"Toute votre vie tourne autour de ça. C'est un enfer" : libérer la parole autour de l'endométriose par des ateliers au Palais des Beaux-Arts de Lille

Elle s'appelle Florine Mathon, elle a 27 ans. Une jeune femme pétillante qui termine son 2e master à l'Institut supérieur des Arts de Paris. Lilloise d'origine, c'est naturellement vers le Palais des Beaux-Arts de Lille qu'elle s'est tournée pour monter un projet d'étude associant art et endométriose, maladie encore mal connue et qui lui pourrit la vie depuis des années.

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Des voix s'échappent au loin du cœur du Palais des Beaux-Arts. Elles réverbèrent dans le calme de ce mardi, jour de fermeture. Presque des chuchotements. L'atelier de sophrologie va bientôt commencer et la discussion va bon train. Des confidences, de celles qu'on échange entre copines habituellement. De celles pas faciles à confier à n'importe qui. 

Qu'importe, elles le savent, il faut bien raconter pour faire évoluer les mentalités. Florine et Julie souffrent toutes deux d'endométriose. "Tous les jours depuis que je suis née, j’ai mal au ventre. Même bébé, ma mère n'arrivait pas à m'alimenter" confie Julie Vermeulen. "Petite, quand j’avais mal, mes proches pensaient que c’était parce que je ne voulais pas aller à l’école !" ajoute Florine.

On le comprend vite, l'endométriose régente insidieusement leur vie depuis des années. 

Un handicap

a m'a pénalisée pendant mes études. J'étais souvent absente. L'endométriose n'est pas reconnue comme handicap. Et beaucoup de femmes ne comprennent pas, c'est souvent elles qui comprennent le moins. Au motif que, elles aussi, ont leurs règles..." explique Florine. Comment faire comprendre aux autres des douleurs insoutenables ? Répétées et qui durent dans le temps ? Comment faire comprendre que la maladie provoque chez certaines des règles hémorragiques, entraînant des pertes de sang abondantes pouvant durer des semaines ?

"Maintenant que je dois construire une carrière, c'est un obstacle important" poursuit Florine. "Je ne vais pas manger certaines choses qui me provoquent des douleurs, je dois parfois déboutonner mon pantalon, retirer ma ceinture tellement mon ventre a gonflé. Toute votre vie tourne autour de ça, vous y pensez constamment C'est un enfer !"

Soulager, par l'art-thérapie

Il est temps de s'installer pour une séance de sophrologie menée par Marine-Lô Haussart. Guidées par sa voix, les participantes se laissent doucement emporter. Détendre le visage, le cou, le ventre, les jambes, respirer, sentir son corps. S'écouter. De longues minutes s'écoulent, elles écoutent toujours la douce voix de Marine-Lô. Puis, petit à petit, elles reprennent pied dans la réalité. 

À leur grande surprise, elles se disent soulagées. Julie n'en revient pas. "Mes tensions du ventre sont complètement parties, alors que j’ai mal depuis deux semaines !" Elle ajoute : "le ventre, c'est devenu tellement obsessionnel chez moi. Ça fait du bien, ça m’est rarement arrivé de me détendre comme ça". 

Marine-Lô leur demande leur ressenti. "J'ai ressenti une sensation de flottement, d’apaisement, j’ai même eu un peu froid à un moment" raconte Florine. "Je me sens étonnamment détendue, j’étais stressée ce matin avec l’organisation de la journée." Un soulagement temporaire, l'endométriose ne lâche pas les femmes qu'elle a conquises. 

7 ans en moyenne pour diagnostiquer la maladie

Le ministère de la santé définit ainsi l'endométriose : "il s’agit d’une pathologie gynécologique chronique, qui se caractérise par le développement de la muqueuse interne utérine (l’endomètre) en dehors de l’utérus, colonisant parfois d’autres organes. Des fragments d’endomètre se déposent alors sur les ovaires, la vessie, le rectum, le péritoine (membrane qui recouvre les viscères) et peuvent provoquer des douleurs du bas-ventre et d’autres symptômes fonctionnels selon leur localisation".

Enfin, le site internet du ministère précise : "Son diagnostic, parfois difficile, est encore trop souvent tardif : 7 ans en moyenne".

L’endométriose est une pathologie encore méconnue, aux formes multiples et dont l’évolution et l’intensité varient d’une femme à l’autre. Les malades présentes évoquent une fatigue chronique, des douleurs pelviennes, intestinales, des maux de tête. Julie ajoute "Je traverse parfois des épisodes dépressifs où tout est noir. Je n'ai jamais eu une vie normale. Pourtant, je mange sainement, je fais du sport, je marche". Elle confie avoir toujours des antidouleurs sur elle. Et comme l'heure est aux partages d'expérience, elles évoquent ce qui les soulage. Notamment ce qu'elles appellent les TENS, appareil qui envoie des signaux électriques et rend la douleur plus supportable pour certaines.

Florine elle, montre sa carte pour accéder aux toilettes plus facilement. Un vrai souci pour certaines patientes quand les saignements deviennent trop importants.

Retirer l'utérus ?

Et puis bien sûr, elles parlent utérus et fertilité. Puisqu'une des conséquences de l'endométriose est l'infertilité. Les souhaits de grossesse sont souvent à l'origine de la découverte de la maladie.

Florine confesse que l'idée de se le faire enlever lui a déjà traversé l’esprit, plus d’une fois. Elle a 27 ans. "Je sais que je ne veux pas d’enfant, pas de parcours de PMA (procréation médicalement assistée), j’ai trop peur d’arrêter les traitements, la pilule. Je la prends depuis mes 12 ans. J’ai arrêté quelques mois à 20 ans et ça a été l’enfer. C’est quelque chose que je n’ai pas envie de revivre. Si je dois tout retirer pour être tranquille, je suis prête".

Une autre patiente confie, elle, être dans le parcours pour se le faire enlever. Elle a 42 ans, pas d'enfant et n'en souhaite pas. On comprend en filigrane les difficultés provoquées par la maladie "l'endométriose, c'est pleurer, être stressée, ça pourrit le couple. Les amis aussi, ça coupe les relations sociales, il est compliqué de sortir quand vous êtes pliée en deux."

Elle confie aussi avoir développé une psychose du sang, de la couleur rouge. Synonyme de douleurs intenses. "J'ai des pertes qui durent plusieurs semaines, je dois prendre des protections de retour de couche" lâche-t-elle.

Sur l'hystérectomie, l'ablation chirurgicale de l'utérus, Ingrid Tiberghien, coordinatrice Endolille de la Clinique du Bois à Lille, estime qu'il ne faut pas négliger l'aspect psychologique d'une telle opération :   "On enlève l’organe féminin par excellence (et hormonal), l'utérus et les ovaires. C'est un dernier recours".

Mieux faire connaître l'endométriose

Avant la sophrologie, ces femmes ont aussi partagé un atelier de peinture autour de la Vénus d'Amaury-Duval. Vénus, déesse de la beauté qui représente une forme d'idéal féminin. Tout un symbole pour ces femmes vivant si douloureusement leur condition de femme.

"Dans mon groupe d’amis, mon surnom, c'est mamie Florine qui a toujours mal quelque part" rigole  Florine. C'est elle qui a initié cette journée pour créer un espace d'expression des douleurs et du ressenti par l'art, dans le cadre de son master projet culturel et artistique.

Un tabou, encore ?

Le diagnostic de l'endométriose est encore souvent très long à établir. Aussi parce que, dans l'imaginaire collectif, il est normal d'avoir mal lors des règles. Et puis, la maladie prend des formes très diverses. Elle est encore mal connue. Par manque de recherche ? Est-elle d'origine purement génétique ? Les perturbateurs endocriniens la favorisent-t-elle ?

Mais les choses avancent doucement. Notamment depuis janvier 2022, quand Emmanuel Macron a demandé aux Agences régionales de santé (ARS) de créer des filières. Endhauts a été créée en juillet 2023 pour faire de la formation et de l'information, à la fois des professionnels et du grand public.

Aujourd'hui, on estime qu'une à deux femmes sur 10 sont touchées par l'endométriose. "La maladie concerne probablement deux fois plus de femmes" concède Ingrid Tiberghien d'Endolille... puisque beaucoup ne sont pas diagnostiquées.

  • Endochu - Hôpitale Jeanne de Flandres  03.20.44.64.83
  • Endolille - Centre Endométriose 03.59.75.59.75
  • EndoAction - Association de malades 06.64.51.77.26
  • Justice Endo 
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