Une personne menstruée sur dix serait atteinte d'endométriose en France. Cette maladie complexe génère des maladies chroniques et aucun traitement spécifique n'a pour l'instant été trouvé. En moyenne, il faut sept ans pour la diagnostiquer. Pour Hauts féminin, Justine et Perrine ont accepté de témoigner de leurs parcours.
"C'est normal d'avoir mal quand on a ses règles." Cette phrase, prononcée par un professionnel de santé ou son entourage, la plupart des personnes atteintes d'endométriose l'ont entendue au moins une fois dans leur vie. Ce refus de la reconnaissance de la douleur des femmes résulte bien souvent en un retard de diagnostic. Selon l'INSERM, il faut en moyenne sept ans pour diagnostiquer une endométriose. On estime pourtant qu'au moins une personne menstruée sur dix en est atteinte en France.
Cette maladie se caractérise, pour schématiser, par une propagation de cellules endométriales en dehors de la cavité utérine - l'utérus étant tapissé d'endomètre qui se désagrège lors des règles. Ces cellules vont s'implanter et proliférer, au gré des stimulations hormonales ultérieures, sur les organes voisins. Dans 70% des cas, cela provoque des douleurs chroniques invalidantes.
Une longue errance médicale
Justine Lenclud a expérimenté des douleurs pelviennes très tôt. "Mon histoire avec l'endométriose a commencé au moment de mes premières règles, à l'âge de 11 ans. Elles ont été tout de suite très hémorragiques et douloureuses", explique-t-elle. Elle a été placée sous pilule contraceptive dès l'âge de 14 ans "parce que c'était soi-disant la seule solution pour atténuer les douleurs". Une pilule qu'elle a dû changer régulièrement "parce qu'à force, notre corps s'habitue à la prise du médicament et, à un moment donné, il ne fait plus effet", expose la jeune femme.
La première fois que Justine entend parler d'endométriose, elle a 27 ans. Commence alors un long parcours médical. "On commence par une échographie, ensuite, on fait l'examen d'IRM. On se rend compte que l'examen n'est pas fait par une personne qui connaît vraiment bien l'endométriose donc il faut recommencer. Il faut aller un peu partout en France pour avoir le diagnostic, rencontrer les bonnes personnes", énumère-t-elle.
Un jour, Justine tombe sur un reportage à la télévision sur l'endométriose avec Laëtitia Milot, comédienne française très engagée dans la lutte contre cette maladie dont elle est atteinte et marraine de l'association EndoFrance. Une spécialiste, qui exerce dans une clinique de Bordeaux, intervient dans l'émission. "Je me suis tellement reconnue dans la manière dont la pathologie était expliquée que j'ai décidé d'aller la rencontrer", explique Justine.
Le diagnostic, un soulagement
Son dossier médical sous le bras, Justine rencontre la spécialiste et est officiellement diagnostiquée en juillet 2018. "Ça a été un soulagement de mettre un mot sur mes maux. C'était vraiment la première fois qu'on me disait : 'au vu des symptômes, c'est évident que c'est ça, ce n'est pas autrement'."
Son expérience est prise au sérieux. Ses résultats d'imagerie sont relus par l'équipe médicale bordelaise, une nouvelle IRM est ensuite réalisée afin de confirmer le diagnostic et de détecter la localisation des lésions.
Après des années d'errance médicale, Justine a appris à vivre avec cette maladie complexe dont les symptômes et les conséquences varient selon les patientes. "On dit toujours, il n'y a pas une mais des endométrioses. Les atteintes et les lésions sont différentes d'une femme à une autre."
S'engager pour faire connaître la maladie
L'endométriose peut être superficielle, ovarienne ou profonde. Elle peut toucher les ligaments utérosacrés, l'intestin, la vessie… Les symptômes peuvent être des règles douloureuses, des saignements importants, des douleurs pelviennes et lombaires, lors des rapports sexuels, des troubles digestifs, urinaires, une fatigue chronique ou encore une infertilité. À noter également que l'étendue de l'endométriose n'est pas forcément proportionnelle à sa douleur.
"En fonction des stades de gravités, certaines femmes ne sont plus malheureusement capables de se lever tous les jours et d'aller travailler. Moi, j'ai la chance de pouvoir le faire", appuie Justine. Elle a donc rejoint l'antenne picarde d'EndoFrance afin de sensibiliser à cette pathologie et d'accompagner les patientes.
"Pour moi, l'engagement est très important, car je fais partie des femmes qui ont très bien vécu le diagnostic… ça me paraissait évident de porter la voix des femmes. [...] Cette maladie est très handicapante et mal connue du grand public. On en parle de plus en plus aujourd'hui mais malheureusement, c'est encore insuffisant", souligne-t-elle.
Des douleurs "à tomber dans les pommes"
Perrine Dardart est atteinte d'endométriose et adhérente d'EndoFrance. Elle a rencontré Justine en 2022 lors d'un groupe de parole organisé à Laon, dans l'Aisne, non loin de chez elle. Une rencontre déterminante dans son parcours avec la maladie. "Justine est de très bon conseil. Elle m'a orientée vers des spécialistes à Amiens parce que j'étais mal suivie sur Paris. Maintenant, j'ai un traitement et je vis bien mon endométriose, on va dire. Mon endométriose est comme une colocataire avec qui il faut vivre, avec qui il faut manger, faire toutes les balades…", expose Perrine.
Perrine a, elle aussi, connu un très long parcours médical de neuf ans avant que son endométriose ne lui soit diagnostiquée en 2018. "Je me suis mariée en 2007 dans l'espoir d'avoir une famille avec mon mari. En 2009, j'ai fait appel à plusieurs gynécologues de la région et je n'ai pas d'enfant parce qu'on m'a mal diagnostiquée. On est passé à côté. Je suis tombée sur des médecins plutôt grossophobes. On m'a dit que c'était à cause de mon surpoids si j'avais des problèmes d'infertilité et des règles hémorragiques. Ils ne m'écoutaient pas, je n'étais pas comprise", témoigne-t-elle.
Pourtant, à cette époque, Perrine souffre de douleurs intenses "à tomber dans les pommes. C'était terrible. C'étaient des spasmes comme si des couteaux s'enfonçaient dans mon ventre. Et puis des règles hémorragiques comme des scènes de crime, on me suivait à la trace. C'était vraiment affreux".
La nécessaire formation des praticiens
Quand Perrine rencontre Justine, elle en est à son 73e jour de règles hémorragiques. Pour elle, "il faut surtout que les praticiens soient vraiment à l'écoute de leurs patientes, qu'ils aient la formation et l'information à donner. C'est vachement important", souligne Perrine. C'est un des objectifs que poursuit l'association EndoFrance.
En ce moment, on intervient beaucoup dans les écoles qui forment les futurs professionnels de santé. On fait aussi de la sensibilisation pour les professionnels en place qui désirent être sensibilisés à la pathologie.
Justine Lenclud, bénévole chez EndoFrance Picardie
L'association est bien sûr présente pour les patientes et les proches et fait le relais entre eux et les professionnels de santé. "Toutes les femmes que j'ai pu rencontrer depuis plus de quatre ans de bénévolat me touchent. Pour moi, c'est toujours beaucoup d'émotion d'écouter leur parcours", abonde Justine. Des groupes de parole sont ainsi organisés tous les mois, en présentiel et en distanciel.
Les solutions proposées
Il n'existe pas, à ce jour, de traitement définitif de l'endométriose. Une fois le diagnostic posé, différents traitements peuvent être proposés selon les cas et endiguer l'évolution de la maladie. Il peut s'agir d'un traitement hormonal, d'une cure de ménopause artificielle ou d'un traitement chirurgical. L'endométriose est une maladie évolutive, elle peut régresser, s'aggraver ou récidiver.
Dans de plus en plus de cas, l'endométriose fait l'objet d'une prise en charge pluridisciplinaire. La consultation d'un kinésithérapeute, d'un diététicien ou encore d'un psychologue peut aider à soulager les symptômes ou à faire face à la maladie. La pratique d'un sport comme le yoga peut également aider certaines femmes.
EndoFrance Picardie est joignable à l'adresse mail picardie@endofrance.org. De nombreuses ressources et informations sont également disponibles sur le site d'EndoFrance.org.
Retrouvez l'intégralité de l'émission Hauts féminin sur l'endométriose, et les autres épisodes de l'émission sur france.tv.