Le Coeur bleu est une école associative roubaisienne pour enfants en situation de handicap. Faute de moyens, elle sera contrainte de fermer si elle ne trouve pas de solution viable.
Aller vers une société inclusive, où être porteur de handicap ne serait plus un frein à l'éducation. Le projet du Coeur Bleu est ambitieux, mais surtout, coûteux et l'association peine à trouver les financements nécessaires.
Quand Cathia Garguir, psychologue spécialisée dans la prise en charge du handicap, fonde L'école du Coeur Bleu, c'est à partir d'un constat simple. "Il n'y a pas beaucoup de structures qui proposent de l'éducatif à proprement parler. Il y a des listes d'attente de 7 ans pour avoir une place en école adaptée à Roubaix !" Résultats : les parents d’enfants porteurs de handicap doivent financer une aide à domicile et n’ont que très peu d’aides pour ce faire. « L’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) ne finance qu’une aide de deux journées par semaine. Pour être efficace, la prise en charge doit être quotidienne», soutient Mme Garguir. Beaucoup d’enfants porteurs de handicap sont alors déscolarisés.
Un tremplin pour intégrer une école ordinaire
La psychologue décide d’y mettre toutes ses économies (« La maison, ce sera pour plus tard ! ») et l’école voit le jour en septembre 2017. Les parents y déposent leurs enfants pendant leurs jours de prise en charge, et leurs éducateurs spécialisés les y retrouvent. Ceux-ci sont toujours employés par les familles.
Céline Szafoni suit Amar, 13 ans, depuis l’année dernière. « On a commencé la prise en charge à l’école du Cœur Bleu, et maintenant, il vient d’entrer au collège », dit-elle avec fierté. L’école du Cœur bleu lui est d’une précieuse aide dans son travail : « Quand on fait une prise en charge à domicile, il y a toujours un parent à la maison, ou des frères et sœurs. Ca n’aide pas à la concentration de l’enfant et ça ralentit son apprentissage. » Côtoyer d’autres enfants permet aussi d’autres apprentissages, nécessaires pour intégrer un cursus éducatif classique : des temps de vie en collectivité et des mises en situations scolaires sont organisés chaque jour. « Par exemple, Amar avait du mal avec les consignes en classe. Quand le professeur demandait de sortir sa trousse, il ne comprenait pas qu’une consigne générale lui soit aussi adressée », explique l’éducatrice spécialisée. « Ca permet de dédramatiser, et d’anticiper les réticences des professeurs, à qui la prise en charge d’un élève autiste peut faire peur. »
Des appels aux responsables politiques restés sans réponse
L’école du Cœur bleu a vocation à être un tremplin, et non pas une école à part entière. Ce qui pose problème pour obtenir des financements publics : « Notre dossier est constamment refusé puisqu’il faudrait qu’on devienne une structure officielle. Pour ça il faudrait qu’il y ait des appels à projet correspondant à notre offre mais il n’y en a pas », déplore Mme Garguir. La présidente de l’association a contacté, en vain, les décisionnaires et responsables politiques. « Même l’Elysée ! Beaucoup restent sans réponse et quand on nous en donne une, elle n’est pas satisfaisante puisqu’on nous renvoie toujours vers quelqu’un d’autre qui ne peut rien faire pour nous. » Les neuf enfants pris en charge par la structure risquent de perdre leurs repères et d'abandonner leurs progrès en cas de fermeture de l'école.
En France, on a 50 ans de retard sur la question
« En France, on a 50 ans de retard sur la question : on estime qu’un enfant handicapé deviendra un adulte handicapé, alors qu’il n’y a pas de fatalité. Avec une prise en charge efficace, un handicap peut s’atténuer, voire s’effacer », déplore Mme Garguir. La spécialiste estime que le handicap est un thème délaissé par les dirigeants politiques. Les « plans handicaps » se succèdent et déçoivent les concernés. Pas assez de subventions, ni de transformations profondes du système. La présidente de l’association conclut : « On a l’impression de faire le travail de l’Etat, sans en avoir les moyens. »