Il est vice-champion du monde de dégustation de café 2019, pourtant rien ne prédestinait le barista de Lille, Dajo Aertssen, au métier de torréfacteur. C'est un voyage en Australie qui a éveillé au café ce professeur d'éducation physique et sportive de formation. Histoire d'une aventure corsée, nom de code : Muda.
C'est en 2011, diplôme d'EPS en poche, que Dajo Aertssen quitte Gand en Belgique et s'envole pour l'Australie. Dans l'attente d'un poste dans l'enseignement, il trouve un emploi dans un coffee shop, en tant que plongeur. Un nouvel univers s'ouvre à lui, celui du café.
Il se remémore : "J'avais l'habitude de boire un café avec deux sucres et un jour le barista (spécialiste en préparation du café) me fait un véritable cappuccino. L'absence de sucre a éveillé mon palais." Il décèle des notes gustatives inconnues jusqu’alors. "Cela m'a intrigué, explique-t-il, j'ai voulu en découvrir un peu plus." Le barista l'initie à cet art puis, au bout d'un an, Dajo Aertssen rentre en France.
Il se partage entre un poste d'enseignant en Belgique et barista à Lille, chez Coffee Makers, ou petit à petit l'équipe se forme de façon autonome à l'art de la torréfaction et du café de spécialité.
Le premier producteur que j'ai rencontré au Brésil ne savait pas que son café avait voyagé à l'autre bout de la planète.
Dajo AertssenFondateur du Café Muda
En 2016, il saisit l'opportunité d'un séjour au Brésil. Sa compagne et lui identifient où ils poseront leurs valises pour quelques mois, ce sera à Vitória, dans l'État de l'Espírito Santo.
Il prépare avec gourmandise son voyage : "Avant de partir au Brésil, j'ai cherché sur internet des cafés de la région où j'allais me rendre. Celui que j'ai trouvé venait de Londres, je l'ai aimé et j'ai emporté le paquet vide dans mon sac à dos."
"Arrivés au Brésil, nous avons mis des annonces en ligne afin de trouver un logement, en précisant que mon désir était de rencontrer des producteurs de café. Nous avons reçu des dizaines de réponses."
L'une d'elles a retenu leur attention. Son interlocutrice insistait pour que Dajo rencontre son cousin André. Ce quarantenaire venait d'hériter d'une petite ferme de café mais avait peu de connaissances dans ce domaine. Ils se rendent donc à Espírito Santo, dans une petite plantation, où le producteur Deneval Miranda Vieira se présente à Dajo. "Ce nom me dit quelque chose...", s'enthousiasme-t-il. Il sort alors de son sac le paquet londonien... qui porte le même nom !
"Ils étaient tellement émus, décrit-il. Deneval ignorait que son café avait voyagé à l'autre bout de la planète ! Et c'était la première fois qu'il rencontrait un étranger." À l'évocation de ce souvenir le regard bleu azur de Dajo se met à briller : "Pour ces personnes très croyantes, c'était un signe !" Un alignement de planètes. Ils apprendront ensemble pendant neuf mois.
Le producteur se doutait que son café avait du potentiel, mais il ne savait pas le goûter et aucune expérience pour le torréfier.
Dajo AertssenFondateur du Café Muda
La majorité des cafés achetés aux producteurs le sont au prix boursier. "C'est très flou, il n'y a pas de traçabilité et cet argent n'arrive jamais au producteur." , dénonce-t-il. Du Brésil au Guatemala en passant par le Rwanda, "les producteurs, géographiquement isolés, n'ont aucune idée de ce que devient leur café une fois sorti du pays, ces fermiers ne voient jamais de torréfacteur.", regrette-t-il.
De retour en Europe, le torréfacteur au cœur d'or renforce son expertise en remportant, à deux reprises, le championnat de France de dégustation de café à l'aveugle. Il sera aussi vice-champion du monde en 2019. Ces prix lui donnent plus de visibilité et lui ouvrent des portes. "Ce que j'adore, témoigne-t-il, c'est de réaliser ce que j'avais en tête : valoriser un produit et créer la relation avec son producteur."
En mars 2021, ce passionné s'engage dans le "specialty coffee" où café de spécialité, mouvement mondial qui valorise les cafés de qualité, traçables du grain à la tasse.
Dans la foulée, il crée sa marque et son atelier de café, à Lille. Muda sera son nom. En portugais, il signifie "jeune pousse de caféier". "J'ai opté pour un circuit court et écoresponsable, en limitant les intermédiaires. J'achète la matière première deux à huit fois supérieures plus chères que le cours boursier.", détaille-t-il. Ces précieux grains sont ensuite torréfiés dans son atelier de Tourcoing.
C'est en touchant la matière, sur place, que l'on comprend ce qu'est le café.
Dajo AertssenFondateur du Café Muda
Dajo a gardé des liens avec Deneval. "Avec sa femme Rosa, ils sont presque devenus des membres de ma famille. Ils commencent à s'en sortir, après ces sept dernières années. Ils sont moins dépendants d'acheteurs et ils ont repris le contrôle, leurs revenus sont plus stables. C'est la troisième récolte que j'achète chez eux."
Seconde boisson la plus consommée au monde, le café commence à être valorisé par les Français. À l’instar du vin, pour davantage de goût en tasse, ces derniers préfèrent acheter des arabicas de meilleure qualité, fraîchement torréfiés.
Des torréfacteurs, quelle que soit la région, la France n'en manque pas, alors Dajo Aertssen encourage : "Poussez les portes, allez tester !"
Les conseils de notre expert pour un bon café :
- Lors de l'achat de votre café en grains, la date de torréfaction doit être notée, les grains seront à consommer dans un délai de deux mois
- Si le café est en grains, le sachet peut être gardé bien fermé dans un placard
- Si le café est moulu, une conservation au congélateur préservera ses arômes
- Le choix du moulin à café est bien plus important que celui de la cafetière
- Choisissez en-un à meule et oubliez celui à lames
- Préparez votre boisson avec de l'eau filtrée
- Lavez régulièrement votre matériel à l’eau chaude et au savon (pour éviter le goût de vieux café)
- Pour les machines électriques, utilisez un détartrant adapté, oubliez le vinaigre !