assassiner huit de ses enfants à leur naissance - Dominique Cottrez n'est pas une détenue comme les autres, et Ondine Millot soupçonne les juges d'avoir laissé l'émotion obscurcir leur décision. "Il y a quelque chose dans son crime qui ne passe pas."
Une lente procédure
En témoignent certains détails, comme celui d'exiger d'elle qu'elle trouve un travail à sa sortie de prison. Ou bien l'extrême lenteur de la procédure.
Car Dominique Cottrez a formulé sa demande de libération conditionnelle en juin 2016 et la justice doit lui accorder une audience dans les six mois qui suivent. "Or, elle, ils l'ont fait attendre dix-sept mois". Soit novembre 2017. Une façon de retarder toute libération ? "Ce sont dix-sept mois pendant lesquels elle aurait pu faire appel, formuler jusqu'à trois nouvelles demandes !"
Dominique Cottrez et ses avocats, dont le Nordiste Frank Berton, ont fait appel de cette décision. Sa peine est censée se terminer en février 2020. "Elle va sûrement sortir vers la fin de sa peine, ce qui est assez rare pour des détenus exemplaires."
Le rappel des faits
L'affaire Cottrez a démarré le 24 juillet 2010 avec la découverte des cadavres de deux nouveau-nés dans des sacs plastique, dans un bassin d'un jardin par les acquéreurs de la maison.Une maison qui appartenait au père de Dominique Cottrez. Cette dernière reconnaît trois jours plus tard être la mère des deux enfants et indique la présence de six autres corps dans le garage de son domicile, près de là.
Aux juges, elle expliquera avoir été victime d'inceste et avoir craint que ces enfants, nés en 1989 et 2000, en soient le fruit. De la névrose au déni de grossesse, ses troubles psychiques sont au coeur du procès. Un profil que s'efforce de comprendre Ondine Millot dans Les monstres n'existent pas.