Arnaud Desplechin, le réalisateur qui a "appris le cinéma en allant au théâtre"

Le Roubaisien confie pourtant avoir longtemps déprécié le théâtre, trop "bourgeois"...

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Dans sa jeunesse, Arnaud Desplechin rejetait le théâtre comme un art pour bourgeois et intellectuels. Aujourd'hui, le réalisateur français se dit "stupéfait" de se retrouver metteur en scène pour la deuxième fois.

Monter une pièce culte américaine, "Angels of America" de Tony Kushner, dans le temple du théâtre français, la Comédie-Française: c'est le défi qu'affrontera le réalisateur à partir du 18 janvier (si la grève à la "maison de Molière" le permet).

"Ce qui me plaît, c'est de reconnaître que Kushner qui a fait partie du théâtre 'fringe' (expérimental) est aujourd'hui devenu un classique", affirme Arnaud Desplechin dans un entretien avec l'AFP. "C'est mon Shakespeare à moi".

 

"Je n'ai pas toujours aimé le théâtre"


À 59 ans, il est avec Christophe Honoré l'un des deux réalisateurs phares qui prennent cette année le chemin des planches.

"Non, je n'ai pas toujours aimé le théâtre", affirme le cinéaste qui a fait sa première incursion théâtrale très saluée en 2015 avec "Père" de Strindberg, toujours à la Comédie-Française.

"J'en ai eu très peur, je n'aimais que les films, le théâtre me semblait trop sérieux, trop bourgeois, trop cultivé".

Puis un jour, il a eu un "éblouissement": le "Hamlet" de Patrice Chéreau (Avignon 1988), un des premiers d'ailleurs à jongler autant entre scène et grand écran. Suivirent des pièces d'autres géants comme Peter Brook.
 

 

Au cinéma, "je suis le roi"


"J'ai appris le cinéma en allant au théâtre (...) c'est là où j'apprenais à diriger des acteurs", explique le réalisateur, se disant stupéfait par ce "détour du théâtre" aujourd'hui "au coeur" de sa vie.

Loin de l'image du réalisateur tout-puissant sur les plateaux, il se présente comme un "invité" à la Comédie-Française.

"Sur un film, je suis le roi. Ce qui est magnifique au Français, c'est que le metteur en scène n'est pas le roi, ce sont les acteurs et les actrices. J'apprends d'eux", assure le réalisateur de "Roubaix, une lumière".

"Angels in America" (1991), qui raconte les années sida et l'homosexualité sous les années Reagan, est un texte qui a fasciné le réalisateur par son écriture et sa construction cinématographiques.

"Les scènes sont très brèves, il y a une compétition entre théâtre et cinéma", explique le César du meilleur réalisateur en 2016 pour "Trois souvenirs de ma jeunesse".

Une compétition qui a déstabilisé au départ les comédiens du Français, plus versés dans les classiques grand format. "Quand on commence une scène de Hugo, vous avez une dizaine de vers avant de vous lancer dans le sentiment, là ce n'est pas possible, il faut être dans le sentiment immédiatement."

 

"Eloge des singularités"


La pièce qui fait normalement six heures a été réduite à moins de trois heures - une condition à la Comédie-Française - avec beaucoup de coupes dans les monologues et les références à l'histoire américaine.

Bien que pétrie de références ayant une résonance avec l'actualité, Desplechin confie avoir donné plus "d'attention aux rapports amoureux qu'à la chose politique", même si l'élection de Trump l'avait motivé.

"Trump dont j'avais appris que Roy Cohn (célèbre avocat mccarthiste et un des personnages de la pièce, ndlr) avait été le premier avocat", dit Desplechin, le qualifiant de "méchant hors norme" à l'instar du Richard III de Shakespeare.

"De Tchernobyl à Fukushima, de Gorbatchev à Poutine, de Reagan à Trump... quand l'Histoire se crispe, qu'est ce qu'on fait? Du théâtre".

"La pièce était visionnaire dans le sens où elle fait l'éloge des singularités, (...) n'importe qui peut se reconnaître dans les amours de Louis Ironson, dans le chagrin de Prior Walter, dans l'aspiration à la liberté de Joe Pitt".

 

Les textes à mesage "vieillissent mal"


"Bien que (Kushner) se présente comme juif, homosexuel, démocrate", Desplechin affirme que la pièce n'est pas militante pour autant.

Le chantre des relations amoureuses au cinéma, pourtant engagé dans sa vie citoyenne notamment pour la cause des SDF, se dit d'ailleurs très défiant à l'égard des textes à message. "Parce qu'ils vieillissent mal".

 
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