Confronté à des difficultés dans le recrutement d'infirmiers, l'hôpital de Roubaix (Nord) n'ouvrira pas son unité hivernale au 1er janvier, un coup dur symptomatique des conditions de travail difficiles et du manque d'attractivité de la fonction publique hospitalière.
L'unité de douze lits supplémentaires était destinée à "répondre aux hospitalisations en surnombre aux urgences pendant l'hiver" explique Maxime Morin, directeur de l'établissement qui emploie 2 900 agents, "c'est indispensable. Si on ne fait pas ça, on va tendre la situation dans les services".
Un fort taux d'absentéisme
Mais, pour la faire fonctionner 7 jours/7 et 24 heures/24, l'hôpital a besoin, entre autres, de six infirmiers, des postes qu'il n'arrive pas à pourvoir, même
en retardant l'ouverture de l'unité de plusieurs semaines: en 2018, elle avait pu commencer à fonctionner début décembre. "Ce qui nous empêche d'avoir tous nos postes remplis, c'est l'absentéisme: cela nous oblige à remplacer d'abord là ou il y a des trous. Du coup, les gens qu'on embauche ne sont pas disponibles pour les postes vacants ou l'unité hivernale", souligne M. Morin.
De fait, à Roubaix, il manque chaque jour plus de 10% des effectifs du personnel non médical (PNM: infirmiers, aides soignants...), soit une moyenne de 37,9 jours d'absence par agent en 2018. Une situation liée à un quotidien professionnel "épuisant", estime une infirmière du service des urgences, qui souhaite rester anonyme. "Il y a des jours où on n'a pas le temps d'aller aux toilettes, certains n'osent même pas boire un verre d'eau. C'est beaucoup de soins à la chaîne, c'est l'usine..."
Elle évoque aussi les "problèmes de planning". "Dans la même semaine, on nous demande de faire des matins, des après-midis, des nuits. Le corps est tout le temps déréglé, on ne récupère jamais. On ne peut pas changer tous les deux jours comme ça, on est à bout".
"On a aussi des professionnels qui vieillissent au travail", pointe Maxime Morin. "L'âge de départ en retraite a déjà nettement augmenté dans nos établissements ces dix dernières années et il y a plus d'arrêts de travail, plus de maladies professionnelles et plus de maladies graves chez ceux qui ont entre 55 et 65 ans".
Un problème de recrutement
D'un côté donc, un fort absentéisme, et de l'autre, des difficultés à recruter. L'hôpital de Roubaix dispose pourtant dans ses murs d'un Institut de formation en soins infirmiers (IFSI), dont 80 étudiants sont sortis diplômés en juillet et 40 en décembre, mais peine de plus en plus à les attirer.
Parmi les facteurs qui pèsent dans le choix des jeunes diplomés, "le salaire joue beaucoup, c'est ce qui les attire vers les pays étrangers", comme la Suisse ou la Belgique, et vers le secteur libéral, explique Alain Messien, directeur de l'IFSI. A la rémunération s'ajoutent aussi d'autres éléments selon lui : "les conditions de travail et l'instabilité des horaires". Face à l'absentéisme, l'hôpital public rappelle souvent son personnel sur ses heures de repos, quand le secteur privé, lui, "fait appel à des personnels intérimaires", plus chers et moins productifs, pour garantir les emplois du temps des titulaires.