Selon les données de l’Observatoire national du covoiturage quotidien, Beauvais enregistre des records dans les Hauts-de-France. Au niveau national, la préfecture de l'Oise fait mieux que des grandes métropoles comme Lyon ou Marseille.

En septembre, après onze mois de congé maternité, Roxane Loretzin a repris son travail à la communication d'Isagri, un éditeur de logiciels. Un événement marqué par un changement d'habitude : le covoiturage.

L'aller-retour quotidien entre Amblainville, où elle habite et Tillé, où se trouve son entreprise, est désormais partagé avec deux collègues de son service : "C'est agréable. Ça nous a permis de tisser du lien. Mais on ne poursuit pas la réunion dans la voiture !"

Plus de 3000 trajets en une semaine

Comme elle, ils sont plus de 4500 travailleurs du Beauvaisis inscrits sur la plateforme de l'opérateur Klaxit, partenaire depuis fin 2020 de l'Agglo pour développer le covoiturage. Beauvais est la championne des Hauts-de-France et se classe parmi les meilleures villes de France, selon l'Observatoire national du covoiturage quotidien.

Selon l'opérateur, plus de 10 266 trajets domicile-travail y ont été comptabilisés en mars, deux fois plus qu'à Lyon (4533). Un record a même été établi pour l'Agglo avec 3100 trajets réalisés pour la seule semaine du 2 mai.

"Chaque jour, entre 25 000 et 30 000 personnes se rendent sur leur lieu de travail en voiture à Beauvais. On s'était fixé l'objectif de mettre 10% de ces personnes en covoiturage. Nous pensions qu'on y arriverait en quatre à cinq ans. Mais c'est déjà quasiment atteint", se réjouit Pierre Tachon, directeur des mobilités à l'Agglo du Beauvaisis.

Plus 147% entre février et mars

Dans l'air du temps depuis plusieurs années, le covoiturage a bénéficié ces derniers mois de la fin des restrictions sanitaires et de la conjoncture économique : "J'étais bien contente quand j'ai vu le prix de l'essence augmenter", avoue Roxane Loretzin, qui a économisé près de 250 euros en essence et en péage d'autoroute depuis le mois de septembre.

"Dès que les prix du carburant ont fortement augmenté, il y a eu une explosion du covoiturage", confirme Pierre Tachon. Le terme d'explosion n'est pas excessif : le nombre de trajets a augmenté de 147% entre février et mars.

Je gagne entre 40 et 50 euros par mois, ça me paie mes frais d'essence

Fleury Laurine, covoitureuse

Mais à Beauvais, les utilisateurs de la plateforme peuvent même gagner de l'argent. Les passagers ne paient rien et les conducteurs sont rémunérés selon un baromètre kilométrique : ils touchent entre deux et quatre euros par passager transporté, dans une limite de deux allers-retours quotidiens.

"Je gagne entre 40 et 50 euros par mois, ça me paie mes frais d'essence", révèle Fleury Laurine, conseillère technique logiciel chez Isagri et covoitureuse depuis trois semaines avec deux autres salariés de l'entreprise. Ils alternent au volant une semaine sur trois : "J'ai une vieille voiture. Je voulais la reposer. Mais je me rends compte qu'avec le prix de l'essence, ce n'est pas négligeable."

Un coût de 350 000 euros pour la collectivité

D'où vient l'argent ? Fleury et Roxane pensent à leur employeur. En réalité, c'est la collectivité. Une possibilité offerte par la loi d’orientation des mobilités votée en décembre 2019. Le modèle économique du covoiturage courte distance repose désormais sur les incitations financières : "Nous avions prévu une enveloppe de 150 000 euros pour 2022. Mais elle sera vraisemblablement consommée dès juillet. On va remettre des sous. On devrait arriver à 250 000 euros", explique Pierre Tachon. L'Agglo du Beauvaisis paie également un forfait annuel de 100 000 euros à Klaxit. Cette société, privée, prélève par ailleurs une commission par trajet.

L'Agglo, qui a récupéré la compétence transports sur son territoire le 1er septembre 2021, finance donc le covoiturage à hauteur d'environ 350 000 euros par an. Une somme importante, mais pas excessive selon Pierre Tachon : "Cela peut être une alternative aux lignes de car, beaucoup plus chères. Ce n'est pas de l'argent de perdu". 

Selon David Di Nardo, directeur du développement chez Klaxit, ce modèle de service public du covoiturage serait le seul efficace : "En Ile-de-France, les subventions ont été arrêtées en 2020. Le nombre de trajets a chuté de 95%. C'est remonté avec la reprise des subventions."

Contrairement à d'autres collectivités, l'Agglo du Beauvaisis subventionne tous les utilisateurs. A Arras, également partenaire de Klaxit, seuls les conducteurs qui habitent et travaillent dans l'agglomération sont récompensés : "Le choix politique n'est pas toujours celui de l'usage. Le covoiturage ne peut pas être gratuit, si des lignes de bus existent déjà", explique David Di Nardo.

Cinq fois plus de trajets en 2026

La communication est également un enjeu essentiel dans le développement du covoiturage. Pour toucher le plus de candidats potentiels, l'Agglo du Beauvaisis a sélectionné une première liste de douze entreprises relais. Elle sont toutes situées dans des zones d'activités péri-urbaines, qui drainent statistiquement le plus d'usagers.

Dans son partenariat avec la collectivité isarienne, la plateforme s'est d'ailleurs engagée à proposer des animations dans ces entreprises : "Nous tenons des ateliers sur site et distribuons des kits de communication pour répondre aux questions des salariés curieux de l'application et du covoiturage", assure David Di Nardo.

En moins de deux ans, le pari du covoiturage semble gagné dans le Beauvaisis. Mais selon David Di Nardo, le développement n'est pas terminé : "Aujourd'hui, on capte 1% des trajets. On aimerait atteindre 5% d'ici trois ou quatre ans".  

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