Le journaliste Mikaël Corre a passé une année au commissariat de Roubaix au côté des policiers. Une immersion d'une semaine par mois qu'il livre dans un numéro spécial du quotidien "La Croix" à paraître ce vendredi 14 janvier 2022. 40 pages d'un récit écrit comme un polar haletant.
L'enquête est construite comme une série américaine. Des personnages principaux, des seconds rôles hauts en couleur, une ambiance et beaucoup d'action et de suspense. Le tout relevé par des illustrations sombres et ultra réalistes de Stéphane Oiry.
Le récit du journaliste Mikaël Corre, 40 pages d'enquête publiées par le quotidien "La Croix", est pourtant bien ancré dans le réel. C'est une véritable plongée dans le quotidien des 438 policiers du commissariat de Roubaix. Le reporter y a passé une année, de novembre 2020 à fin 2021, à raison d'une semaine par mois.
Il y a très vite été accepté et intégré. Muni de son badge d'observateur, le journaliste a eu accès à toutes les unités, toutes les réunions de commandement. Une seule clause au contrat de confiance tacite. Un strict anonymat de tous les intervenants: interpellés, prévenus, témoins, comme policiers.
"Ressortir le Kärcher", "diviser le nombre de délinquants"
Enjeu de la campagne présidentielle, la sécurité occupe une place de choix dans les programmes de tous les candidats à l'Elysée. La candidate des Républicains Valérie Pécresse parle de "ressortir le Kärcher", l'extrémiste de droite Eric Zemmour veut lui "diviser le nombre de délinquants". C'est cette surenchère politique qui a d'abord motivé le choix du sujet. Quant à la ville de Roubaix, le journaliste l'a choisie pour plusieurs raisons. Pratiques, vu sa proximité de Paris, où il réside. Objectives, compte tenu de la taille de son commissariat et de son activité dense.
"C'est jamais bien ce qu'on fait"
Et au fil des pages, on s'attache aux personnages. Hector, le jeune préposé à l'accueil du public. Eric, le nouveau geôlier placide. Ou encore la tenace Marion, l'un des douze enquêteurs du service de violences conjugales. On apprend d'ailleurs qu'à Roubaix, chaque jour, trois à quatre interpellations se font pour ce motif. Et que dans cette seule brigade, plus de 1200 dossiers sont en cours de traitement.
Roubaix, souvent citée parmi les villes les plus pauvres de France, où le taux de chômage avoisine les 12%, gangrénée par le trafic de drogue. La chasse aux dealers occupe une grande partie des effectifs. Et un gardé à vue sur quatre est un mineur. Le reportage de Mikaël Corre est une photographie, un instantané de notre société. Sans autre vocation que de montrer ce que font concrètement ces policiers surchargés et empêtrés dans les méandres administratifs. D'"humaniser" ce quotidien.
Toutes les thématiques sont abordées dans l'article, plus ou moins en profondeur. Violences policières, ripoux, burn-out, lassitude de ces fonctionnaires qui ont souvent la sensation d'être incompris. "C'est jamais bien ce qu'on fait", regrette un policier des stups, suite à une course-poursuite avec un dealer qui s'est terminée dans la cour d'une école primaire roubaisienne. Le directrice s'en est plainte à la hiérarchie.
"Ce n'est pas à nous de dire si la société va mieux ou pas"
La fin ne délivre aucun message, aucune réponse. Mikaël Corre quitte les lieux de son enquête, et la vie du commissariat de Roubaix reprend, inexorablement. Avec ses succès, ses échecs. Tous retournent à leurs plaintes, leurs dossiers, leurs auditions et leurs arrestations. "Ce n'est pas à nous de dire si la société va mieux ou pas", glisse le commissaire de police au journaliste.