Du 16 au 22 septembre c’est la semaine européenne des mobilités. Cet évènement a pour objectif d’inciter les citoyens et les collectivités à opter pour des modes de déplacements plus durables : vélo, transports publics, covoiturage... Petit tour des bons et mauvais élèves dans les Hauts-de-France.
Cette année, pour la 21e semaine européenne des mobilités, l’inter modalité est à l’honneur. C’est-à-dire, la combinaison de plusieurs modes de transports au cours d’un même déplacement. Si de nombreux citoyens sont prêts à changer leurs habitudes, les infrastructures ne sont pas toujours au rendez-vous. Mais certaines collectivités ont déjà intégré le progrès environnemental dans leur politique globale.
Les bons élèves de la mobilité durable
Ardres, commune située dans le nord du Pas-de-Calais, fait figure de bonne élève. Ville touristique, elle bénéficie également d’un important patrimoine vert et de 64 hectares de lacs. Dès 2008, la commune a décidé d’axer sa politique environnementale sur les liaisons douces avec la mise place de zones piétonnes autour des lacs, puis avec la mobilité durable. "Les élus se sont rendus compte que les routes n’étaient pas adaptées aux piétons et aux cyclistes. En 2015, on a décidé la mise en place de voirie partagée et de pistes et bandes cyclables. Il y avait une demande de nos administrés. Lorsqu’il a fallu rénover la voirie, on a intégré ces travaux. Le coût est un peu plus important que pour des travaux généraux, de l’ordre de 4 à 5 %, mais le niveau de sécurité n’a pas de prix", explique Vincent Forestier, directeur des services techniques de la mairie d’Ardres.
Cette ville rurale est traversée par l’Eurovélo, un réseau de routes cyclables longue distance qui connecte l'ensemble du continent européen. La commune a su en tirer parti en développant de nombreuses activités autour du vélo : randonnées sportives, ballades, stations de vélos partagés en location.
À chaque travaux de voirie, la priorité est donnée aux voies piétonnes et cyclistes. Parmi les 60 kilomètres linéaires de la ville, 10 kilomètres intègrent une route partagée ou une piste cyclable. Ce qui place la commune au premier rang des meilleures villes cyclables des Hauts-de-France, d’après l’enquête 2021 de la fédération française des usagers de la bicyclette. La sécurité, le confort et les services de stationnement sont plébiscités par les cyclistes ayant participé à l’enquête.
Être les premiers dans l’Oise devant des communes qui ont de plus grands moyens que nous, c’est une fierté.
Jean-Pierre Rouselle, premier adjoint au maire d'Agnetz
En Picardie, c’est Agnetz, dans l’Oise, qui remporte la première place. Dans le baromètre de l’enquête, elle est classée comme une ville "plutôt favorable" au déplacement cycliste. Cette petite commune de 3 000 habitants a investi 50 000 euros de travaux en deux ans pour la mise en place de pistes cyclables. "Nous avons créé un chaussidou, une voie partagée avec un couloir central pour les voitures et des couloirs de chaque côté pour les cyclistes. Ils peuvent rejoindre la piste cyclable que nous avons créée et ainsi éviter le giratoire", explique Jean-Pierre Rousselle, premier adjoint au maire d’Agnetz.
Ce classement récompense la commune pour ses efforts engagés dans la mobilité durable et la sécurité des habitants. "Être les premiers dans l’Oise devant des communes qui ont de plus grands moyens que nous, c’est une fierté pour notre petite ville. Et nous avons d’autres projets de pistes cyclables qui permettront de relier les cinq hameaux voisins", indique l’adjoint au maire.
Les mauvais élèves de la mobilité douce
Le vélo est devenu partie intégrante de la mobilité durable. Se déplacer à vélo jusqu’à son travail, en ville ou jusqu’à la gare pour les zones plus rurales est devenu un objectif environnemental pour bon nombre de citoyens et de collectivités. Encore faut-il avoir à disposition des infrastructures adaptées. Dans ce domaine, nombreux sont les bourgs, villages et villes des Hauts-de-France à la traîne. Pour s’en rendre compte, il suffit de regarder la carte du baromètre des villes cyclables. Sur 115 communes, dont au moins 50 habitants cyclistes ont répondu au questionnaire, seules trois dépassent la note de 4 (le baromètre est noté sur 6) : Ardres, Dainville et le Touquet, dans le Pas-de-Calais.
La ville d’Amiens obtient une note de 2,6. Selon le vice-président aux mobilités d’Amiens métropole, ce résultat ne reflète pas la politique de la ville en termes de mobilité durable. "Nous avons de nombreux outils qui permettent aux administrés de se déplacer à vélo. Nous avons un parc de location courte durée, mais également le parc buscyclette pour les locations longues durées avec notamment 1 700 vélos électriques. Depuis, deux ans, nous avons mis en place une aide à l’achat de vélo. La ville d’Amiens subventionne l’acheteur à hauteur de 200 euros par vélo et par foyer, complété par le département. Et puisqu'il y a de nombreux vols en ville, nous avons décidé d’installer des consignes à vélos dans les faubourgs d’Amiens. D’ici le 1er trimestre 2023, les propriétaires de vélos qui n’ont pas de garage pourront les stocker dans ces cages fermées pour 25 euros par an. Nous savons que le problème des vols dissuade certains habitants d’utiliser un vélo", explique Jean-Claude Renaux.
Concernant les aménagements, la mairie accorde 10 millions d’euros au budget vélo. Les élus travaillent actuellement sur l’élaboration d’un schéma cyclable pour sécuriser les cyclistes de l’hyper centre-ville jusqu’aux communes limitrophes d’Amiens. "Nous sommes attentifs aux ruptures de voies cyclables et travaillons sur leur prolongement. Des travaux sont également programmés sur les boulevards extérieurs car nous avons beaucoup de circulation avec les cliniques, les entreprises et l’Aquapôle, rue Alexandre Dumas", ajoute Jean-Claude Renaux.
Concernant, les autres modes de transport, le vice-président aux mobilités se dit concerné aussi par le transport public. "Nous avons renforcé les bus sur certaines lignes le matin, aux heures de pointe. Et pour inciter à prendre le bus, nous avons une tarification solidaire en fonction du quotient familial. D’ailleurs, ce sont 50 % des usagers qui bénéficient de la gratuité totale."
Des obstacles à l'aménagement de pistes cyclables
Abbeville, commune de la Somme, explique son retard par la configuration de la ville. "C’est une ville de la reconstruction et les infrastructures d’après-guerre ne sont pas propices à mettre en œuvre des pistes cyclables", explique Pascal Demarthe, maire (UDI) d’Abbeville. Mais l’édile insiste sur sa volonté de développer une politique de développement durable. "Il faut faire plus de place au vélo dans la ville. Les ventes de vélos ont augmenté et il faut s’adapter à ces pratiques", ajoute-t-il.
Des projets ont déjà été mis en œuvre. Un vélo route traverse désormais la ville le long du fleuve et un autre relie Abbeville à la frontière du Pas-de-Calais. D’autres sont en réflexion. "Quand on refait une voirie, on essaie d’intégrer une piste cyclable. On essaie de passer certaines artères en sens unique avec une voie vélo et une voie centrale pour les voitures. Un jour, nous pourrons peut-être rendre l’hyper-centre piétons et cyclistes à condition d’avoir une desserte de bus périphériques", confie l’édile.
Liancourt à la traîne
Petit à petit, les collectivités prennent conscience de leur retard. Les études et les enquêtes, comme celle de la fédération française des usagers de la bicyclette permettent au plus grand nombre de proposer des améliorations et ainsi inciter les pouvoirs publics à agir. À l’image de Liancourt, commune voisine de Clermont de l’Oise, qui, après la publication 2021 du baromètre des villes cyclables, a décidé de réagir. Sur ce territoire, moins de 1 % des déplacements se font à vélo. Et la pratique de la bicyclette n’est envisagée que pour les loisirs.
"Les élus ont pris conscience de notre retard en matière de mobilité durable. Nous avons un taux de concentration d’emploi très faible à Liancourt. 68 emplois proposés pour 100 actifs. Ce qui pousse les gens à se déplacer hors du territoire pour trouver du travail. Ils sont donc le plus souvent en voiture. Et nous sommes dépendants de la région pour les bus et les trains. L’offre n’est pas calibrée pour les actifs. Mais nous pouvons agir pour les courtes distances. 70% des déplacements se font hors travail. Nous sommes en train de développer une alternative à l’usage de la voiture", explique Clément Maréchal, chef de projet mobilité à la communauté de communes du liancourtois –vallée dorée.
Nous prévoyons d’inciter au mix des modes de déplacement.
Clément Maréchal, chef de projet mobilités de la communauté de communes de liancourtois-Vallée dorée
48 kilomètres linéaires de voies cyclables devraient être réalisées avant 2032. Déjà, les travaux pour un tronçon de 1,5 kilomètres devraient commencer à l’automne. Parmi les projets, Liancourt prévoit de mettre en place des stationnements pour vélos, notamment à la gare. "Les usagers du train viennent en voiture à la gare et nous avons constaté que ces trajets se font dans un rayon de deux kilomètres. Nous prévoyons d’inciter au mix des modes de déplacement. Et nous avons mis en place un service de location de vélos électriques. Toutes ces initiatives sont un peu tardives, mais le sujets est pris au sérieux", ajoute Cléments Maréchal.
Et s’il fallait simplement mettre les pouvoirs publics face à leurs oublis collectivement pour obtenir satisfaction ?