Témoignages. "Nous sommes tellement usés que tout le monde craque" : une journée de grève pour l'hôpital public dans le Nord

Publié le Écrit par Noëlle Hamez
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Au centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille et devant la maternité de Beaumont à Roubaix des dizaines de grévistes ont manifesté leur mécontentement face aux annonces budgétaire du Premier ministre Michel Barnier concernant les métiers de la santé. Une mobilisation exacerbée par des conditions de travail difficiles et l'examen du projet de loi sur la Sécurité sociale 2025.

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Ce 29 octobre 2024, les hôpitaux publics du Nord tournent au ralenti. Suivant un appel à la grève unitaire et national lancé par les syndicats CGT, FO, UNSA et SUD, soignants et médecins ont décidé de sortir manifester leur opposition aux annonces du Premier ministre Michel Barnier sur la santé, et les discussions autour du financement de la Sécurité sociale, dont le projet de loi était examiné ce lundi à l'Assemblée nationale.

Des congés maladie qui dégringolent

"Vacances ou pas vacances, on se mobilise." Sur le rond-point "des Calmettes", juxtaposé au centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille, une poignée de grévistes distribuent des tracts aux passants, pour les alerter sur leur condition. "Il faut informer les usagers de ce qui se passe avec l'argent public, les gens doivent comprendre que c'est notre argent et qu'il doit être utilisé à bon escient pour la santé." Elisabeth Gocha est manipulatrice radiologue et secrétaire générale CGT au CHU de Lille. Armée de ses flyers, la professionnelle de la santé s'active et fulmine, exposant point par point les griefs que les grévistes reprochent au gouvernement.

En particulier, le volet des jours de carence, journées non payées en cas d'absence pour maladie, qui devraient passer d'un jour à trois. Un traitement d'ores et déjà appliqué dans les hôpitaux privés. Également, les salariés de l'hôpital public bénéficiaient jusqu'à présent de trois mois de salaire à temps plein - soit 100% - en cas de congé maladie pour une période de trois mois. Or, le gouvernement souhaite abaisser ce salaire à 90% sur les 3 premiers mois.

"On sous-entendant que les fonctionnaires sont des fainéants, c'est insupportable", fustige Elisabeth Gocha. "Depuis le Covid y a une augmentation du nombre d'absences pour maladie car nous sommes tellement usés que tout le monde craque, part en burn-out... On n'est pas des robots et l'hôpital public n'est pas une entreprise."

On sous-entendant que les fonctionnaires sont des fainéants, c'est insupportable. On n'est pas des robots et l'hôpital public n'est pas une entreprise.

Elisabeth Gocha, secrétaire générale CGT au CHU de Lille

Réduction du financement des hôpitaux

L'appel à la grève lancé ce mardi concerne également de l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2025, jugé insuffisant par les syndicats et le monde de la santé. Tout particulièrement pour ce qui est du budget alloué à l'hôpital et au secteur médico-social, l'ONDAM (objectif national de dépenses de l'Assurance maladie), qui augmentera de 2,8% par rapport à 2024. Un plan peu ambitieux pour les acteurs de la santé, qui réclament une augmentation de 6 à 10%.

"Concrètement ils vont encore réduire le financement transmis aux hôpitaux", déclare Elisabeth Gocha. "L'ONDAM ne progresse pas, il stagne et nos faibles moyens vont encore se réduire. Sauf que derrière c'est toujours la masse salariale qui prend."

Des mesures qui allongent encore un peu plus la liste des maux des soignants du CHU de Lille et d'ailleurs, régulièrement mobilisés pour dénoncer leurs conditions de travail. "Depuis des années on ne voit pas le bout du tunnel et on sait que ça va encore s'aggraver."

Un manque d'ouverture de postes

À quelques kilomètres de là, d'autres grévistes scandent des slogans devant la maternité de Beaumont, à Roubaix. "La couche est pleine !". Sur des draps blancs, une dizaine d'auxiliaires de puériculture ont inscrit leur exaspération. Comme le décrivait déjà Elisabeth Gocha, ces soignantes sont elles aussi épuisées après avoir passé des mois, voire des années, en sous-effectif.

On fait face comme on peut, toujours dans la bienveillance et la qualité, mais ça devient difficile psychologiquement de tenir.

Claire, auxiliaire de puériculture

"On fait face comme on peut, toujours dans la bienveillance et la qualité, mais ça devient difficile psychologiquement de tenir", témoigne Claire en tenant un nouveau-né dans ses bras.

La maternité de Roubaix jouit depuis toujours d'une très bonne réputation. Une qualité devenue défaut, lorsque le nombre de patients accueillis devient bien supérieur à la quantité de soignants disponibles pour les prendre en charge. Jacques Adamski, secrétaire général CGT de l'hôpital de Roubaix ajoute que la fermeture de certains lits et de plusieurs types de soins à la clinique Jeanne de Flandres, à Lille, a créé un nouvel afflux de patients vers leur maternité. "Le problème c'est que l’effectif n’a pas été augmenté par rapport à l‘accroissement des patients. Le service de néonatologie est toujours plein alors qu'il demande plus d'attention... Le personnel continue d’assurer ce service au détriment de sa santé."

Le problème c'est que l’effectif n’a pas été augmenté par rapport à l‘accroissement des patients. (...) Le personnel continue d’assurer ce service au détriment de sa santé.

Jacques Adamski, secrétaire général CGT de l’hôpital de Roubaix

Départs, arrêts maladie, manque d'attractivité... Les mesures annoncées récemment par Michel Barnier font donc craindre aux auxiliaires de Roubaix une attente de renforts supplémentaires longue, pénible et surtout sans fin.

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