Une importante fuite d'eau dans un bâtiment du quartier de l'Alma, à Roubaix, a nécessité l'intervention en urgence du Collectif de quartier. Les habitants accusent les bailleurs d'un abandon orchestré pour les pousser hors de ce quartier, inclus dans un vaste plan de rénovation urbaine.
"Quand on est passés hier, on a constaté que de l'eau coulait le long de la façade. Bien sûr, ça nous a étonné et on est donc allés voir d'où venait la fuite. Il faut savoir qu'il y a une famille dans cet immeuble, qui refuse d'être délogée par le plan de rénovation urbaine", raconte Florian Vertriest, président du collectif de quartier contre la démolition de l'Alma.
Ce 20 février 2023, plusieurs jeunes du quartier ont dû intervenir en urgence sur une importante fuite d'eau au premier étage du 68 rue Archimède. Dans le bâtiment voué à la démolition, la quasi-totalité des logements est inoccupée.
Dans l'appartement où a démarré la fuite, le collectif découvre une arrivée d'eau à nu qui crache des litres d'eau brûlante dans la salle de bain. Plus de 30 centimètres d'eau emplissent déjà le logement, le reste s'écoulant par les façades du bâtiment.
Dans la nuit, les habitants mobilisés
Plusieurs fois dans la soirée, Florian Vertriest tente de contacter le bailleur LMH, qui gère le site avec un responsable technique présent en permanence dans le quartier. Ils ne reçoivent aucune réponse de l'astreinte, même après un rappel assuré par les pompiers.
Les habitants, inquiets pour la famille qui vit à l'étage du dessous, se résolvent donc à trouver une solution de fortune. Un tuyau est fixé à l'arrivée d'eau et redirigé vers la gouttière extérieure. "On est intervenus hier soir et, ce matin, le tuyau n'était plus là. Selon ce que nous disent les intervenants techniques, ce n'est pas eux qui ont enlevé notre dispositif."
"On nous évoque un acte de vandalisme, mais ils ont pu le constater eux-mêmes : rien n'a été volé. Encore une fois, je suis forcé de me demander à qui profite le crime."
Cette fuite intervient de plus dans un bâtiment globalement sain : l'appartement du dessus, inoccupé depuis plusieurs mois, ne présente lui aucune trace d'humidité ou de dégradations.
La fuite a été réparée ce 21 février par LMH, qui s'est exprimé auprès de France 3 concernant ses délais d'intervention. "En effet, notre astreinte a bien été contactée suite à la fuite d’eau déclenchée hier soir, confirme le bailleur. Cependant, au vu des dégâts causés par cet acte de vandalisme, une intervention technique particulière et un besoin de coordination étaient nécessaires. L’intervention n’a donc pu avoir lieu que ce matin, pour une remise en état ce jour.".
"C'est une bombe à retardement"
Le quartier de l'Alma est inclus dans un vaste plan de rénovation urbaine mené par la mairie de Guillaume Delbar et financé en grande partie par l'Etat. Ce plan prévoit la démolition de 480 logements, dont 428 logements sociaux et la rénovation de 390 logements, ainsi que la construction de 90 logements neufs.
La mairie de Guillaume Delbar l'estime nécessaire pour "trouver des solutions dans un quartier où il y a un manque d'équipements publics, des problèmes de sécurité...". Mais les habitants dénoncent de leur côté un manque de concertation et un abandon organisé du quartier par les pouvoirs publics et les bailleurs.
Le dysfonctionnement du 20 février intervient deux semaines jour pour jour avec l'incendie volontaire d'un bâtiment abritant l'ancien centre social, lui aussi voué à la démolition mais toujours partiellement occupé. Les deux parties prenantes dans le plan de rénovation se renvoient les soupçons au visage.
En décembre dernier, des habitants du quartier, dont des personnes âgées révélaient auprès de France 3 avoir passé plusieurs mois sans chauffage ni eau chaude.
Enfin, en septembre 2022, le 68 rue Archimède avait déjà connu une inondation d'ampleur, cette fois dans les caves devenues inaccessibles et dangereuses. Là encore, les habitants avaient aménagé des passerelles et déconnecté des installations électriques à portée des eaux, en attendant l'intervention du bailleur.
Mis bout à bout, tous ces événements renforcent, pour les habitants, la thèse d'une négligence volontaire. "Tout ça va trop loin. Pour moi, c'est une bombe à retardement. Je le dis, un jour, on ne pourra plus contrôler la colère de tout un quartier" avertit le président du collectif, qui a toujours prôné la non-violence.