Témoignage. "Mon frère est parti un matin pour gagner sa vie, pas pour la perdre" : une Nordiste alerte sur les accidents de travail mortels

Publié le Écrit par Lucie Caillieret
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En 2021, selon un rapport de l'Assurance Maladie, 645 accidents de travail ont été mortels. Parmi les victimes cette année-là, le frère de Candice Carton. Deux ans après, cette Nordiste partage son combat et réclame plus d’accompagnement pour les familles des travailleurs décédés.

"Cela fait maintenant 21 mois", souffle Candice Carton, 39 ans, originaire de Fourmies dans le Nord. 

Le 28 juillet 2021, son frère Cédric Carton est décédé à l’âge de 41 ans sur son lieu de travail, dans une carrière de pierre située à proximité de la Belgique. Il y travaillait depuis 17 ans.

Il aurait été frappé par une pierre suite à un tir de mine. Il a été retrouvé seulement deux heures après. Personne ne s’est inquiété de ne pas le voir lors de la pause déjeuner. J’espère qu’il n’a pas souffert…

Candice Carton

"Personne non plus n’a eu la présence d’esprit de nous appeler", déplore-t-elle. "On a appris son décès sur Facebook, le soir vers 22 heures, complètement par hasard. Ma belle-sœur a trouvé un article d’une radio disant qu’un homme d’une trentaine d’années était décédé dans la carrière. Mon frère avait 41 ans alors on s’est interrogés... Puis, dans les commentaires, on a trouvé son surnomJ’ai envoyé des messages aux gens et j’ai appelé la gendarmerie. Après plusieurs questions, on m’a annoncé son décès."

Le début d’une longue procédure judiciaire

Bientôt deux ans après la perte de son frère, Candice Carton souhaite attirer l’attention sur les accidents de travail mortels : "Mon frère est parti un matin pour gagner sa vie, pas pour la perdre". Sans oublier l'accompagnement des familles de victimes. "Nous sommes complètement abandonnés et livrés à nous même."

La Nordiste prend pour exemple les procédures judiciaires suite au décès de son frère. "On navigue entre différentes versions. Certains nous conseillent de ne pas déposer plainte, d’autres disent que c’est indispensable…"

Candice Carton a choisi de le faire mais elle raconte avoir essuyé plusieurs refus : "Je suis allée à la gendarmerie de la commune où habitait mon frère, on m’a dit qu’il fallait que j’aille à la gendarmerie du lieu de l’accident. Là-bas, on m’a dit que ce n’était pas possible car l’enquête était terminée."

La quadragénaire a alors écrit au procureur de la République pour déposer plainte et lui indiquer qu’elle souhaite se constituer partie civile. "Dans un courrier en date du 11 mai 2022, il m’a répondu qu’il accusait bonne réception et qu’il attendait les conclusions de l’enquête de l'inspection du travail. Depuis, tous les jours, je suis dans l’expectative d’une réponse du procureur."

Une association en cours de création

Pour y voir plus clair sur les démarches à effectuer, Candice Carton dit avoir cherché de l’aide. "Il y a bien des associations pour les accidents du travail classiques mais aucune lorsqu’ils sont mortels."

Puis, elle a découvert le "Collectif familles : stop à la mort au travail", créé en novembre 2022.

Aujourd’hui, une vingtaine de familles de victimes ont rejoint ce collectif. Ensemble, ces proches sont en train de fonder une association au niveau national et souhaitent la faire reconnaître d'utilité publique.

C’est un vrai problème de société, il y a deux à trois accidents de travail mortels par jour. Ça passe dans la rubrique des faits divers et le lendemain, on passe à autre chose. On ne veut plus que ce soit invisible !

Candice Carton

Dans les Hauts-de-France, un Plan régional santé au travail a été lancé pour la période 2021-2025. En préambule, George-François Leclerc, préfet de la région, écrivait : "Malgré des efforts continus, il reste encore beaucoup à faire. En 2019, notre région déplore encore 2 815 accidents graves dont 58 décès, plus fréquents que sur le reste du territoire national."

Obtenir de nouvelles mesures

Pour dénoncer ce fléau, le collectif multiplie les événements depuis le début de l'année. Une marche blanche a par exemple été organisée début mars, à Paris. "Une première en France", assure-t-elle.

Certains proches de victimes ont ensuite été reçus au ministère du Travail. L’occasion pour eux de faire connaître plusieurs de leurs doléances. "De véritables campagnes de prévention des accidents au travail, un contact d’urgence obligatoire à prévenir en cas d'accident, la nomination systématique d’un juge d’instruction en cas de mort au travail, une cellule de soutien psychologique et juridique pour les proches des victimes…", énumère Candice Carton.

Un mois plus tard, le collectif a été invité par Aurélien Saintoul, député (NUPES) des Hauts-de-Seine, à participer à des tables rondes. Ce mardi 2 mai, Candice Carton a été invitée à aller témoigner au Parlement européen, à Bruxelles.

"En l’espace de deux mois, avec le collectif, on a incroyablement avancé !", se satisfait la Nordiste, déterminée à aller jusqu’au bout.

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