À 48 heures du vote des deux motions de censure déposées séparément par le Rassemblement national et LIOT, l'idée fait son chemin chez les députés de l'opposition de la région. Et il semblerait bien que les cartes soient dans les mains des Républicains.
Depuis le recours au 49-3 par la Première ministre Elisabeth Borne pour faire passer en force la réforme des retraites, de nombreuses voix se sont élevées dans les rues et les rangs de l'Assemblée nationale.
Les groupes parlementaires Rassemblement National et LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) ont déposé chacun de leur côté une motion de censure. Elles seront votées ce lundi. Leur objectif désormais est de rallier le plus de parlementaires pour obtenir la majorité nécessaire afin de faire tomber le gouvernement.
"On considère que la bataille n'est pas finie", affirme Sébastien Chenu
Face à la réforme des retraites et au report de l'âge légal à 64 ans, "on est combatifs", lance Sébastien Chenu, député Rassemblement National de la 19ème circonscription du Nord. "On considère que la bataille n'est pas finie", souligne-t-il.
Pour lui et son parti, "on a dit que la bataille se jouerait au parlement, elle se joue dans les manifs, dans les médias et on voit bien que le parlement a un rôle décisif". Il reproche néanmoins aux députés de la NUPES d'avoir déposé "des dizaines de milliers d'amendements" pour bloquer la réforme. "Ils changeaient une virgule, un pourcentage... On n'a pas pu aller jusqu'au vote final, contrairement au Sénat".
On a loupé des occasions incroyables de rejeter la réforme des retraites.
Sébastien Chenu, député Rassemblement National
Le recours au 49-3 est à ses yeux "anti-démocratique sur un texte aussi fondamental" car cette réforme connait une "hostilité" de la part des Français et d'une majorité de parlementaires. "On ne peut pas bousculer à ce point les Français en empêchant qu’il y ait un vote et une manœuvre car ils n'ont pas de majorité à l’Assemblée nationale", déplore-t-il.
C'est pourquoi la motion de censure fait sens à ses yeux. "On a souhaité déposer la motion de censure pour montrer qu'il fallait utiliser la batterie d'instruments à notre disposition". Toutefois, il manque aujourd'hui "une dizaine de voix et elles se trouvent chez Les Républicains."
Le rôle central des Républicains
Ce sont en effet les députés de la droite traditionnelle qui feront pencher la balance d'un côté où de l'autre. D'après le calcul de franceinfo, il manquerait 20 à 30 voix pour qu'au moins l'une des motions soit votée.
Le président du Rassemblement National, Jordan Bardella, a d'ailleurs promis qu'en cas de dissolution de l'Assemblée nationale, il ne présenterait pas de candidat de son parti face à un candidat LR. "Vous vous dites députés de l'opposition, vous n'êtes pas d'accord avec la réforme, alors votez la motion de censure", insiste Sébastien Chenu qui ajoute : "ça entrainera la chute de la réforme, du gouvernement Borne, vous avez cette possibilité qui n'arrivera pas deux fois : assumez vos responsabilités, on assume les nôtres".
Cette stratégie suffira-t-elle à convaincre les députés LR encore indécis ? D'après Maxime Minot, "l'effet de communication de Jordan Bardella ne va pas faire pencher l'un vers l'autre, on ne prend pas nos décisions en fonction des dirigeants des autres familles politiques." Le député de l'Oise fait néanmoins partie des députés républicains qui envisagent de voter pour les motions de censure.
Maxime Minot tenté de voter pour
Il l'avait affirmé dès l'annonce de l'usage du 49.3 par Élisabeth Borne qu'il qualifiait de "scandale" et de "déni de démocratie terrible". Invité dans le 12/13 de France 3 Picardie ce samedi 18 mars, moins de 48 heures avant le vote, il confirme : "J'ai imprimé les motions de censure qui ont été déposées par le Rassemblement national et par le groupe LIOT, je les étudie de fond en comble et je prendrai ma décision d'ici quelques heures. (...)"
Ce discours n'est toutefois pas majoritaire au sein de son groupe parlementaire. Éric Ciotti, président du parti Les Républicains, a annoncé que "l'immense majorité" de son camp ne s'associerait pas à une motion "comprenant des personnes de l'extrême-gauche, les amis de Monsieur Mélenchon".
"Lors de la réunion de groupe extraordinaire qu'on a eu juste après ce fameux 49.3, il a été décidé que nous ne procèderions pas à la signature d'une motion, mais que nous étions libres dans notre vote et que nous pouvions apporter notre soutien par un vote favorable à une ou deux motions", nuance Maxime Minot.
La gauche envisage d'autres recours en cas d'échec
La Nupes est elle aussi bien consciente du rôle clé de la droite dans ce vote. "La balle est dans le camp des Républicains, estime François Ruffin. Il faut qu'ils entrent en cohérence avec leur refus de voter la réforme des retraites aujourd'hui." Le député insoumis estime que cette motion doit être votée "avec toutes les bonnes volontés rassemblées pour ouvrir une autre page de notre histoire, une histoire qui soit moins dans la division et davantage dans l'union."
Mais même parmi les signataires des motions, l'espoir de les voir aboutir est fragile. Jean-Louis Bricout, ex-PS qui appartient désormais au groupe LIOT, à l'origine d'une des motions, l'admet : "Quand on fait les calculs, on voit que ça reste compliqué, même s'il y a une volonté transpartisane dans cette motion".
"Ça vaut le coup d'être tenté, et quoi qu'il arrive le combat continuera. On a encore des recours, il y a le Conseil constitutionnel et on a le référendum d'initiative partagée (RIP), qui aurait le mérite de geler la réforme pendant quelques mois, et qui serait une façon de redonner la parole au peuple de façon un peu plus douce."
Jean-Louis Bricout, député (LIOT) de l'Aisne
Même son de cloche plus à gauche de l'hémicycle : la présidente du groupe insoumis Mathilde Panot et le président communiste Fabien Roussel espèrent également bloquer le projet de réforme par le biais d'un RIP. Cependant, pour qu'il soit mis en place, il faudrait que 185 parlementaires déposent la proposition et que près de 5 millions de citoyens signent la pétition.