Remise au musée fin du premier trimestre 2022, l'oeuvre "Controley" a, depuis, intégré la collection permanente. Une consécration pour le street-artiste roubaisien. Vous êtes formidables le reçoit vendredi 6 mai à 9h05.
Roubaix, la ville aux 1000 cheminées, ses friches et son passé industriels, ses quartiers arpentés depuis tout gamin par Corentin Duel, à skateboard, ont été -et sont encore- un espace d'expression de l'imaginaire de l'artiste.
De l'ancienne brasserie Terken à l'ex-site de La Lainière, en passant par les anciens bains publics aujourd'hui devenus le musée national de La Piscine, Corentin Duel, né en 1990, fait désormais davantage que se souvenir : il se passionne pour l'histoire industrielle de sa ville, qui est également celle de ses aïeux.
Il faut dire qu'il y a de quoi faire. Roubaix fut -faut-il le rappeler!- l'une des capitales mondiales de l'industrie textile, au début du XXe siècle. Un passé qui "libère des espaces libres pour les graffeurs", dans lesquels Corentin va se découvrir un goût de plus en plus prononcé pour l'exploration urbaine, l'urbex.
"Je suis passé de délinquant à artiste"
Vous dites : "Je suis passé de délinquant à artiste, comment devient-on graffeur de métier?", interroge Virginie Demange. "Je fais des fresques pour des particuliers, je réalise des tableaux, j'anime des ateliers de transmission avec tous publics. Je trouve intéressant d'expliquer ce qu'on fait. Dans l'histoire de l'art, il y a toujours eu des mécènes ou des commanditaires. Pour vivre, on réalise des commandes. On a aussi compris qu'il y avait un intérêt marketing, commercial, pour beaucoup. On est des fois utilisés comme une plus-value, une source de communication. Ca fait des fois beaucoup plus parler d'employer un street-artiste qu'une agence de com' qui peut être plus chère".
Un changement de statut qui n'empêche pas Roobey de rester le même. "Je n'ai pas changé, je m'approprie toujours des surfaces de l'espace public mais disons que cette reconnaissance fait que je bénéficie d'un peu plus de tolérance"
"Artiste et archiviste"
Ancien animateur de centres aérés, Corentin Duel fait deux ans de sociologie après son bac, mais sa passion grandissante, "envahissante même" pour le street-art, le convainc de s'inscrire aux Beaux-Arts de Tourcoing. Deux ans plus tard, il se fait virer, le street-art ou la bombe en particulier, ne rentrant pas dans les" cases" de l'enseignement. "Un coup sur la tête", reconnaît Corentin, mais qui finalement "forge le caractère". La marque Roobey naît quelques années plus tard : double clin d'oeil à la fois à Roubaix et à Shepard Fairey, street-artiste américain surnommé Obey.
Aujourd'hui il étoffe son travail de graffeur en menant des animations peinture auprès des habitants des quartiers de la ville, tout en véhiculant son goût pour l'histoire locale. "C'est un peu un travail d'artiste et d'archiviste", commente le graffeur. Et la boucle est bouclée : l'artiste rejoint l'animateur de centre de loisirs aux motivations pédagogiques.
"Controley", en exposition permanente
"Ca fait beaucoup d'effet exprime-t-il, un sourire en coin. C'est une grosse reconnaissance de mon travail et puis c'est une fierté... Ma mère et ma grand-mère ont appris à nager dans cette piscine*. [...] Tout est parti du premier confinement en mars 2020 où je suis resté dans mon atelier : il n'y a plus possibilité de sortir sauf avec les attestations de l'époque et, il y a un événement qui me marque, c'est la frontière franco-belge entre Wattrelos et Mouscron fermée par des blocs en béton." Choqué, l'artiste a l'impression "d'un retour en arrière", "au temps de ses grands-parents".
Lui vient alors en tête un tableau de Rémy Cogghe, Fouille en douane, lui-même exposé à La Piscine de Roubaix, où l'on voit un douanier en train de fouiller les jupons d'une dame passant la frontière. Il en fait une adaptation intitulée "Roobey Controley" qui est désormais exposée de manière permanente à La Piscine de Roubaix.
C'est lors d'une exposition, en décembre 2021, qu'un membre de l'association des amis de la Piscine de Roubaix découvre l'oeuvre, et décide d'en faire l'acquisition. Exposée 15 jours à côté de l'oeuvre originelle, elle a depuis rejoint la collection permanente du musée dans une autre galerie. A 32 ans, exposé à La Piscine, excusez du peu !
* La Piscine, musée d'art et d'industrie André Diligent était une piscine avant sa création il y a une vingtaine d'années.