Le rapport Etat de la pauvreté 2022 du Secours Catholique vient d'être publié. Au niveau national, l'association pointe du doigt une précarisation de la population française à cause de la crise financière, sanitaire ou encore de l'inflation. Dans les Hauts-de-France, le constat est similaire.
Le Secours Catholique a publié son rapport "Etat de la pauvreté en France 2022". Comme chaque année, "à partir de son enquête statistique annuelle et de ses milliers d'informations collectées", il propose "une image de l'état de la pauvreté en France, à travers le prisme des personnes qu'il accueille".
En tout, plus d'un million ont rencontré le Secours Catholique en 2021, dont 85 000 seulement dans les Hauts-de-France, soit presque 1 français sur 10. Parmi elles, 55 000 vivent sous le seuil de pauvreté.
Ce rapport tombe d'ailleurs au même moment qu'une étude menée par CSA Research pour les furets.com sur les dépenses contraintes. Celle-ci démontre que les Français dépensent 36 euros de plus sur leurs "dépenses contraintes" par rapport à 2021, soit 1095 euros. Dans les Hauts-de-France, les charges, même si elles sont moins lourdes - elles s'élèvent à 1058 euros par mois - ont également augmenté.
Retour sur les points clés du rapport du Secours Catholique au niveau des Hauts-de-France.
71% des personnes accueillies par le Secours Catholique sont isolées
Dans la région, "on se rend compte que la population rencontrée possède à peu près le même profil que le rapport national", explique Samuel Prieur, délégué diocésain pour le Secours Catholique Nord Lille. En effet, l'antenne régionale a envoyé "5000 fiches de situations réelles remontées par les équipes locales" sur les 46 000 au niveau national.
Premier point démographique essentiel : la composition des ménages. 71% d'entre eux sont des personnes isolées (hommes, femmes, pères et mères célibataires). Les mères seules représentent près d'un tiers de l'addition, soit 27%, contre un 25,2% au niveau national. Les hommes seuls, de leur côté, représentent un quart, soit 21% des ménages, c'est un peu moins qu'au niveau national, où la part monte à 22,4%.
80% des personnes accueillies par les antennes départementales du Secours Catholique des Hauts-de-France ont entre 25 et 60 ans. Chaque année, la fourchette s'élargit un peu plus. "C'est une fourchette un peu large, concède Samuel Prieur. Cela veut dire qu'on rencontre chaque année des personnes qui font face aux effets de la crise et aux effets d'une petite retraite". Mais les personnes plus âgées restent toutefois minoritaires par rapport aux personnes en âge de travailler qui, de leur côté, représentent 80%.
Particulièrement exposés à l’inflation, les ménages les plus modestes ont des budgets tellement contraints que la moindre hausse des dépenses d’alimentation ou d’énergie les fait basculer dans le rouge. Or les aides ne sont pas à la hauteur. Les minima sociaux ont été revalorisés de 4 % en juillet 2022, en deçà de l’inflation.
Secours CatholiqueRapport "Etat de la pauvreté 2022"
56% de personnes en situation d'inactivité dans la région, +12 points par rapport à 2019
Le Secours Catholique indique qu'il accueille "majoritairement" des personnes en situation d'inactivité. "Au total, ça représente 56%, c'est une forte augmentation puisqu'on prend plus de 12 points par rapport à 2019", souligne Samuel Prieur.
La part des personnes sans ressources financières a elle aussi augmenté. "Elle est passée entre 2019 et 2021 de 15 à 23%. On accueille de plus en plus de personnes sans ressources, c'est un peu plus que la moyenne nationale". Cette part est d'ailleurs différente de celle des personnes en situation d'inactivité "car on peut être sans activité mais percevoir des revenus", comme le chômage, des indemnités journalières ou le RSA, par exemple.
La part de ménages en situation d'impayés a aussi augmenté. Elle est de 55% en 2021 alors qu'elle atteint 48% au niveau national. Parmi eux, "48% des gens qui sont en impayé viennent pour des problématiques d'énergie : gaz, eau et électricité liés à des cumuls de facture ou à des logements insalubres".
Le Secours Catholique a calculé le montant des impayés dans le parc privé et social. "Chez les bailleurs sociaux, le montant des impayés est de 449 euros et dans le parc privé, elle s'élève à 529 euros", note Samuel Prieur.
Les ménages ayant des impayés sont en moyenne plus insérés socialement, avec des revenus issus de transferts ou d’une activité qui ne suffisent néanmoins pas à couvrir l’ensemble de leurs dépenses, et avec un logement relativement stable.
Secours CatholiqueRapport "Etat de la pauvreté 2022"
Plus de personnes viennent du parc privé
Aussi, à l'échelle régionale, on constate "une petite baisse" des gens vivant en logement social : "45% en 2021 contre 49% en 2019". En somme, il y a "plus de personnes" qui viennent du parc privé que du parc social. Car ces derniers sont moins nombreux et "insuffisants pour les gens en situation de précarité" qui sont obligés d'aller dans le privé. "La maîtrise des loyers y est moins importante, on peut aussi tomber sur des marchands de sommeils, des gens qui vont profiter de la situation des plus précaires", ajoute Samuel Prieur.
Le rapport explique aussi que cette hausse peut être due à "une évolution des profils et caractéristiques des personnes accueillies au Secours Catholique pendant la crise, avec l'arrivée d'une part plus importante de ménages vivant en logement stable, ayant subi l'impact de la crise" du Covid-19.
Samuel Prieur note qu'il y a "une augmentation de personnes qui vivent chez des amis, de la famille, passant de 7% en 2019 à 11% en 2021". En cause, les effets de la crise du logement, "les gens sont obligés de développer de la débrouille dans ce type de situations", déplore le délégué.
Deux ans après l’émergence de la crise, la moitié des ménages étudiés disposent d’un reste pour vivre de moins de 5 € par jour et par personne (ou 7,5 € par jour et par unité de consommation), soit une diminution de 0,5 à 1 € selon les ménages par rapport au niveau d’avant crise.
Secours CatholiqueRapport "Etat de la pauvreté 2022"
Les personnes étrangères parmi les plus fragilisées
Au niveau national, le Secours Catholique note une précarisation des étrangers. "50% des personnes rencontrées par le Secours Catholique en 2021 sont étrangères alors qu'elles ne représentent que 7,7% de la population générale".
Dans la région, le nombre s'élève à 38%, davantage "dans les zones urbaines que dans les zones rurales". Parmi elles, 40% sont déboutées ou sans papier, contre "32% au niveau national". C'est 8 points de plus dans les Hauts-de-France. "Il y a une vraie problématique là-dessus", insiste Samuel Prieur.
Plusieurs raisons l'expliquent : "la non-prise en charge des personnes étrangères dans leurs droits, les difficultés liées à l'asile et au système de régularisation". Pour Samuel Prieur et le Secours Catholique, aujourd'hui, "on précarise davantage les personnes étrangères".
Une prise de conscience est désormais nécessaire : élargir les voies de régularisation des personnes étrangères présentes sur le territoire devient un enjeu d’intérêt général.
Secours CatholiqueRapport "Etat de la pauvreté 2022"
Il s'agit de la catégorie de personnes qui souffre le plus de mal logement. "Quand on est sans papiers et sans ressource, on n'a pas de droits donc on doit trouver des moyens X ou Y pour se loger dans un réseau plus ou moins recommandable".
Samuel Prieur regrette cette situation. "On a des gens qui vivent depuis longtemps en France, qui sont compétents et qui pourraient apporter beaucoup au pays par leur travail mais elles se retrouvent dans des situation de galère". Pour lui, ces personnes "essaient de s'insérer et ne souhaitent pas passer en Angleterre, mais malheureusement quand on ne leur trouve pas de voie légale, elles passent par des situations illégales". Un "drame" pour une France "qui n'est plus si accueillante".
"Nous sommes dans une ère d'incertitudes multiples"
Dans son rapport, le Secours Catholique détaille les nombreuses raisons qui expliquent cette précarisation de la population française. La crise financière, la crise sanitaire, la guerre aux frontières de l'Europe, l'inflation ou encore les événement climatiques extrêmes sont à prendre en compte. Il précise que "nous sommes dans une ère d'incertitudes multiples, non sans conséquences sur le quotidien de chacun, sur le sens que chacun donne à sa vie, sur nos capacités à nous projeter vers l'avenir".
Nous ne sommes pas non plus "tous égaux" pour faire face à toutes ces situations instables. "Pour celles et ceux qui n'ont aucun coussin d'amortissement, le choc peut être extrêmement douloureux". C'est notamment le cas des "personnes aux conditions de vie les plus précaires, qui ont été le plus durement affectées" aussi bien sur le plan sanitaire que social et économique, à cause de "la crise née du Covid-19".
Tous ces constats sont lourds "d'inquiétudes" alors que "le choc de l'inflation n'a pas encore produit tous ses effets". En somme, "les personnes qui étaient en précarité le sont encore plus et celles qui étaient au bord de la précarité sont devenues précaires", conclut Samuel Prieur.
Le Secours Catholique précise qu'il "n'a pas pour projet de contribuer à gérer la pauvreté, il vise à ce que les personnes en sortent". Ses recommandations se développent autour de trois points : rassembler, protéger et anticiper. Elles sont disponibles avec tous les autres chiffres détaillés dans le rapport de 2022.