Rentrée scolaire dans le Nord : syndicats et épidémiologistes vent debout contre le protocole Blanquer

Les grandes lignes du protocole de rentrée scolaire annoncées dimanche par le ministre de l’éducation n’ont convaincu ni le corps médical ni les syndicats d’enseignants et de parents d’élèves dans le Nord, qui critiquent l’intégralité des consignes.

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C’est l’épidémiologiste Philippe Amouyel qui a lancé les hostilités. Sur Télématin lundi, le professeur lillois s’est étonné du protocole choisi, à 10 jours de la rentrée, par le ministre de l’éducation. Ses directives : masque obligatoire à l’intérieur dès le primaire, limitation du brassage et aération renforcée. Des mesures jugées incohérentes et insuffisantes pour l’universitaire.

"Le taux d’incidence est aujourd’hui cinq fois supérieur en population générale à celui de la rentrée 2020. Et c’est le même protocole qui est mis en place cette année ?" s’interroge Philippe Amouyel. 

Réparti sur 4 niveaux, le protocole sanitaire avait été présenté en juillet dernier. Caractérisé par des consignes de plus en plus strictes en fonction de la situation sanitaire. "Sauf que les critères pour passer d’un niveau à l’autre n’ont pas été définis", souligne l’épidémiologiste : "à quel taux d’incidence rentre-t-on dans le niveau 2 ? Dans le niveau 3 ? Mystère... Difficile, en outre, de s’imaginer qu’il puisse s’appliquer à la France entière tant la situation est différente d’une région à l’autre."

"C'est le fait du prince. Il n'y a aucune référence scientifique pour passer d'un niveau à l'autre."

Un avis que partagent pleinement les syndicats d’enseignants et de parents d’élèves que nous avons contactés.

"C’est le fait du prince", explique Catherine Piecuch pour la FSU (Enseignants). "Il n’y a aucune référence scientifique pour passer d’un niveau à l’autre. Et les taux d’incidence chez les jeunes sont quatre à cinq fois plus élevés que chez les adultes."

"On instaure le même protocole pour des régions aux taux d’incidence qui n’ont rien à voir," renchérit Jean-Yves Guéant, représentant syndical de La FCPE Nord (Parents d’élèves). "Le taux d’incidence est actuellement de 140 dans les Hauts-de-France mais de 543 en Provence-Alpes-Côte d’Azur. »

"En février dernier, les établissements scolaires de Dunkerque ont été traités différemment du reste de la France à cause de l’incidence qui explosait", rappelle Alain Talleu, enseignant dans le primaire et secrétaire du SNUIPP-FSU

"L’aération c’est essentiel quand on sait que la plupart des contaminations se font par aérosolisation."

Deuxième point d’achoppement : l’aération, recommandée par le ministre mais dont la gestion et l’achat de matériel sont laissés à la charge des collectivités locales. 

"Le ministre aurait dû beaucoup plus insister sur l’aération et les détecteurs de CO2," critique Philippe Amouyel. Une étude, qui doit encore être réexaminée, montre qu’une aération bien contrôlée et le port du masque divisent par 30 la contamination. Par 30. L’aération c’est essentiel quand on sait que la plupart des contaminations se font par aérosolisation. Quand on arrivera en hiver, quand est-ce que vous ouvrirez les fenêtres ? Lorsque vous mettez un détecteur de CO2, dès qu’il va dépasser le seuil des 200, on sait qu’il faut ouvrir la fenêtre. C’est très utile."

Les représentants des parents d’élèves et des enseignants réclament depuis un an ces fameux détecteurs. "On a encore baissé les dotations des collectivités locales," rappelle Jean-Yves Guéant, "et on leur demande d’installer des détecteurs de CO2, sans les imposer : c’est du n’importe quoi !"

"Nous n’avons que deux robinets à disposition pour 60 élèves."

"Dans d’autres pays, comme en Allemagne ou en Autriche, c’est l’Etat qui finance ses appareils," déclare Alain Talleu. "Pourquoi ne le fait-on pas en France ?" 

Et de pointer depuis un an l’absence de financement pour améliorer les infrastructures sanitaires dans les établissements. "Entre ma classe et celle de mon collègue, nous n’avons que deux robinets à disposition pour 60 élèves. C’est impossible de leur faire laver les mains correctement plusieurs fois par jour. Quant à la présence de gel hydroalcoolique c’est la mairie ou le chef d’établissement qui décide de les financer. L’aération pose problème : j’ai toujours dans ma salle 4 fenêtres en oscillant/battant, une bonne aération n’est donc pas possible. J’ai eu 9 cas de Covid l’année dernière, liés selon moi, à tous ces problèmes."

Autre insuffisance : le nombre de tests prévus. "600 000 tests par semaine, c’est largement insuffisant," dénonce Philippe Amouyel. De la maternelle à la terminale, un peu plus de 12 millions d’élèves vont faire leur rentrée jeudi 2 septembre. "En Allemagne, tous les élèves de primaire sont testés deux fois par semaine."

"Quand les tests ne seront plus gratuits à la mi octobre, comment saura-t-on si les élèves sont contaminés ou pas ?"

Enseignants et parents d’élèves craignent un afflux d’élèves malades en septembre. Mais c’est le mois d’octobre qui les inquiète encore plus. Catherine Piecuch : "Quand les tests ne seront plus gratuits à la mi octobre, comment saura-t-on si les élèves sont contaminés ou pas ? Si les tests deviennent payants, les familles ne les feront sans doute pas, sauf si leur enfant est vraiment symptomatique. Il faut les comprendre : le test, c’est un budget."

La contagiosité du variant delta change la donne. "Moi j’ai toujours été pour l’ouverture des écoles," déclare l’épidémiologiste lillois. "Avec la souche originelle, la situation sanitaire était meilleure dans les écoles qu’à l’extérieur. Sauf que le delta a changé les règles. C’est dans les écoles que le virus va le plus circuler." Selon les projections de l’institut Pasteur, la moitié des cas de contamination par le variant Delta seront le fait d’élèves. "Les mesures barrières sont encore plus nécessaires aujourd’hui dans les écoles. D’autant que pour la vaccination des enfants, il faut attendre que les études soit bouclées à la fin de l’année. Les parents doivent donc être vaccinés pour protéger leurs enfants."

Une contagiosité qui effraient aussi professeurs et parents d’élèves. Les effectifs supplémentaires accordés lors de la troisième vague, des surveillants en plus dans le secondaire et des instituteurs remplaçants dans le primaire n’ont pas été renouvelés pour cette rentrée.  

Le ministre de l’éducation reçoit demain mercredi les syndicats d’enseignants et de parents d’élèves. Jean-Michel Blanquer aura fort à faire.

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