“Prendre le temps de se soigner correctement et pouvoir continuer” : au sein de la maison Sésame, des migrants trouvent un repos temporaire

La maison Sésame accueille une quinzaine d’exilés simultanément. Dans ce lieu d’accueil familial, des personnes en situation de migration peuvent se reposer, se soigner et profiter d’une ambiance apaisée le temps de quelques semaines, avant de reprendre la route.

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Une halte sur la route de l'exil pour se reposer physiquement, psychiquement, moralement : voici ce que propose depuis cinq ans la maison Sésame à Herzeele. Dans les Flandres, ce lieu de répit pour les personnes migrantes leur permet de reprendre des forces après un naufrage ou une maladie.

Sur le mur de briques blanches, un grand panneau souhaite la bienvenue aux voyageurs : “Welcome !”, lit-on en lettres orange et bleu. Une halte, pour quelques jours ou quelques semaines. La porte est ouverte à tous. Ici, on se sent comme à la maison, avec des lits, une cuisine, un jardin arboré et de grandes tablées pour partager des repas et des moments de convivialité.

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Un lieu de repos et de soin

Sylvie Desjonquères, la fondatrice, a derrière elle vingt ans d’engagement à Emmaüs et dans les camps de migrants. Il y a cinq ans, lorsque sa mère a dû quitter la maison familiale, elle a convaincu ses frères et sœurs de la laisser en faire un lieu d’accueil et de réparation.

“La maison Sésame c’est le résultat de nombreuses années de militantisme, de fatigue, de colère”, explique la sexagénaire. “[Cette maison] reconstruit tout le monde. De tous leurs voyages longs et difficiles. Enfin se poser, dormir sereinement, je pense que ça a un prix complètement fou.”

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Derrière les murs de la maison Sésame, on entend souvent des rires, on essuie aussi des larmes. “Ça apaise aussi les militants parce qu’on ne peut pas vivre avec ces jungles au bout de nos jardins”, précise Sylvie. “Je vois toutes ces maisons vides, ces villages qui se meurent. Il y a vraiment la possibilité de faire autrement. Cette migration doit nous faire écho comme une richesse. Et si on accueille bien, ça se passe bien, tout le temps.

Ça permet aussi qu’il puisse prendre le temps de se soigner correctement et de  pouvoir continuer son voyage plus sereinement.

Anne-Sophie Picotin

bénévole à la maison Sésame

Dans la salle à manger, Ali est attablé avec Anne-Sophie et Dana. Il est venu trouver du repos dans la maison Sésame. Ce jeune Kurde est un survivant. Huit jours plus tôt, le zodiac sur lequel il avait embarqué s’est plié en deux au milieu du détroit. Ils étaient plus de 60 à bord.

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Anne-Sophie discute avec lui, l’interroge sur son parcours : “Tu as fait combien de tentatives pour essayer d’aller en Angleterre ? – Quatre fois.” Habitante d’Herzeele, elle est aussi infirmière à l’hôpital de Dunkerque. Elle lui propose notamment de faire une prise de sang de contrôle.

Faire une pause à la maison Sésame, “ça permet aussi qu’il puisse prendre le temps de se soigner correctement et de pouvoir continuer son voyage plus sereinement”, explique la bénévole. “Clairement, ce n’est qu’un temps, ça ne peut pas durer, mais on les aide avec les moyens qu’on a.

Une quinzaine de pensionnaires à la fois

Dehors, l’heure du départ a sonné pour Aïcha. La jeune femme vient de passer deux mois à la maison Sésame avec son fils Mamadou. “Au moment où je suis arrivée ici j’étais très fatiguée, trop stressée” raconte la jeune femme. Mais quand je suis arrivée et que j’ai rencontré de belles personnes, que j’ai réussi à me reposer… Et voir mon fils jouer avec d’autres familles, ça m’a reposée aussi.

Aïcha espère obtenir l’asile en France. D’autres habitants l'accompagnent au bout de l’allée et lui disent au revoir. Conduite par Sylvie, elle embarque dans la voiture, avec sa valise et la poussette de Mamadou. Elle part retrouver dans l’Ouest la communauté Emmaüs qui l'héberge depuis un an. Avant elle, deux familles ont quitté les lieux ce matin-là, pour retenter une traversée de la Manche.

Quand ils viennent ici, c’est comme leur maison. Toutes les familles ici sont comme une grande famille.

Dana Babaie

coordinateur de la maison Sésame, réfugié kurde d'Iran

La maison Sésame peut accueillir quinze personnes à la fois. Dans la cuisine, trois pensionnaires s’affairent à couper des légumes pour le déjeuner. Tout le monde participe à faire vivre la maison.

Noir, blanc, religieux, pas religieux : ici, on partage”, affirme Dana Babaie, coordinateur de la maison. “Quand ils viennent ici, c’est comme leur maison. Toutes les familles ici sont comme une grande famille.

Dana, réfugié kurde d'Iran, a lui-même connu les camps de migrants et les rêves d’Angleterre. Il a obtenu l’asile en France en 2023. La maison Sésame l’a aidé dans son parcours… Alors il est heureux de contribuer à la faire vivre.

Un cadre familial et reposant

Hélénas et ses parents, Ziba et Sharam, sont également les survivants d’un naufrage. Ils sont là depuis un mois. “Nous avons quitté l’Iran pour l’Allemagne il y a trois ans. Mais là-bas, notre demande d’asile a été rejetée… Alors nous sommes venus ici”, raconte le père. “Nous avons déjà tenté cinq fois la traversée. Une fois, le moteur était en panne, nous avons été ramenés à terre par la police.

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Du haut de ses huit ans, Hélénas s’est déjà retrouvée sur la mer, en pleine nuit, dans un bateau à la dérive. Une autre fois, son père avait de l’eau jusqu’à la poitrine quand il a décidé de renoncer devant l’embarcation surchargée. Ici, Hélénas peut retrouver un peu d’insouciance.

Dans la cuisine, cette après-midi, elle prépare des crêpes avec Véronique. Celle-ci en profite pour lui apprendre quelques mots de français : “ça, c’est du lait.” Elle habite le village voisin et vient chaque semaine faire de la pâtisserie avec les personnes accueillies.

Je me dis que quand elle fait ça, elle pense à autre chose. Elle fait une activité d’enfant, comme tous les enfants font.

Véronique Verhaegue

bénévole à la maison Sésame

Quand je viens faire les gâteaux, les crêpes, on passe du temps ensemble. Et comme ça, on rencontre vraiment les gens”, sourit-elle. On se lave les mains, on ajoute les ingrédients et on mélange la pâte à crêpe.

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Ce qu’on entend à la télévision, par rapport aux gens qui sont sur le chemin… Quand on les rencontre pour de vrai, ce n’est pas du tout la même chose”, explique Véronique. “On se rend compte que ça pourrait être nos enfants, ça pourrait être nous, dans des conditions différentes.”

En mettant la main à la pâte, Véronique se sent utile : “Ce n’est pas grand-chose mais je me dis que quand elle fait ça, elle pense à autre chose. Elle fait une activité d’enfant, comme tous les enfants font.” Ce jour-là, la petite Hélénas aura ainsi trouvé un peu de répit : un goûter, de la pâte à tartiner, des jeux. La barrière de la langue n’en est pas une : dans cette grande maison ouverte sur le monde, les uns et les autres trouvent toujours un moyen de se comprendre. La langue du cœur est universelle.

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