SOLIDARITÉ . Avez-vous déjà commandé un café suspendu ?

Connaissez-vous le principe du café suspendu ? Née à Naples en Italie, cette tradition consiste à commander un café pour soi et en payer un autre "en attente", destiné à un client précaire qui en fera la demande. Découvrez comment cette initiative à pris de l'ampleur dans les Hauts-de-France.

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Le caffè sospeso, plus communément appelé dans notre pays café "suspendu" ou en "attente", a été importé en France en 2013. Largement usitée en Italie, cette initiative est peu connue par les consommateurs français : au bar, le client paie deux cafés et n'en boit qu'un seul. Le café resté en suspens est offert à une personne démunie qui le demandera. Ce principe permet de donner ou recevoir sans pour autant s'afficher et c'est aussi cela la solidarité, une part de respect et de dignité.

Les associations qui se mobilisent à travers des maraudes, afin de rencontrer ceux qui dorment dans la rue, informent les bénéficiaires des établissements qui pratiquent le principe du "suspendu". Au Café citoyen proche de la place République de Lille, ce sont 10 à 15 boissons chaudes ou fraîches et sans alcool qui sont distribuées quotidiennement.

"Nous avons une petite cuisine, limitée à trente couverts et malheureusement nous ne pouvons pas faire de repas suspendus," confie Noémie, salariée de la Scop du Café citoyen. Et de poursuivre :" Souvent ils viennent à deux, un qui connaît, l'autre qui découvre. Certains sont là pour se mettre au chaud le temps d'une boisson, d'autres pour parler. Il y a plus de bénéficiaires qu'avant." 

C'est bien que ça existe, il faudrait plus d'établissements qui le pratiquent.

Noémie - Salariée du Café citoyen à Lille

Au Lovibond, sur le boulevard de la Liberté, c'est une affiche près du bar qui interpelle les clients. "Beaucoup nous demandent ce qu'est le café suspendu à 1 euro, précise Mathilde, une des serveuses de l'établissement, le principe est maintenant connu dans notre bar." Certains sont généreux. Mathilde témoigne de la reconnaissance des bénéficiaires : "Ils nous remercient énormément. Ce sont en majorité des hommes et quelques femmes."

De la boisson aux repas

Après quatre années de boissons suspendues, le café coopératif des Sarrazins dans le quartier de Wazemmes a proposé en janvier 2022 des "repas suspendus". Cette année-là, ce sont 2 685 euros sous forme de repas qui ont été distribués. Et l'année 2023 est prometteuse en terme de solidarité. Depuis le début du mois de janvier, ce sont 1 170 euros qui ont été récoltés, ce qui correspond à 254 boissons et  177 repas fournis aux personnes en détresse sociale, sans domicile fixe mais aussi à des étudiants.

Sur les "suspendus", il n'y a pas de marge. Un repas c'est six euros et un euro pour un café.

Noé - Travailleur à la coopérative des Sarrazins à Lille

"Les gens n'abusent vraiment pas, déclare d'emblée Noé, travailleur à la coopérative, on a une action concrète sur la vie des gens, c'est hyper valorisant".

Du concret, comme l'histoire de cet homme d'une quarantaine d'années extrêmement épuisé moralement, qui dormait dans la rue et a un jour poussé la porte de ce café. Sensible, Noé relate :" Il est venu régulièrement, il était hyper aidant, s'il y avait des livraisons, il nous donnait un coup de main. Puis cette personne a rejoint la communauté Emmaüs, dans la métropole, et un jour il est revenu ici. Sauf que cette fois avec son avance sur salaire en poche, il a payé des boissons et des repas suspendus pour que d'autres puissent en bénéficier et nous a offert un verre."

Ici on vient plus pour partager que consommer. Au Rat perché on défend les valeurs de partage et d'entraide.

Clément Écrepont - Gérant du café Le rat perché - Arras

À Arras, au café le Rat perché, Clément Écrepont défend les valeurs de partage et d'entraide qui coulent dans les veines de chaque salarié, puisque tous dédient leurs pourboires, dans leur intégralité, aux boissons et repas suspendus. "Ces dernières années, les personnes sans domicile fixe ou en détresse sociale sont de plus en plus jeunes. La plupart ayant connu la vie en foyer ou à la DDASS sont à la rue dès 18 ans. Nous voulons que cet endroit soit un lieu d'échange et de rencontre. Ici on vient plus pour partager que consommer."

Coupe de cheveux, photos d'identité, le "suspendu" s'étend

Grâce à un sticker distribué lors des maraudes et apposé sur les vitrines, il est possible de connaître les services disponibles. À Roubaix, Chloé Bouhin, gérante de l'atelier Mon nuage, spécialisé en réparation, nettoyage et customisation de sneakers, propose des cafés mais aussi des nettoyages de chaussures . Et Chloé, la solidarité, ça la connaît : "C'est une éducation ! Nous ne sommes pas à l'abri que cela nous arrive et ce jour-là nous serons bien contents d'être aidés, parfois je récupère des paires de chaussures dont les clients ne veulent plus et je les donne."

Nombreuses sont les associations qui se sont emparées du principe du service "suspendu" et le font vivre. C'est le cas de l'association la Cloche qui répertorie les soixante-huit commerçants de Lille et les quinze à Roubaix. Amandine Watry, responsable de l'antenne lilloise, décrit le dispositif : "Nous avons deux modes de fonctionnement, le premier c'est le commerçant qui offre un service, comme l'action de recharger un téléphone, donner un verre d'eau, réchauffer un plat au micro-ondes, avoir accès au wi-fi ou aux toilettes etc... Le second, c'est sur le principe du "suspendu", cela comprend des repas ou des boissons, du pain, mais aussi des coupes de cheveux, un timbre fiscal pour les pièces administratives, des livres et des photos d'identité. 

Jean-Luc Guerdin est photographe chez Photo Time à Lille, la joie d'aider les plus démunis il l'a connue très jeune, en étant bénévole pour la communauté Emmaüs. Il offre une dizaine de photos par mois. "Les personnes viennent de l'association avec un ticket et ils repartent avec leurs photos. Je le fais depuis trois ou quatre ans et aider, je le ferai toujours !"

Alors pensez à regarder la vitrine d'un commerce avant de rentrer. Les services ou produits y sont identifiables grâce à des autocollants. Le fond bleu pour un service gratuit, le fond blanc pour un produit sur la base du "suspendu". 

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