Le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté d'expulsion de Sana, mère de famille de 24 ans, vers l'Algérie. L'ancien préfet du Nord estimait que cette mère de famille de retour de Syrie constituait "une menace", version contredite par l'avocate de la jeune femme de 24 ans.
Georges-François Leclerc en avait fait une priorité. L’ancien préfet du Nord avait signé le 10 octobre dernier un arrêté d’expulsion de la mère de famille de 24 ans vers l’Algérie, pays où elle n'avait jamais mis les pieds, affirmant que "la présence de Sana sur le territoire français (constituait) une menace grave et persistante pour l’ordre public".
Pourtant, les juges de la commission d’expulsion des étrangers s’étaient prononcés contre l’expulsion de la jeune femme, au terme d’une audience à laquelle nous avions assisté et dont nous avions fait le récit. Un avis simplement consultatif et que le préfet du Nord avait décidé de ne pas suivre, provoquant la colère de l’avocate de Sana.
Lire aussi >>> RÉCIT. De l'horreur de Daech au tribunal de Lille, Sana, 24 ans, menacée d'expulsion : "je ne suis pas une menace"
L'arrêté d'expulsion dans un premier temps suspendu en octobre dernier par le tribunal administratif, la justice vient de confirmer l'annulation de l’arrêté d’expulsion du préfet le 3 mai 2024, comme l’indiquent nos confrères du Monde. En voici les raisons.
Sana a exprimé "son hostilité" à l’égard de l’Etat islamique
En 2014, Sana, Roubaisienne d’origine, avait à peine 15 ans. Sa mère l’avait alors emmenée de force avec ses frères et sœurs en Syrie, sur le territoire alors occupé par l’Etat islamique. Après cinq ans passés sur des territoires contrôlés par Daech et quatre dans des camps du Nord de la Syrie avec ses deux enfants, la jeune femme est rapatriée en France en janvier 2023.
À son retour dans le Nord, Sana n’a pas été mise en examen, ni placée sous le statut de témoin assisté, rappelle pourtant le tribunal administratif dans son jugement.
Si elle n'a pas condamné expressément l'organisation terroriste auprès de laquelle elle a vécu plusieurs années, elle a, à de nombreuses reprises, pris ses distances et exprimé son hostilité à l'égard de son milieu d'origine et de cette période de sa vie.
Extrait du jugement du tribunal administratif de Lille
La requérante, dont "aucune pièce du dossier" ne prouve qu'elle a combattu dans les rangs jihadistes ni exercé des responsabilités, selon le tribunal, a en outre démontré "sa volonté d'intégration sociale et professionnelle".
"Temps perdu"
Jointe par téléphone, Marie Dosé, avocate de Sana, salue cette décision de justice. "Je suis évidemment extrêmement rassurée et heureuse". Un soulagement, mêlé à une pointe d'amertume. "Je me dis mais quelle perte de temps, d’énergie et quel gâchis. Voila presque un an que Sana et ses deux petites filles sont plongées dans une insécurité et une nouvelle forma de violence qui était parfaitement illégitime et qui n’a servi qu’à faire plus de mal. C’est ça qui me désoleé.
Une question désormais : Sana, ressortissante algérienne en situation irrégulière en France car sa mère a refusé de demander pour elle la nationalité française à l’adolescence, pourra-t-elle obtenir un titre de séjour ?
Je me dis mais quelle perte de temps, d’énergie et quel gâchis.
Marie Dosé, avocate de Sana
"Comme je le demandais, il est enjoint à a la préfecture d’examiner la situation de Sana dans un délai de deux mois", indique Maitre Dosé. "Enfin, on arrive vers une régularisation, c’est une nouvelle page qui s’ouvre pour elles trois".
Avec AFP